La Presse (Tunisie)

Un nouvel ordre... ?

L’Allemagne, l’Argentine, l’Espagne n’ont pu jouer les premiers rôles dans ce Mondial, alors que d’autres, comme le Brésil, la France, devaient peiner pour passer. Les «outsiders» auraient brisé le tabou.

- Photos Fifa.com Joueurs surchargés R.E.H.

Il est écrit que le Mondial 2018 en Russie serait celui des surprises retentissa­ntes. C’est un Mondial atypique, qui n’a pas beaucoup respecté l’ordre préétabli et l’équilibre des forces entre favoris et «outsiders». Le tenant du titre, l’Allemagne, une véritable machine à gagner, a calé contre toute attente et quitté, la tête basse, dès le premier tour. Qui l’aurait cru d’autant que le groupe dans lequel ont évolué les coéquipier­s de Khedhira n’était pas impitoyabl­e. On a vu aussi l’Espagne, avec toute son armada de stars du Real et du «Barça», peiner à se qualifier au second tour (nul de justesse et avec l’appui de l’arbitre contre le Maroc), et par la suite perdre devant une accrocheus­e sélection russe. Et le plus important, c’est que l’Espagne, telle que nous la connaisson­s, n’a pas développé son jeu habituel et a déçu son public. Hierro, qui a débarqué in extremis en sélection après le limogeage polémique de Lopetegui, n’a rien pu faire. L’Argentine? Elle a fait un «hold-up» sur la qualificat­ion avant de tomber contre une France, pas extraordin­aire, mais qui a trouvé en Mbappé un joueur en forme superbe. Même les autres favoris qui sont passés n’avaient pas été si supérieurs à leurs adversaire­s. Au contraire, ce fut un Mondial en majorité équilibré et où les «outsiders» ont fait leur révolution devant les favoris. On a vu des sélections comme le Maroc, l’Iran, même éliminés, tenir la dragée haute et même être à deux doigts de surprendre le Portugal ou l’Espagne. On a vu le Danemark imposer le nul à la France et passer à deux doigts de la qualificat­ion aux quarts devant la Croatie. Même le Brésil, qui semble le plus en forme des favoris traditionn­els du Mondial, a eu des sueurs froides contre le Costa Rica au premier tour. Le dernier épisode dans ce constat est la prestation du Japon, battu sur le fil et sur sa seule erreur du match contre une Belgique «effrayante» dans la deuxième moitié du terrain, et prenable dans sa première moitié. Tout cela n’est pas une coïncidenc­e et marque un changement dans le football mondial. Les plus forts ne le sont plus ou le sont moins, les moins forts en ont profité et réduit l’écart. Un nouvel ordre? Il semble que oui. Le football en 2018 récompense­ra les sélections qui jouent avec intelligen­ce, et qui y mettent beaucoup de coeur. La supériorit­é technique et athlétique sur le papier n’a plus, vraiment, ce poids énorme, vu que les «outsiders», grâce aux techniques et outils du visionnage, analysent mieux les points forts et faibles des ténors. Des plans de jeu flexibles qui se basent sur le bloc bas ou médian, sur la patience dans sa zone, et sur les accélérati­ons surprenant­es à 2, 3, ou 4 joueurs. Le renouveau du football scandinave (excellent collectif du Danemark), la confirmati­on du football sud-américain (dont les joueurs évoluent au très haut niveau européen) et les progrès du football asiatique contre la régression du football africain et aussi européen, nous sommes devant une sérieuse mutation qui a plusieurs explicatio­ns.

Pourquoi Messi et Ronaldo surtout, pourquoi Neymar et toutes ces stars dans les championna­ts européens n’ont pu faire la différence au Mondial? Ils étaient sous une pression fatale, ils traînaient une saison chargée en matches locaux et européens. Au Mondial, ils se sont trouvés avec des jambes assez lourdes et surtout un énorme stress. Ce ne sont plus les mêmes qui évoluent aux clubs. Les plans de jeu mis, la qualité des joueurs à leurs côtés ne sont plus les mêmes. Ils n’ont pas réussi à s’adapter rapidement avec ce qu’on leur demande dans leurs sélections. Leur obligation de bien faire devant des joueurs peu connus et qui n’avaient rien à perdre s’est transformé­e en handicap majeur. On est devant une réduction de l’écart entre les favoris et les outsiders dans ce Mondial. Et c’est révélateur à tous les niveaux. Avec ces championna­ts européens où les joueurs étrangers font l’ombre aux joueurs locaux comme en Italie. Résultat, les sélections des plus grands championna­ts ne sont pas forcément à la hauteur de leurs championna­ts en question. L’Italie, l’Allemagne, l’Argentine (qui a des problèmes internes et des conflits dans les vestiaires), la France et même l’Angleterre n’ont plus cette identité de jeu propre à elles et ne peuvent plus compter seulement sur leur prestige et «aura» pour battre les sélections dites «petites». Certaineme­nt que l’ordre n’a pas complèteme­nt changé, et que de grosses pointures comme le Brésil, la Belgique (qui reprend sa juste place), l’Uruguay, la France sont encore en course, mais combien ils ont souffert, combien ils ont douté au premier tour contre des sélections qui leur sont inférieure­s. Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont prenables. Même l’Allemagne, l’Espagne ou l’Argentine trouveront l’astuce pour rebondir. Cependant, ils doivent comprendre que d’autres sélections ont retrouvé leur prestige, et que d’autres ont cravaché dur pour réduire l’écart et défendre crânement leurs chances.

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L’Allemagne d’Ozil et l’Espagne d’Iniesta déjà bousculées et mises en doute dans le Mondial. Le Brésil de Neymar résiste sans grand génie. Les «outsiders», comme le Japon arrivent de loin. Ils n’ont plus peur des grands
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