Nécessaire amélioration de l’employabilité des diplômés
• 8% des places offertes dans certaines spécialités comme la médecine, la médecine dentaire ou pharmaceutique ainsi que l’ingénierie et l’architecture au profit des 14 régions défavorisées • Entre 40.000 et 50.000 nouveaux bacheliers intègrent, chaque a
Il y a une quasi-unanimité sur les limites de l’orientation universitaire actuelle. Tous les universitaires sont, par conséquent, d’accord pour l’adoption d’une vraie réforme du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Mais, malheureusement, ce vaste projet patine depuis des années. Des intérêts divergents empêchent toute avancée. Malgré l’organisation des « états généraux de le la réforme » il y a près d’un an par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Mesrs), une opposition frontale persiste entre les structures syndicales représentant une autre vision de la mise à niveau de l’Université tunisienne et le Mesrs. Cette crise s’est renforcée davantage avec l’intrusion sur scène d’un nouveau venu : le syndicat des enseignants universitaires chercheurs (Ueuct). Ce dernier revendique, lui aussi, sa place dans les discussions des grands projets de réforme. Rôle qui lui est dénié par la Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Fgesrs) relevant de l’Ugtt. En d’autres termes, l’orientation universitaire est au coeur de cette opération d’aggiornamento. A plusieurs reprises, on a reproché au système en question de porter préjudice à l’employabilité des diplômés issus de nos institutions d’enseignement supérieur. C’est, surtout, en raison de ce que l’on considère comme une totale inadéquation entre l’offre et la demande.
Aujourd’hui, nos diplômés de l’université sont au nombre de 60.000 à 70.000 à sortir des différents établissements universitaires. Peu d’entre eux trouvent un emploi. L’explication la plus simple, voire simpliste, qui en est donnée c’est que la formation donnée à ces demandeurs d’emploi n’est pas adaptée aux exigences du marché. L’explication s’arrête là. Or, il faudrait se demander pourquoi l’Université a tant tardé à prendre en compte de telles considérations. Le même parcours ou presque est encore proposé aux nouveaux bacheliers dont les différentes opérations d’orientation ont commencé depuis le début de ce mois. Le tour des lauréats a justement eu lieu à partir du 2 juillet. Les résultats de ce tour sont, d’ailleurs, déjà connus. Les candidats aux études dans les universités françaises ou à l’Institut supérieur des études préparatoires (Ipest) de La Marsa devront assister à des réunions d’information les 9 et 10 juillet. Pour ceux devant suivre leurs études en France, cette réunion aura lieu au siège de l’Institut préparatoire aux études scientifiques et techniques de Tunis tandis que les autres se réuniront au siège de l’Ipest. Rappelons, dans le même contexte, que le premier tour de l’orientation universitaire se fera à partir du 19 juillet. Les résultats seront publiés le 28 du même mois. Le deuxième tour démarrera le 28 juillet avec proclamation des résultats le 4 août. Il y aura, aussi, un dernier tour pour les bacheliers non orientés à partir du 4 août. Les candidats pourront connaître leurs résultats le 9 août. Pour l’heure, il n’y a aucun changement majeur sur la répartition des étudiants sur l’ensemble des filières proposées dans le futur parcours universitaire. Toutefois, on peut mentionner la décision d’introduire, à partir de cette année, la notion de « discrimination positive » au profit de 14 régions de l’intérieur. Cette initiative est, déjà, détaillée dans le nouveau guide de l’orientation universitaire 2018. L’option permet à un groupe de nouveaux bacheliers d’obtenir un taux de 8 % des places offertes dans certaines spécialités comme la médecine, la médecine dentaire ou pharmaceutique ainsi que l’ingénierie et l’architecture (voir plus de détails dans le « Guide de l’orientation universitaire 2018 » pp. 7 et 8).
Selon 68% des diplômés, le marché de l’emploi est saturé
A travers cette initiative, les autorités de tutelle ont voulu donner l’opportunité aux étudiants issus des zones défavorisées (Kasserine, Sidi Bouzid, Kairouan, Siliana, Jendouba, Kébili, Béja, Zaghouan, Tataouine, Gafsa, Gabès, Médenine, Tozeur et Le Kef) d’accéder à ces filières qui sont restées depuis si longtemps l’apanage des régions côtières ou de Tunis. Bien sûr, la mesure n’a pas été sans soulever une vive attaque de la part de la Fgesrs qui y a vu une manière trop populiste et sans effet. Qu’à cela ne tienne, l’essentiel, aujourd’hui, est de trouver le meilleur moyen d’harmoniser l’adéquation entre la formation et les chances d’employabilité. C’est la tâche à laquelle semble s’être attelé le « Plan stratégique de la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique 2015-2025 ». Il est clair que le nombre de diplômés chômeurs est là pour illustrer l’échec du système d’orientation universitaire tel qu’il se pratique. En effet, chaque année, il y a entre 40.000 et 50.000 nouveaux bacheliers qui intègrent les institutions d’enseignement universitaire. D’un autre côté, le marché de l’emploi n’est pas capable de résorber le nombre de diplômés qui en sortent annuellement. Une étude récente réalisée par l’Iace (Institut arabe des chefs d’entreprise) a conclu que 68% des diplômés pensent que le marché de l’emploi en Tunisie est saturé. A cette fin, un guide a été élaboré pour aider l’étudiant à faire le bon choix et à avoir une idée des plus claires sur les spécialités porteuses. C’est grâce à une enquête menée entre 2005 et 2017 sur un échantillon de 13.000 étudiants du secteur public et privé que ce guide a pu être établi. Cette étude, qui a couvert presque la moitié des spécialités présentes dans tous les établissements d’enseignement supérieur à travers plusieurs régions, a permis de mesurer la durée moyenne de chômage temporaire avant le premier emploi et d’avoir la perception des diplômés quant à la qualité de leur formation et son adéquation par rapport aux attentes du marché de l’emploi. Il en ressort, entre autres, que la moyenne nationale de chômage temporaire avant le premier emploi est de 31.4 mois, soit une embauche entre 1 et 4 ans. La durée la plus courte pour travailler après avoir réussi son diplôme universitaire varie entre 0 et 6 mois qui concerne seulement 0.9 % du total des spécialités étudiées. Concernant la durée d’attente la plus longue, elle varie entre 48 et 72 mois et elle est plus concentrée dans des spécialités enseignées dans certaines régions intérieures. Cela montre, s’il en était besoin, que l’inadéquation est encore, de loin, très forte entre la formation et les opportunités offertes par le tissu économique. C’est pourquoi on constate que parmi l’un des objectifs fixés par le « Plan stratégique de la réforme » figure l’amélioration de la qualité de la formation universitaire et de l’employabilité des diplômés. Une dizaine d’autres objectifs ont, également, été spécifiés. On peut citer les axes suivants : améliorer la préparation des futurs étudiants aux études universitaires, adapter la formation aux besoins de la société, renforcer le partenariat université/monde socioéconomique dans toutes les étapes de la formation, optimiser le système de formation et d’évaluation des étudiants, impulser la réforme de l’enseignement supérieur privé vers davantage de qualité, développer la formation par la recherche, généraliser la formation continue qualifiante et diplômante et améliorer l’insertion professionnelle des diplômés. Manifestement, tous ces objectifs restent hors de portée et leur mise en oeuvre est tributaire du démarrage d’un vrai débat auquel participeraient les intervenants directs sans autres conditions. Les blocages incessants opposés au lancement de ce processus ne font que nuire au développement du pays.