Le bâtisseur-invocateur
L’on reconnaît sa signature faite de calligraphies répétitives et autres graphismes, une palette qui a un penchant pour les ocres et les bleus avec une forme conceptuelle toujours en quête de beauté, de liberté et d’absolu. Signes, symboles, empreintes et
La galerie El Marsa accueille, dans le cadre de l’événement d’art contemporain «Jaou Tunis», les oeuvres de l’artiste Khaled Ben Slimane réunies sous l’intitulé «Architectures d’ombre... Oraisons de lumière». Considéré comme une figure majeure de l’art contemporain tunisien, Khaled Ben Slimane est de ces artistes que l’on voit plus à l’étranger que sur nos cimaises, alors quand on a l’occasion de rencontrer ses oeuvres l’on ne peut que s’y précipiter. Peintre et céramiste depuis près de quatre décennies, son oeuvre initiale s’est inspirée de paraphe pour aboutir aujourd’hui à une unité de conception multiforme avec une variété étonnante de modes d’expression. Né en 1951, il fait des études en art et architecture à l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis et à l’Ecole Massana de Barcelone avant d’établir son atelier à Tunis. Un premier pas avant de parcourir le monde pour enrichir ses connaissances et acquérir de nouvelles techniques. Il a acquis, ainsi, une réelle maîtrise du métier au contact de diverses traditions, à l’instar de la céramique espagnole et l’art des grands maîtres nippons. En 1982, invité par Idemitsu Museum of Arts, il a l’occasion de travailler avec un certain nombre de céramistes japonais célèbres comme Yu Fujiwara et Arakawa Toyozo, considérés comme des «Trésors nationaux vivants». C’est dans cette même année qu’il expose pour la première fois en solo en Tunisie; depuis, son oeuvre a été accueillie par différentes galeries dans le monde, entre autres, la galerie
Le Passage à Berlin (1988), la Leighton House Museum à Londres (1995), le Museu de Ceramica de Barcelone (2001). Son travail a rejoint de nombreuses collections privées et publiques, dont le British Museum et la Smithsonian Institution à Washington DC. L’on reconnaît sa signature faite de calligraphies répétitives et autres graphismes, une palette qui a un penchant pour les ocres et les bleus avec une forme conceptuelle toujours en quête de beauté, de liberté et d’absolu. Signes, symboles, empreintes et autres calligrammes dialoguent sur la toile ou sur la céramique dans une démarche, essentiellement,
spirituelle révélatrice d’une conscience unificatrice. Puissante, son oeuvre, au-delà du monde matériel, se veut mystique, faisant appel à la calligraphie pour invoquer et s’approprier des expressions sacrées, telles que «Ya Latif» (O toi le bienveillant) ou «Howa» (Lui) que l’on rencontre inscrites à l’infini... de différentes manières sur ses supports et autres volumes. Dans « Arch i t e c tu res d’ombre... Oraisons de lumière», Khaled Ben Slimane se fait invocateur-bâtisseur en adoptant une approche architecturale. Il opte pour des formes coniques ou autres ogives réinventées pour être déclinées, différemment, à travers ses oeuvres. Médita- tion, prière et philosophie naturelle sont les pierres de cet édifice matériel et spirituel que nous présente l’artiste. Juxtaposées, accolées ou éparpillées, dans des compositions ou autres installations, ses oeuvres (toiles peintes ou céramiques) dont les couleurs porteuses de graphies et autres inscriptions, signes et symboles, s’atténuent ou se révèlent vives aux tracés audacieux, viennent raconter l’intensité d’une vie intérieure. Un regard que l’artiste pose et inscrit en témoin d’une réalité contemporaine où «l’humanité assiste, impuissante, à l’érosion de ses valeurs». A voir et à vivre jusqu’au 19 juillet.