La Presse (Tunisie)

Pile ou face?

- Par Jalel MESTIRI

C’ est souvent quand on est pour une équipe que c’est l’autre qui gagne ! Le football est le sport collectif le plus aléatoire. La seule certitude ? La chance du vainqueur. « On perd contre une équipe qui n’est pas meilleure que nous. Dommage pour le football que la Belgique n’ait pas gagné », regrette le gardien Thibaut Courtois après la demi-finale perdue contre la France.

Vivre la glorieuse incertitud­e dans le football, un soir de demi-finale de la Coupe du monde, quand ce n’est pas le meilleur qui gagne, il n’y a pas de plus frustrant. On pense à l’injustice. On désespère même du vainqueur s’il en faut. Plus encore : la Belgique peut se sentir victorieus­e (moralement) dans ce match. C’est le football, ce n’est pas toujours la meilleure équipe qui gagne. S’ils continuent à jouer comme cela, les Diables Rouges auront l’occasion de battre n’importe qui. Mais en attendant, l’équipe devrait rester loyale à son jeu. La déception est grande dans le camp noir-jaune-rouge. Mais dans le football, il n’y a qu’une équipe qui gagne. C’est un coup de coin qui fait la différence.

Oui, le football est le sport collectif le plus aléatoire. Les cotations ne sont justes que dans 50% des cas, contre 60% en moyenne dans les autres sports comme le handball, et jusqu’à 67% pour le basketball. En clair, jouer au football, c’est comme jouer à pile ou face. Et c’est d’autant plus vrai dans les matches à éliminatio­n directe. Le foot ressemble à un jeu de hasard particuliè­rement aléatoire. En étudiant tous les matches de coupe du monde, de coupe d’Europe et de Ligue des champions, des études ont estimé que la probabilit­é de marquer un but équivaut à tomber trois fois d’affilée sur la bonne partie au jeu pile ou face avec seulement trois tentatives. Soit une probabilit­é de 0.125, strictemen­t égale pour les deux équipes. Les variables expérience, rémunérati­on, état du terrain, stratégie de l’entraîneur... ne tiennent quasiment pas. Même les statistiqu­es collective­s ne signifient rien. Ces études ont même prouvé que l’équipe qui tire le plus au but a potentiell­ement le plus de risque de perdre ! En effet, à partir d’un échantillo­n de 8.322 matches, il s’est avéré que l’équipe dominatric­e perd dans 53% des cas. Mais ce n’est pas tout, cette même étude indique que l’équipe qui a le plus de corners, normalemen­t une occasion de but, perd statistiqu­ement le plus souvent. Rien ne sert de dominer, la seule chose qui compte, c’est de marquer. Et cela peut arriver dans n’importe quelle situation. En Allemagne, une étude a montré que sur tous les buts de Bundesliga, soit 2.500, 44% était des «luckygoals», c’est-à-dire des buts survenus par hasard, par chance.

Résultat : pratiqueme­nt toutes les études effectuées dans ce sens ont prouvé que c’est rarement la meilleure équipe qui a le dernier mot. La théorie de la compétence et de la valeur individuel­le des joueurs ne tient plus. Ce n’est pas parce qu’une équipe a une pléthore de bons joueurs qu’elle gagne forcément.

Le football est un monde à part. En soi. Pour ne pas dire entre soi. Avec ses propres règles. Il suit sa propre logique, son propre tempo. Tout n’est que circonstan­ces. Il convient de surgir au bon moment, au bon endroit, de brandir le bon, peut-être l’unique, geste. Au final, c’est toujours le plus petit dénominate­ur commun qui gagne. Pourquoi a-t-il préféré la France à la Belgique ? Il ne s’agit plus malheureus­ement de savoir qui est le meilleur, mais qui saura le mieux jouer avec le système. On imagine qu’il n’y a pas eu beaucoup de mots dans le vestiaire belge. Mais beaucoup de tristesse. Des regrets aussi. Au sortir de leur défaite face à la France, les Diables Rouges devaient ressentir un sentiment de frustratio­n. La victoire aurait dû changer de camp. L’équipe de France a fait ce qu’elle avait pris l’habitude d’accomplir depuis que Deschamps était là. Des fois, ça ne joue pas très bien au football. Celui qui marque en premier a le plus de chance de gagner.

En football, on regarde plus le ballon que l’équipe. Or l’important, c’est l’équipe. La France n’a pas joué contre un adversaire en particulie­r. Elle a joué pour se battre contre l’idée de perdre. Ce n’est pas le fait de porter le même maillot qui fait une équipe, c’est de transpirer ensemble.

Cependant, il y a une question qui fâche : la France est-elle la meilleure équipe de ce Mondial ? Une chose est sûre : le champion du monde 2018 ne sera pas nécessaire­ment le plus fort.

En clair, jouer au football, c’est comme jouer à pile ou face. Et c’est d’autant plus vrai dans les matches à éliminatio­n directe. Le foot ressemble à un jeu de hasard particuliè­rement aléatoire. C’est un monde à part. En soi. Pour ne pas dire entre soi. Avec ses propres règles. Il suit sa propre logique, son propre tempo. Tout n’est que circonstan­ces. Il convient de surgir au bon moment, au bon endroit, de brandir le bon, peut-être l’unique, geste. Au final, c’est toujours le plus petit dénominate­ur commun qui gagne !....

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