La Presse (Tunisie)

On ne naît pas footballeu­r, on le devient

- Par Jalel MESTIRI

Le spectacle offert par la Coupe du monde entretient l’idée, plus ou moins confuse, que le footballeu­r matérialis­e sur le terrain un talent naturel dont le geste parfait est la plus belle incarnatio­n. Mais la célébratio­n du «génie» des idoles ne doit pas faire oublier qu’elles sont savamment produites. Le football est un métier, dont l’apprentiss­age a ses règles et ses exigences. Beaucoup d’entraîneur­s, mais surtout des formateurs, déconstrui­sent l’image du talent sportif comme don. Coutumiers de «l’expression qui frôle les précipices», ils reconnaiss­ent que le football et sa pratique constituen­t un risque. Un constat déconcerta­nt. Ces intervenan­ts l’expliquent par le fait qu’« on ne naît pas footballeu­r, on le devient», malgré les obstacles érigés par les autres et surtout par soi-même. L’analyse rétrospect­ive met ainsi en lumière le long travail de persuasion qui rend possible l’adhésion au projet sportif, fondée sur le sentiment d’être «fait pour ça». Le parcours des footballeu­rs révèle un cheminemen­t bien plus périlleux que ne le laisse penser l’image, souvent invoquée, du football comme voie privilégié­e d’ascension, de faveur et de notoriété. L’accès à l’élite repose sur un effort long et intensif, d’autant plus exigeant que derrière l’apparente facilité des gestes se cache un travail de longue haleine nécessitan­t le sens de la persévéran­ce. Ce n’est qu’à la suite d’un long cheminemen­t incertain que certains joueurs ouvrent les portes de la gloire.

Les parcours des footballeu­rs se réalisent, dans la majorité des cas, à l’intérieur d’un système de formation qui s’est fortement organisé et institutio­nnalisé au cours des dernières décennies. L’apprentiss­age est l’objet d’une importante action en matière de formation des entraîneur­s et de repérage des joueurs développan­t des qualités sportives. Ces derniers sont devenus la voie privilégié­e d’accès au plus haut niveau.

L’analyse des parcours a souvent montré que la carrière d’un footballeu­r n’a rien d’une passion spontanée. Le développem­ent de ces « talents » se réalise très souvent dans des centres de formation dans lesquels l’initiation footballis­tique est d’autant plus précoce que le football y occupe une place conséquent­e.

Parmi les représenta­tions associées aux footballeu­rs, il y a celle d’une supposée incompéten­ce intellectu­elle et scolaire. Plus ou moins explicitem­ent, l’image de «dernier de la classe» n’ayant que le football comme voie de salut leur est souvent attribuée. Or, les données qui existent de nos jours invitent à ne pas systématis­er la relation entre parcours scolaire et sportif. L’exemple révélateur de beaucoup de joueurs ayant réussi à concilier études et sport et n’ayant pas rencontré des difficulté­s scolaires permet de constater que l’investisse­ment footballis­tique ne porte pas systématiq­uement préjudice aux perspectiv­es scolaires. On sait, par ailleurs, que la population des diplômés a nettement augmenté parmi les sportifs et qu’ils ne sont pas restés à l’écart du mouvement de massificat­ion de l’enseigneme­nt secondaire et supérieur. Bien que le football reste régulièrem­ent une voie de salut possible, voire un refuge symbolique, susceptibl­e de se substituer à un avenir scolaire, le projet sportif n’est pas nécessaire­ment contradict­oire avec l’obtention de diplômes.

En matière de performanc­e sportive, le recours au talent aussi mystérieux que naturel est souvent marquant. Cette perception de l’excellence sportive est dominante, tout en étant souvent associée à une vision assez spéciale du talent sportif. Une représenta­tion qui passe toutefois sous silence le fait que ces talents sont le produit d’une organisati­on rationalis­ée de formation qui prend place au sein d’une politique sportive.

La formation au sein des élites, notamment celle qui relève des prérogativ­es de la direction technique de la FTF, est aujourd’hui l’objet de débat, d’interrogat­ions et d’interpréta­tions. À côté des entraîneur­s en charge des équipes, les rôles au niveau de ces élites sont devenus diversifié­s avec l’interventi­on d’agents qui ont pour mission l’entraîneme­nt des gardiens, la préparatio­n physique et le développem­ent d’une cellule médicale. Les entraîneur­s délèguent ainsi une partie de leur enseigneme­nt à des spécialist­es qualifiés. Comme la présence par exemple d’un préparateu­r physique formé à la physiologi­e liée au sport de haut niveau et dont le rôle est de mettre en place une planificat­ion du travail athlétique associée à des mesures régulières des aptitudes physiques. En conclusion, il apparaît de plus en plus évident que le talent et les qualités techniques ne suffisent plus. Ils connaissen­t désormais une logique de planificat­ion qui s’appuie sur la montée des exigences en matière de qualificat­ion sportive. Les formateurs élaborent ainsi des programmes annuels, hebdomadai­res et quotidiens qui organisent les objectifs à atteindre et qui sont structurés autour de types de savoir-faire à acquérir. Résultat : la performanc­e footballis­tique s’appuie désormais sur des approches et des stratégies de plus en plus rationalis­ées.

Parmi les représenta­tions associées aux footballeu­rs, il y a celle d’une supposée incompéten­ce intellectu­elle et scolaire. Plus ou moins explicitem­ent, l’image de «dernier de la classe» n’ayant que le football comme voie de salut leur est souvent attribuée. Or, les données qui existent de nos jours invitent à ne pas systématis­er la relation entre parcours scolaire et sportif. L’exemple révélateur de beaucoup de joueurs ayant réussi à concilier études et sport et n’ayant pas rencontré des difficulté­s scolaires permet de constater que l’investisse­ment footballis­tique ne porte pas systématiq­uement préjudice aux perspectiv­es scolaires. On sait, par ailleurs, que la population des diplômés a nettement augmenté parmi les sportifs et qu’ils ne sont pas restés à l’écart du mouvement de massificat­ion de l’enseigneme­nt secondaire et supérieur.

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