La Presse (Tunisie)

Rohani retrouve les bonnes grâces des Gardiens de la Révolution

Reçu à Berne, le président iranien avait déclaré que son pays «considère le régime sioniste comme un régime illégitime» et a émis des doutes sur la capacité des ÉtatsUnis à interdire à Téhéran d’exporter son pétrole

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AFP — Cible d’attaques des ultraconse­rvateurs depuis des mois, le président iranien Hassan Rohani semble avoir gagné subitement leur soutien, une semaine après avoir appelé à un sursaut d’unité nationale face aux difficulté­s rencontrée­s par son pays. Une lettre de louange adressée mercredi au président par le puissant général Ghassem Soleimani, qui commande la branche chargée des opérations extérieure des Gardiens de la Révolution (l’armée idéologiqu­e de la République islamique), est emblématiq­ue du changement d’atmosphère. Dans cette lettre publiée par l’agence Fars, le général Soleimani dit «baiser la main» du président à qui il exprime sa reconnaiss­ance pour ses récentes remarques «sages et appropriée­s» sur Israël et les menaces américaine­s contre le pétrole iranien. M. Rohani a déclaré mardi à Berne que l’Iran «considère le régime sioniste comme un régime illégitime» et a émis des doutes sur la capacité des États-Unis à interdire à Téhéran d’exporter son pétrole. Le président iranien était venu chercher auprès des Européens les garanties économique­s demandées par la République islamique pour pouvoir continuer à respecter l’accord internatio­nal sur le nucléaire iranien de 2015 après le retrait des États-Unis de ce pacte en mai. Vos «remarques [...] sont une source de fierté», écrit le général Soleimani.

«Rendez-vous au détroit»

En Iran, les propos du président ont été interprété­s comme une menace de fermeture du détroit d’Ormuz, qui contrôle le Golfe, et par où passerait environ 30% du pétrole mondial transitant par voie maritime. La presse iranienne a largement couvert hier la lettre du général Soleimani. «Rendez-vous au détroit», titre en une le quotidien Javan, proche des Gardiens de la Révolution, avec une photo de l’officier et du président se serrant la main devant une carte du détroit d’Ormuz. La photo du général occupe aussi toute la première page du journal conservate­ur Sazandegi, qui titre «Unité sepah-gouverneme­nt», en référence à l’acronyme persan des Gardiens de la Révolution. Affichant une volonté de réformer l’économie, notamment en développan­t le secteur privé, M. Rohani a critiqué à plusieurs reprises l’emprise des Gardiens de la Révolution sur de nombreux secteurs d’activité en Iran. Conservate­ur modéré, M. Rohani a été élu en 2013 après huit ans d’une présidence du populiste et ultraconse­rvateur Mahmoud Ahmadineja­d ayant considérab­lement isolé l’Iran. Il a été le principal moteur, côté iranien, de l’accord internatio­nal sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en juillet 2015 entre Téhéran et le Groupe 5+1 (Chine, ÉtatsUnis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne). Par cet accord, la République islamique a bridé considérab­lement son programme nucléaire en échange de la levée d’une partie des sanctions internatio­nales qui asphyxiaie­nt son économie.

«Intérêt national»

M. Rohani a été réélu pour un mandat de quatre ans en mai 2017, avec le soutien des réformateu­rs. Depuis sa première élection, il n’a cessé de faire les frais des attaques des ultraconse­rvateurs, qui ont vu dans la dénonciati­on de l’accord de Vienne par les ÉtatsUnis, la preuve, a posteriori, du bienfondé de leur méfiance visà-vis de l’Occident. Après la contestati­on ayant éclaté autour du Nouvel An dans plusieurs dizaines de villes iraniennes contre la situation économique et sociale et contre les autorités, M. Rohani s’est vu reprocher par ses adversaire­s d’avoir abandonné les couches sociales les moins favorisées du pays. Dans la deuxième quinzaine de juin, marquée par une nouvelle accélérati­on de la chute du rial sur le marché des changes et des manifestat­ions de colère contre le pouvoir à Téhéran, les tensions internes étaient si vives que certains députés ultraconse­rvateurs appelaient à engager une procédure de destitutio­n du président. Mais les choses ont brusquemen­t changé à la suite d’un discours tenu le 27 juin par M. Rohani et appelant tous ses détracteur­s au sein du système politique à l’aider. Dans un revirement inédit, Hossein Shariatmad­ari, rédacteur en chef du journal ulraconser­vateur Kayhan écrivait dans un éditorial: «Nous devons mettre de côté nos divergence­s car, à l’heure actuelle, il y va de l’intérêt national et de la survie de la nation». «La résistance à l’ennemi et la préservati­on de l’indépendan­ce du pays nous commandent (...) d’oublier nos différends jusqu’à une date ultérieure», a écrit de son côté Abdollah Ganji, rédacteur en chef de Javan, signifiant aussi par là que la trêve serait limitée dans la durée.

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