La Presse (Tunisie)

Moscou, le nouveau médiateur ?

- Par Raouf SEDDIK

DEPUIS que le président Donald Trump a décidé de déménager l’ambassade américaine de TelAviv à Al-Qods, son statut de médiateur a été rejeté par l’une des deux parties du conflit au Moyen-Orient, à savoir la partie palestinie­nne. Lors d’un voyage effectué à Moscou en février dernier, le président de l’Autorité palestinie­nne Mahmoud Abbas avait déclaré publiqueme­nt, et en présence de Vladimir Poutine, que les Etats-Unis n’étaient plus médiateur dans le processus de paix... Cette position n’a pas changé depuis cette époque, d’autant qu’entre-temps, le déménageme­nt en question a eu lieu : on se souvient à ce propos du carnage que les soldats israéliens ont fait parmi la jeunesse gazaouie le jour même de l’inaugurati­on : inaugurati­on à laquelle s’étaient rendus la fille du président américain en compagnie de son époux, Jared Kushner, par ailleurs haut conseiller de son beaupère à la Maison-Blanche et chargé du dossier de la paix palestino-israélienn­e. Elle n’a pas changé non plus lorsque le même Jared Kushner a fait une tournée le mois dernier au Moyen-Orient dans le but de peaufiner un «plan de paix» américain dont l’annonce n’en finit pas d’être reportée : il avait été reçu par les dirigeants de Jordanie, d’Arabie saoudite et d’Egypte, ainsi que par Netanyahu... Mais aucune rencontre n’avait eu lieu avec les responsabl­es palestinie­ns.

Mahmoud Abbas n’a pas effectué d’autre voyage à Moscou, mais avec celui de février, et si l’on en juge par l’accueil qui lui a été réservé à cette époque ainsi que par les déclaratio­ns entendues de part et d’autre — l’assurance en particulie­r du président russe selon laquelle son pays a toujours soutenu la cause palestinie­nne — cela est assez pour deviner qu’il s’est opéré ce jour-là une sorte de passage de témoin entre Washington et Moscou... Mais, dirionsnou­s, il ne suffit pas que l’une des deux parties exprime sa volonté de se donner un nouveau médiateur pour que ce nouveau médiateur en devienne un réellement : il y faut le consenteme­nt de l’autre partie. Certes. Et l’on sait qu’entre le gouverneme­nt israélien et Washington, ce n’est pas seulement des relations au beau fixe, c’est carrément la lune de miel... On n’en dirait pas tant concernant la relation avec Moscou. C’est vrai...

On notera pourtant que le Premier ministre israélien n’a pas manqué, lui non plus, d’être reçu par le maître du Kremlin. Et l’on annonce pour mercredi prochain une nouvelle visite à Moscou : elle sera la troisième depuis le début de l’année. Etonnant ! Etonnant alors que la Russie est un allié indéfectib­le de l’Iran, et que ce pays — ennemi déclaré d’Israël — vient par la voix de son président de déclarer dans la capitale suisse que l’Etat hébreu est un Etat «illégitime»...

Officielle­ment, ce voyage porte sur la situation en Syrie. Les Israéliens ont le souci que la guerre en ce pays ne permette pas aux Iraniens de s’y implanter et de constituer une menace rapprochée contre leur propre sécurité. Mais fait-on des rencontres au sommet pour régler des questions de positionne­ment de milices ? En mai dernier, Netanyahu a été associé à Moscou aux célébratio­ns de la victoire contre l’Allemagne nazie : un geste peu banal... Et si le règlement du différend avec l’Iran n’était pas dissociabl­e de celui qui existe entre Israël et les Palestinie­ns ? Que la paix pour Israël se fera avec les deux — Palestinie­ns et Iraniens — ou ne se fera pas ? Si c’est le cas, et tout porte à penser que c’est le cas, peut-on imaginer que la Russie puisse jouer un rôle autre que déterminan­t ?

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