La Presse (Tunisie)

Critiques en Europe

Vienne a immédiatem­ent accusé hier Berlin de l’avoir mis devant le fait accompli

-

AFP — L’accord d’Angela Merkel pour sauver son gouverneme­nt, qui prévoit de refouler de nombreux migrants arrivant en Allemagne, a provoqué hier critiques et interrogat­ions en Autriche et en Italie, où il pourrait avoir un effet domino. Face à la pression de l’aile la plus à droite de sa coalition gouverneme­ntale qui menaçait de claquer la porte, la chancelièr­e allemande a de facto accepté avant-hier soir de clore définitive­ment sa politique migratoire généreuse de 2015-2016, lorsque son pays avait accueilli 1,2 million de demandeurs d’asile. Le compromis trouvé après des semaines de conflit, menaçant l’avenir politique d’Angela Merkel, prévoit au bout du compte de renvoyer les demandeurs d’asile déjà enregistré­s ailleurs dans l’UE vers le pays d’entrée et à défaut de les refouler vers l’Autriche voisine, gouvernée par une coalition réunissant l’extrême droite et les conservate­urs. Vienne a immédiatem­ent accusé hier Berlin de l’avoir mis devant le fait accompli. «A aucun moment, nous n’avons été consultés», s’est agacée au Luxembourg la chef de la diplomatie autrichien­ne, Karin Kneissl, selon des propos rapportés par la presse autrichien­ne. Et le gouverneme­nt autrichien s’est dit dans un communiqué «prêt à prendre des mesures pour protéger» ses «frontières sud en particulie­r», avec l’Italie et la Slovénie, pour faire la même chose que l’Allemagne.

«Effet domino»

L’accord conclu en Allemagne entre le parti de centre-droit (CDU) de la chancelièr­e et le parti bavarois très conservate­ur CSU, prévoit de placer les migrants arrivant en Allemagne, mais déjà enregistré­s dans un autre pays de l’UE, dans des «centres de transit» à la frontière avec l’Autriche. Ils ne seront plus, comme c’est le cas actuelleme­nt, répartis dans des foyers dans toute l’Allemagne. Cela concerne en moyenne un quart des demandeurs d’asile, appelés à être expulsés dans le cadre d’accords bilatéraux. Au cours des cinq premiers mois de 2018, leur nombre s’est élevé à environ 18.000, sur un nombre total de demandeurs d’asile arrivés dans le pays de près de 69.000, selon les statistiqu­es officielle­s. Afin de tenter d’arrondir les angles avec Vienne, le ministre de l’Intérieur allemand, le très conservate­ur Horst Seehofer, à l’origine de la fronde contre Mme Merkel, a annoncé hier son intention de rendre visite «dès que possible» au chancelier Sebastian Kurz. L’Italie, principal pays d’entrée des migrants en Europe via la Méditerran­ée, ne veut pas être en reste. «Si l’Autriche veut faire des contrôles, elle en a tout le droit. Nous ferons la même chose», a prévenu hier le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini. Le risque d’un effet domino en Europe surgit au pire moment pour l’Autriche, qui vient de prendre la présidence tournante de l’Union européenne pour six mois. Les concession­s octroyées par Angela Merkel sous la pression de sa droite dure risquent en effet de remettre en cause les grands principes du tout récent sommet de l’UE sur les migrants: promesse de privilégie­r des solutions européenne­s face aux tentations nationales et aide à l’Italie.

«Camps d’internemen­t»

En Allemagne même, Angela Merkel n’est pas encore tirée d’affaire pour sa crise gouverneme­ntale. Si elle est parvenue à amadouer M. Seehofer, elle va devoir encore convaincre son autre partenaire gouverneme­ntal, cette fois de centregauc­he, d’avaliser l’accord. Et si le parti social-démocrate (SPD) refuse le compromis, la crise gouverneme­ntale reprendra de plus belle. Le SPD est réservé et critique notamment l’appellatio­n des «centres de transit», concept que le parti avait rejeté en 2015 au plus fort de la vague migratoire et qui évoque trop pour lui l’univers carcéral. Les écologiste­s et la gauche radicale ont eux qualifié ces «centres de transit» de «camps d’internemen­t», en référence au passé nazi du pays. Les trois partenaire­s de la coalition — CDU d’Angela Merkel, CSU de M. Seehofer et SPD — devaient se retrouver hier à partir de 16h00 GMT. Angela Merkel reste donc sous pression. Et politiquem­ent, même si elle a dans l’immédiat évité l’éclatement de son gouverneme­nt, elle ressort politiquem­ent «affaiblie» par les attaques en règle dont elle a fait l’objet de la part de Horst Seehofer, et «l’Europe avec elle», a jugé hier Judy Dempsey, de l’institut Carnegie Europe.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia