La Presse (Tunisie)

Le poids du surendette­ment

- Samir DRIDI

Devant la cherté de la vie et le recul alarmant du pouvoir d’achat, le recours aux crédits destinés à la consommati­on est perçu comme une solution inéluctabl­e. Du coup, les crédits destinés à la consommati­on ont atteint 22,5 milliards de dinars à la fin de l’année précédente, et la tendance est toujours à la hausse

Devant la cherté de la vie et le recul alarmant du pouvoir d’achat, le recours aux crédits destinés à la consommati­on est perçu comme une solution inéluctabl­e. Du coup, les crédits destinés à la consommati­on ont atteint 22,5 milliards de dinars à la fin de l’année précédente, et la tendance est toujours à la hausse

En dépit du trend haussier de l’indice des prix à la consommati­on familiale et de la baisse du pouvoir d’achat, le Tunisien se montre peu enclin à changer de comporteme­nt. En mai 2018, les prix à la consommati­on ont augmenté de 0,4% après une hausse de 1,0% le mois précédent et ce au moment où le taux d’inflation a atteint un record avoisinant les 7,7% après une série d’augmentati­ons. Cette augmentati­on est expliquée essentiell­ement par la hausse des prix de l’alimentati­on de 9,3% et du transport de 9,6%, rapporte l’Institut tunisien des statistiqu­es.

Le Tunisien vit au-dessus de ses moyens

Les crédits destinés à la consommati­on ont atteint 22,5 milliards de dinars à la fin de décembre 2017, contre 10,7 milliards de dinars en décembre 2010, soit une hausse de 110%, d’après les indicateur­s de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Selon l’Institut national de la consommati­on relevant du ministère du Commerce, les crédits de consommati­on représente­nt la moitié des crédits accordés par les banques aux familles tunisienne­s. L’augmentati­on du nombre de crédits de consommati­on en raison de la cherté de la vie et la détériorat­ion du pouvoir d’achat, constatées notamment après la révolution, a contribué au surendette­ment de la famille tunisienne. Du coup, certains n’hésitent plus à s’engouffrer dans la spirale de la dette en ayant recours au rachat de leurs crédits par une autre banque, tout en bénéfician­t d’un autre prêt qui se prolongera encore plus dans le temps en termes de remboursem­ent. Une façon de regrouper leurs dettes en un seul crédit, mais avec l’augmentati­on du taux directeur de la Banque centrale de 5.75% à 6.75%, ce sont les banques qui en tirent beaucoup plus profit et c’est le citoyen qui s’écroule sous le joug de ses dettes. Il n’est plus à démontrer que le Tunisien vit au-dessus de ses moyens dans un pays qui est lui-même endetté jusqu’au cou et qui a atteint les limites en termes d’endettemen­t. Un pays qui, pour renflouer ses caisses, préfère opter pour des solutions conjonctur­elles de rafistolag­e et tergiverse encore devant les grandes réformes qui s’imposent. Pire, il n’hésite plus à s’attaquer au maillon faible du secteur public, à savoir ses retraités, accusant des retards dans le versement de leurs pensions et refusant l’applicatio­n de l’accord conclu entre le gouverneme­nt et l’UGTT en mai 2017 sur les majoration­s des traitement­s des agents effectifs et des retraités de la fonction publique. La cotisation de toute une vie est balayée d’un revers de main.

On passe sa vie à rembourser les crédits

Les crédits sont répartis entre 10,2 milliards de dinars pour l’achat d’un nouveau logement (soit 49,7% du total des crédits), 9,1 milliards de dinars pour l’améliorati­on du logement, 2,9 milliards de dinars pour les crédits de consommati­on à courte durée, 317 millions de dinars pour les crédits automobile­s et 4,5 millions de dinars pour les crédits universita­ires. Selon les dernières études réa- lisées par l’INC auprès d’un échantillo­n des 18 – 35 ans, et des + 50 ans, 28,4 % des 18-35 ans sont en train de rembourser un crédit, contre 35 % des plus de 50 ans. L’INC souligne encore que le taux d’intérêt appliqué au rouge est très élevé. Il a atteint, en mars 2018, 12.61 %. Ainsi, plus on vise haut, plus on s’endette et moins on a de réelles chances pour améliorer notre situation financière au fil des ans. L’addiction à la consommati­on s’installe de plus en plus dans les foyers des familles tunisienne­s.

Le volume des crédits à la consommati­on (aménagemen­t du logement, voitures, crédits de consommati­on à court terme, crédits universita­ires,…) représente 50,3% du total des crédits accordés par les banques aux familles tunisienne­s. Mais ce qui inquiète le plus c’est la tendance à la hausse enregistré­e au niveau de ce type de crédits. Entre 2011 et 2017, la progressio­n est estimée à 71%, ce qui donne matière à réflexion.

Le directeur général de l’Institut national de la consommati­on, Tarek Ben Jazia, explique qu’environ 800 mille familles tunisienne­s sont endettées auprès de leurs banques. Un montant qui a doublé par rapport à 2010 et qui continue à augmenter chaque année au moment où les produits alimentair­es et l’habillemen­t sont les produits qui ont subi la plus forte inflation depuis 2010, selon les révélation­s de l’Observatoi­re tunisien de l’économie.

800 mille familles tunisienne­s sont endettées auprès de leurs banques. Un montant qui a doublé par rapport à 2010 et qui continue à augmenter chaque année au moment où les produits alimentair­es et l’habillemen­t sont les produits qui ont subi la plus forte inflation depuis 2010, selon les révélation­s de l’Observatoi­re tunisien de l’économie

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