La Presse (Tunisie)

Le torchon brûle entre Trump et Merkel

La chancelièr­e et le président se sont ignorés pendant la traversée du hall du nouveau siège de l’Alliance jusqu’au podium pour la traditionn­elle photo de famille.

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AFP — Dès le premier jour, Donald Trump a donné le ton d’un sommet de l’Otan sous tension: le président américain s’en est pris hier avec une virulence inédite à l’Allemagne, accusée de ne pas tenir ses engagement­s et d’enrichir la Russie. Le locataire de la Maison-Blanche a ouvert les hostilités avant même le début du sommet: «L’Allemagne est complèteme­nt contrôlée par la Russie (...) elle est prisonnièr­e de la Russie», a-t-il lancé dans une salve d’une rare violence dans ce genre de rendez-vous entre alliés. «Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisio­nnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela? Ce n’est pas juste», a-t-il encore asséné lors d’une rencontre avec le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenber­g, qui a tenté en vain de l’apaiser. Sans le citer, la chancelièr­e allemande Angela Merkel a rétorqué en soulignant que l’Allemagne menait ses propres politiques et prenait ses décisions de façon «indépendan­te». «J’ai moi-même vécu dans une partie de l’Allemagne occupée par l’Union soviétique. Je suis très heureuse que nous soyons aujourd’hui unis, dans la liberté», a-t-elle pris soin de souligner. La chancelièr­e et le président, qui se sont ignorés pendant la traversée du hall du nouveau siège de l’Alliance jusqu’au podium pour la traditionn­elle photo de famille, devaient se retrouver pour un faceà-face dans l’après-midi. Le sommet a débuté officielle­ment par une première réunion à 29 consacrée à l’augmentati­on des dépenses militaires. Le président américain a dénoncé à plusieurs reprises le projet de doublement du gazoduc Nord Stream reliant directemen­t la Russie à l’Allemagne. Il exige son abandon. Sa critique lui permet d’enfoncer un coin dans l’unité des Européens car Nord Stream 2 les divise. Ce projet «est un exemple de pays européens qui fournissen­t des fonds à la Russie et lui donnent des moyens qui peuvent être utilisés contre la sécurité de la Pologne», a ainsi réagi le chef de la diplomatie polonaise Jacek Czaputowic­z à son arrivée au siège de l’Otan. Les pays de l’UE importent deux tiers de leurs besoins de consommati­on. En 2017, ceci a représenté une facture totale de 75 milliards d’euros, selon les statistiqu­es européenne­s. A ce jour, la moitié du gaz acheté est russe, mais les Européens cherchent à briser cette dépendance. Les Etats-Unis sont engagés dans une stratégie de conquête de marchés pour leur gaz naturel. Ils ont exporté 17,2 milliards de m3 en 2017, dont 2,2% par méthaniers vers les terminaux de l’Union euro- péenne. Le dossier devrait être discuté jeudi à Bruxelles lors d’un conseil Energie UE-USA auquel va participer le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.

«Langage très direct»

M. Trump s’en est aussi pris plus généraleme­nt aux membres de l’Otan qui «ne payent pas ce qu’ils devraient» pour leurs dépenses militaires. Le chef de l’Otan a reconnu que le président américain avait utilisé un «langage très direct» mais a assuré que les Alliés étaient d’accord sur les dossiers cruciaux: la nécessité de renforcer la résilience de l’Organisati­on, la lutte antiterror­iste et le partage plus équitable du fardeau financier. Rompant avec le ton policé de ses prédécesse­urs, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, a interpellé M. Trump avant-hier pour lui dire combien ses critiques presque quotidienn­es étaient déplaisant­es et l’a invité à «mieux considérer» ses alliés «car l’Amérique n’en a pas tant que ça». Il lui a également rappelé que l’Europe avait été «la première à réagir» après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.

L’Allemagne doit payer

Les Alliés se sont engagés en 2014 à consacrer 2% de leur PIB à leur défense en 2024, mais une quinzaine d’Etats membres, dont l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Belgique et l’Espagne sont sous la barre de 1,4% en 2018 et seront incapables de respecter leur parole, ce qui exaspère Donald Trump. Sa tirade contre Berlin hier matin s’est inscrite dans cette logique: «L’Allemagne est un pays riche. Elle peut augmenter sa contributi­on dès demain sans problème». Les Alliés souhaitent aussi avoir des éclairciss­ements sur les intentions du président américain avant son sommet avec son homologue russe lundi à Helsinki. «Nous serons en mesure de discuter avec lui de la relation entre l’Otan et la Russie. Il est important que l’Otan reste unie», a plaidé M. Stoltenber­g. Toutes les décisions qui seront prises durant le sommet visent à renforcer la capacité de dissuasion de l’Alliance, selon le patron de l’Otan. «Les Alliés ne doivent pas augmenter leurs dépenses pour plaire aux Etats-Unis, mais parce que c’est dans leur intérêt», a-t-il estimé. Dans le cadre de l’initiative américaine «4x30», les membres de l’Otan vont s’engager à être en mesure en 2030 de déployer sous 30 jours 30 bataillons mécanisés, 30 escadrille­s et 30 navires de combat pour pouvoir faire face à une opération militaire de la Russie, identifiée comme un potentiel agresseur.

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La chancelièr­e allemande Angela Merkel, le président américain Donald Trump et le Premier ministre grec Alexis Tsipras au sommet de l’Otan à Bruxelles, hier.

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