La Presse (Tunisie)

Retour à Deraa pour les déplacés

Les groupes insurgés qui ont capitulé face à la puissance de feu du régime et de son allié russe ont permis le retour chez eux des villageois

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AFP — Des milliers de déplacés dans le sud syrien ont repris hier le chemin de leurs foyers après l’annonce d’un accord entre le régime et les rebelles, contraints de céder dans la province de Deraa face à une offensive dévastatri­ce des troupes de Damas. Au terme de deux semaines de bombardeme­nts aériens meurtriers, un accord prévoyant un cessez-le-feu a été dévoilé vendredi soir, fruit de tractation­s ardues entre Moscou — allié du régime de Bachar Al-Assad — et les groupes insurgés qui contrôlent Deraa. L’initiative est un nouveau revers pour la rébellion anti-Assad, incapable de résister face à la puissance de feu du régime: grâce au soutien militaire de ses alliés indéfectib­les, Russie et Iran en tête, le pouvoir de Damas contrôle déjà plus de 60% du pays en guerre depuis 2011. Dans la province de Deraa, les hostilités lancées le 19 juin ont fait au moins 325.000 déplacés selon l’ONU, dont une grande partie s’étaient installés près de la frontière avec la Jordanie ou de la ligne de démarcatio­n sur le plateau du Golan, occupé en majeure partie par Israël. Depuis vendredi soir, «des milliers de déplacés ont commencé à quitter la frontière avec la Jordanie pour rentrer dans leurs villages, dans le sud-est de la province», a indiqué à l’AFP Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’Observatoi­re syrien des droits de l’Homme (Osdh). «Plus de 20.000 déplacés sont rentrés dans quelque 13 villages et localités», a-til précisé, indiquant que le flux continuait de grossir. Hier matin, signe du retour en force du régime dans la région, des soldats de l’armée syrienne et de la police militaire russe, des tanks et des véhicules militaires étaient déployés au poste-frontière de Nassib, porte vers la Jordanie, a constaté une journalist­e de l’AFP.

Abandon des armes

En vertu de l’accord, les institutio­ns de l’Etat reprendron­t leur travail dans la région de Deraa et «l’Etat syrien prendra le contrôle de toutes les positions aux mains des rebelles le long de la frontière jordanienn­e», a rapporté l’agence officielle Sana. Il prévoit l’«entrée en vigueur d’un cessez-le-feu et la remise par les groupes terroriste­s de leurs armes lourdes et moyennes dans toutes les villes et localités», selon Sana. Ceux «qui refusent ce règlement partiront pour Idleb (une province dans le nord-ouest de la Syrie, ndlr) avec leurs familles», a précisé l’agence, une condition sur laquelle les factions rebelles avaient insisté. L’accord, qui se déroulera en trois étapes, a débuté dans l’est de la région de Deraa et doit ensuite être appliqué dans le chef-lieu de la province puis dans l’ouest, selon le porte-parole du commandeme­nt rebelle, Hussein Abazeed. Mais pour de nombreux déplacés, un retour sous la houlette du pouvoir suscite des craintes. «Quand on sera sûr qu’il y a bien un cessez-le-feu, et si on est certain que personne ne va nous poursuivre, alors on pourra rentrer dans nos maisons», indique prudemment Oussama Al-Homsi, 26 ans, sommaireme­nt installé avec sa famille dans des champs au sud de la ville de Deraa.

Ne pas «agiter» Israël

Le régime syrien semble plus que jamais déterminé à rasseoir son pouvoir sur l’ensemble de la Syrie, ravagée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 350.000 morts et jeté à la rue des millions de personnes. Face à lui, des rebelles affaiblis, désormais cantonnés au nord du pays après avoir perdu leurs quartiers d’Alep (fin 2016) et leur bastion dans la Ghouta orientale, aux portes de la capitale Damas (avril 2018). Un groupuscul­e ayant prêté allégeance à l’organisati­on Etat islamique (EI) est encore positionné dans le sud-ouest de la province de Deraa, proche à la fois du Golan et de la Jordanie. Le chef du Hezbollah, mouvement libanais qui combat aux côtés du régime en Syrie, avait récemment indiqué que ces jihadistes étaient dans le collimateu­r. Mais le régime pourrait aussi prendre pour cible les territoire­s rebelles de Qouneitra, secteur sensible qui borde directemen­t la ligne de démarcatio­n avec Israël. «La prise de Qouneitra sera compliquée. Le gouverneme­nt devra voir comment progresser sans agiter les Israéliens et déclencher une action militaire israélienn­e destructri­ce», avertit l’expert Sam Heller, du centre de réflexion Internatio­nal Crisis Group (ICG). Selon un récent rapport du ICG, l’Etat hébreu a en effet fourni «un soutien aux factions armées du sud à partir de 2013 ou 2014, apparemmen­t pour essayer de cultiver des partenaire­s locaux et sécuriser une zone tampon à sa frontière».

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