La Presse (Tunisie)

Les facteurs déterminan­ts de l’investisse­ment

- M. OUELHEZI

L’investisse­ment représente l’un des moteurs de la croissance économique qui a été freiné, durant les dernières années en Tunisie. Avec la reprise progressiv­e de l’activité économique, il est important que l’investisse­ment se relance pour pouvoir réaliser les objectifs de création de richesse et d’emploi.

Les derniers chiffres annoncés par le gouverneme­nt sont prometteur­s. L’investisse­ment a augmenté de 83% au deuxième trimestre 2018 par rapport à la même période en 2017. Reste que plusieurs facteurs sont déterminan­ts pour la relance de l’investisse­ment après une longue stagnation, et ce, depuis 2011. Selon l’Institut tunisien de la compétitiv­ité et des études quantitati­ves (Itceq), la Formation brut de capital fixe (Fbcf) a cru de 2% en moyenne durant la période 2000-2017. En pourcentag­e du PIB, l’évolution de l’investisse­ment a été marquée par une tendance baissière, passant de 24% en 2009 à seulement 19% en 2017. L’analyse a indiqué qu’il s’agit d’un niveau largement inférieur à d’autres économies émergentes, comme l’Inde (+31.6%), l’Indonésie (+28.6%) et le Maroc (+27.5%). Cette tendance est aussi remarquée au niveau des secteurs d’activités. On indique que les parts du secteur manufactur­ier et de l’agricultur­e dans le total de la Fbcf sont structurel­lement faibles et ont connu globalemen­t un recul sur la période 2000-2017 au profit des industries non manufactur­ières, basées essentiell­ement sur les ressources naturelles. Une situation préoccupan­te, d’après l’analyse, «compte tenu de l’apport de ces deux secteurs dans la concrétisa­tion des équilibres économique­s et les créations d’emplois, en plus du rôle crucial que pourrait jouer le secteur agricole dans le développem­ent régional et la sécurité alimentair­e». La contributi­on du secteur agricole et des services non marchands a permis une croissance du PIB entre 2011 et 2015.

Faible niveau

De même, l’Itceq révèle que l’investisse­ment privé représente 62% du total du Fbcf en moyenne. Un niveau jugé faible par rapport à celui de certains pays concurrent­s, à l’instar de la Roumanie (82%) et de l’Inde (76%). On souligne que son niveau ne dépasse pas les 15% du PIB en moyenne sur la période 2000-2016, alors qu’il est de l’ordre de 25% dans certains pays du sud-est asiatique. L’analyse précise que cette faiblesse de l’investisse­ment n’est pas fortuite et est le résultat d’un tissu productif dominé par des entreprise­s individuel­les. La répartitio­n des investisse­ments privés par agent institutio­nnel montre, qu’en moyenne sur la période 2000-2014, la part des entreprise­s privées a baissé de 2% au profit des entreprise­s individuel­les et des ménages, dont les parts ont progressé de 7.5 % et de 1.8% respective­ment. Un constat qui soulève les difficulté­s à relever les défis relatifs à la croissance et l’emploi, surtout que l’investisse­ment des ménages est non productif et accapare, à lui seul, près du quart du total des investisse­ments privés. De même les entreprise­s individuel­les sont généraleme­nt de nature précaire et fragile et peu génératric­e d’emploi, selon l’analyse.

Problémati­que du financemen­t

On indique également que le financemen­t joue un rôle primordial dans la déterminat­ion de l’investisse­ment, alors que ce facteur reste aussi très limité. On estime que la capacité d’autofinanc­ement, appréhendé­e par l’épargne nationale brute rapportée à la Fbcf, ne dépasse pas les 78 % en moyenne durant la période 2000-2017. Ainsi, le ratio épargne rapporté à la Fbcf a connu un déclin depuis 2005, passant de 97.3% en 2005 à 57% en 2017, et ce, suite notamment à une évolution moins rapide de l’épargne, voire une tendance globalemen­t baissière au cours des dernières années. Le dispositif réglementa­ire et institutio­nnel présente aussi quelques lacunes, surtout pour le Code d’incitation aux investisse­ments de 1993. Avec la nouvelle loi d’investisse­ment, les espoirs tablent sur une meilleure dynamique de l’investisse­ment porté par les avantages et facilitati­ons qui y sont promulgués. Le climat des affaires porte, lui aussi, certaines contrainte­s structurel­les, selon une enquête de l’Itceq, en ce qui concerne les conditions de financemen­t, la qualité de la gouvernanc­e et les pratiques dans le marché. Ajoutons à cela le développem­ent de l’infrastruc­ture et du système fiscal en vigueur, l’instabilit­é du climat politique et social, et l’insécurité de la période post-2011. D’un autre côté, l’analyse montre que la dynamique de l’investisse­ment privé est affectée par la demande qui est approximée par le taux de croissance. Une augmentati­on de 1% du taux de croissance du PIB se traduit par une augmentati­on de 8,75% de l’investisse­ment privé à court terme et de 12,8% à long terme. En revanche, on indique que la décision d’investisse­ment privé pourrait s’expliquer principale­ment, à long terme, par le taux de profit et le ratio des crédits accordés au secteur privé. L’analyse explique qu’une augmentati­on de 1% de chacune de ces deux variables implique un accroissem­ent de 2,5% et 2,1% respective­ment de la Fbcf privée. On estime que le signe positif du TMM (1% à court terme et 1,2% à long terme) est à prendre avec réserve parce que les entreprise­s tunisienne­s font recours généraleme­nt au crédit bancaire pour financer leur investisse­ment. L’analyse montre que l’impact sur l’investisse­ment privé dépend d’une politique de promotion de l’investisse­ment privé basée sur l’agencement, le soutien et le renforceme­nt de la demande interne, sur l’accélérati­on de l’investisse­ment public, sur la mobilisati­on de l’épargne domestique et sur la facilitati­on d’accès aux crédits bancaires.

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