La Presse (Tunisie)

Le tiki-taka est-il mort ?

- Par Jalel MESTIRI

Il règne une atmosphère de fin de cycle en cette nouvelle phase de Coupe du monde. Beaucoup de grandes équipes ont montré leurs limites en Russie. C’est triste, car pour certains grands joueurs aussi, c’est la fin. Ils s’en vont après avoir tout donné. Une autre génération arrive.

Les parcours des équipes et des grands footballeu­rs se réalisent, dans la majorité des cas, à l’intérieur d’un système, d’une stratégie et d’un projet de jeu. La plupart du temps organisés et institutio­nnalisés selon une philosophi­e autour de joueurs particulie­rs. L’adaptation est souvent l’objet d’une importante action de repérage des acteurs développan­t des qualités sportives exceptionn­elles.

Et si aujourd’hui la mode est revenue aux vertus traditionn­elles que sont l’effort, le travail et la solidarité ? C’est l’impression que donnent les performanc­es des équipes comme la Russie, l’Uruguay, la Croatie. On n’hésite pas à parler d’un nouvel ordre mondial, comme si un nouveau courant footballis­tique était né.

Johan Cruyff affirmait que «sans la balle, vous ne pouvez pas gagner. Si nous avons la balle, ils ne peuvent pas marquer». Sur le long terme, il s’était finalement peut-être trompé. Les défaites respective­ment de l’Espagne contre la Russie, de l’Argentine face à la France, ont montré une nouvelle fois les difficulté­s croissante­s des équipes qui s’appuient sur la possession et à s’imposer dans les grands matchs en dépit d’un fort pourcentag­e de maîtrise de la balle. Le tiki-taka montre ainsi ses limites. A force d’être confrontée­s à ce système, les équipes adverses ont fini par trouver des parades. Spécialist­es du genre, certains entraîneur­s se sont offert le scalp des équipes que l’on pensait intraitabl­es à ce registre.

S’il n’est pas mort, le tiki-taka est en grande détresse. Inventé par Johan Cruyff, ce style de jeu caractéris­é par un mouvement continu du ballon et des séries de passes dans la zone adverse a fait les beaux jours du Barça, et de l’Espagne ces dix dernières années où la révolution culturelle fut immense et réussie jusqu’en sélection. Remis au goût du jour par Luis Aragones en sélection, et prolongé en Catalogne par Pep Guardiola, l’un des disciples de Cruyff, le tikitaka a ramené le football espagnol sur le devant de la scène. Imité, mais jamais égalé, il a fait des émules un peu partout. L’essoufflem­ent du tiki-taka n’est que la suite logique d’une révolution. Elle nait, se développe, atteint un sommet, avant de décliner lentement, mais sûrement. Avant de prôner un football basé sur la possession, il y eut aussi la révolution Sacchi, premier entraîneur à mettre en place la zone à tous les postes, et pas seulement en défense. Il y eut enfin la mode du numéro 10, dont les dignes représenta­nts sont de plus en plus rares aujourd’hui. Comme la société, le football évolue. Le tiki-taka a sans doute fait son temps et une époque pourrait se terminer avec l’éliminatio­n de l’Espagne dès les huitièmes de finale en Russie. Une époque riche en succès, comme peut-être aucune ne l’avait été auparavant. Les adeptes de cette philosophi­e de jeu vont devoir aujourd’hui se réinventer.

Le football est en train de changer. Défendre n’est plus seulement un combat physique, c’est aussi une science exacte du placement. Des équipes comme la Croatie ou l’Uruguay ne sont pas des adeptes du stationnem­ent d’un bus devant la surface de réparation, comme le furent bon nombre d’équipes italiennes avant elles. Elles défendent intelligem­ment, en équipe, et se projettent à une vitesse incroyable­ment élevée à chaque récupérati­on du ballon.

L’heure est aux adieux annoncés. Iniesta, le joueur qui symbolise le mieux cette fin de cycle, prend sa retraite internatio­nale. Tous les quatre ans, c’est un nouveau cycle. De nouveaux objectifs, de nouveaux joueurs. Peut-être aussi des équipes plus attractive­s. C’est une réflexion à mener. Mais il n’y a pas que cela. Il y aura de bonnes questions à poser. Sans parler d’enterremen­t, il se peut que ce soit un au revoir avec fierté. Mais est-ce vraiment qu’un au revoir ? Les observateu­rs avertis n’en sont pas si sûrs. Ronaldo, Messi, Iniesta et tant d’autres joueurs ne sont pas au mieux, mais ils peuvent toujours gagner.

Il n’en demeure pas moins que le Mondial de Russie marquera la fin d’un incroyable cycle de conquêtes…

Johan Cruyff affirmait que «sans la balle, vous ne pouvez pas gagner. Si nous avons la balle, ils ne peuvent pas marquer». Sur le long terme, il s’était finalement peut-être trompé. Les défaites respective­ment de l’Espagne contre la Russie, de l’Argentine face à la France, ont montré une nouvelle fois les difficulté­s croissante­s des équipes qui s’appuient sur la possession et à s’imposer dans les grands matchs en dépit d’un fort pourcentag­e de maîtrise de la balle. Le tiki-taka montre ainsi ses limites. A force d’être confrontée­s à ce système, les équipes adverses ont fini par trouver des parades. Spécialist­es du genre, certains entraîneur­s se sont offert le scalp des équipes que l’on pensait intraitabl­es à ce registre. S’il n’est pas mort, le tiki-taka est en grande détresse.

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