Un centre d’hébergement à l’abandon…
… faute de budget de fonctionnement et de législation adéquate
Le centre d’hébergement et d’écotourisme d’El Feija, havre de paix situé au coeur du Parc national (à l’Ouest de Jendouba), continue d’être fermé aux visiteurs, depuis 7 ans, bien qu’il soit équipé et prêt à accueillir, durant toute l’année, des centaines de randonneurs et amoureux de la nature et pourrait créer une dynamique écotouristique au profit des populations locales. Faute de budget de fonctionnement et de lois appropriées, le centre à l’abandon est en train de se détériorer. Il pourrait, pourtant, être géré dans le cadre d’un partenariat public-privé, pour contribuer à la valorisation du Parc national d’El Feija, un coin du paradis qui se déploie à l’extrémité de la chaîne montagneuse de la Kroumirie, comme un rideau de verdure adossé à l’Algérie. Le ministère de l’Agriculture, qui a pourtant contribué au financement de la construction de cet établissement d’une capacité de 40 lits, n’a rien fait depuis 7 ans, pour permettre son entrée en exploitation, laquelle pourrait créer des dizaines d’emplois verts et de nombreuses opportunités pour les populations locales, mais aussi pour les gardes et les agents forestiers et leurs familles, qui veillent sur la sécurité de ce site, à la valeur universelle. Pour rappel, le centre d’accueil a été construit moyennant un cofinancement du WWF (fonds mondial pour la nature), estimé à 120 mille dinars. «Bien que les finances publiques en Tunisie soient dans le rouge, l’Etat et certains départements ministériels continuent de dilapider les fonds publics, en abandonnant ou en laissant inexploités des projets au profit desquels l’Etat ou des bailleurs de fonds ont mobilisé des ressources colossales», s’étonnent les responsables du Parc. De leur côté, les gardes forestiers et le personnel en charge de la conservation du Parc ont formulé l’espoir de voir s’ouvrir le centre et le parc accueillir davantage de visiteurs.
Assouplir la législation forestière pour mieux intégrer les populations locales
En Tunisie, la forêt, dont la superficie est estimée à 5,6 millions d’hectares (y compris les parcours et les nappes alfatières), représente une source de vie pour près d’un million d’habitants des zones rurales. L’administration forestière avait proposé lors d’un atelier de consultation organisé en partenariat avec la Direction générale des forêts (DGF) des modifications à introduire sur le code forestier, en vue de l’adapter à l’évolution des modes de gestion des aires naturelles. Les projets de modification proposés concernent la cogestion des espaces forestiers, pour donner une certaine liberté à la direction générale des forêts, afin de traiter dans la légalité avec les habitants des zones forestières et les intégrer dans un processus de consultation et participation active dans la gestion des forêts. « Une fois les amendements au code forestier effectués et appliqués sur le terrain sans contrainte, un grand pas serait franchi par la Tunisie en matière d’intégration des espaces forestiers dans la dynamique du développement local participatif fondé sur les approches de l’économie sociale et solidaire», a déclaré à l’agence TAP, Sami Dhouib, chargé des programmes forêts au WWF-Tunis. Dans les faits, le Parc national El Feija est géré par un conservateur, qui est chargé administrativement de l’aménagement, de la conservation et du fonctionnement quotidien. Dans le cadre de ces modifications, un arrêté du ministre de l’Agriculture devra déterminer l’ensemble des mesures propres à assurer la conservation dans son état naturel, de chaque parc national ou réserve naturelle, dans le cadre de la cogestion. Jusqu’à ce jour, aucun arrêté n’a été promulgué, pourtant le code forestier reconnaît le droit d’usage pour les Tunisiens domiciliés à l’intérieur des forêts, mais sans spécifier la nature de ce droit sur les produits forestiers (exploitation, vente..). En dehors de la possibilité de l’octroi de concessions dans les parcs nationaux, certains textes spécifiques portant création des parcs ont prévu une autre possibilité, la convention de gestion». Mais, cette alternative n’a pas été jusqu’à ce jour, explorée.
Une dynamique d’écotourisme ratée, en raison de la complexité des lois
L’implication des sociétés exploitant les forêts, dans les différents services et animations touristiques, favorisent une meilleure circulation des revenus localement. Les microentreprises locales, la valorisation de l’artisanat ou de savoirs traditionnels (foresterie, guidage) sont autant d’activités rémunératrices qui aident des sociétés traditionnelles, confrontées à la pauvreté et à l’exode rural, estime Dhouib. L’écotourisme permettrait également, selon un document de la Direction générale des forêts, de sédentariser les populations dans leurs zones, grâce aux emplois directs et/ou indirects qui seraient promus au niveau de leurs territoires et également grâce aux revenus additionnels qui seraient générés. Cette activité permet, notamment, l’écoulement direct de produits de terroir et une meilleure valeur ajoutée (commercialisation en circuit court, de produits forestiers non ligneux, miel... notamment dans les forêts du Nord tunisien). Le WWF Tunisie a, jusqu’à ce jour, contribué à la conception et à la réalisation de 13 projets autour des aires protégées du Nord-Ouest. Son objectif est de joindre l’utile à l’agréable, en impliquant les populations locales, à travers des emplois verts, la conservation de ces aires et des milieux naturels en Tunisie.