Mieux récompenser le mérite
Les mois de juin et juillet sont l’occasion pour des millions d’élèves, d’étudiants ou de jeunes des centres de formation, de passer les examens. C’est ce qui entraîne, automatiquement, des dépenses spécifiques aussi bien de la part des ministères concern
Cette manne financière insoupçonnée ne manque pas d’impulser notre économie avec l’injection d’importantes sommes d’argent dans les circuits du commerce et de booster, de ce fait, la consommation. Les données précises et détaillées n’abondent pas. Mais on peut affirmer que l’impact des dépenses engagées durant cette période n’est pas à démontrer. Quand on y ajoute les autres dépenses de la rentrée scolaire, universitaire et professionnelle on comprend mieux que le volet est loin d’être négligeable.
Relativement méconnu, le phénomène des dépenses de l’éducation et de la formation mérite, pourtant, plus d’intérêt de la part des analystes et des experts économiques. On vous laisse imaginer ce que serait un pays sans institutions éducatives et de formation. Notre pays, par exemple, compte près de 6.000 établissements scolaires (écoles primaires, collèges et lycées). Sans parler de plus de 200 institutions d’enseignement supérieur et 200 centres de formation professionnelle. Il y a, aussi, plus de 400 écoles primaires privées et 374 autres établissements d’enseignement préparatoires ou secondaires privés. Les effectifs inscrits dans ces établissements se chiffrent à des millions. Dans le secteur étatique on compte environ 2.088.000 élèves dans les différentes étapes de l’enseignement (dont 902.000 lycéens). Dans le privé ce sont près de 70.000 dans le primaire et autant dans les autres niveaux. Les centres de formation professionnelle compteraient environ 100.000 apprenants. L’enseignement supérieur, lui, mobilise plus de 200 institutions et 288.000 étudiants au moins. Le secteur privé offre quelque 70 établissements pour environ 31.000 étudiants. On le voit, c’est un total qui pourrait avoisiner les 2,5 millions de personnes concernées par les secteurs de l’enseignement ou de la formation. Ces chiffres font la fierté du pays. C’est pourquoi il ne faudrait pas minimiser l’impact de ce secteur sur notre économie nationale. Rien qu’à voir les trois budgets des ministères concernés, on peut évaluer, à leur juste valeur, les sacrifices consentis par la communauté nationale. Le ministère de l’Education, à titre d’exemple, est doté de 4.925 millions de dinars pour 2018. Celui de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique bénéficie d’une enveloppe de 1.481 millions de dinars. Quant au ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, il dispose de 627 millions de dinars. Ces budgets totalisent 7.033 millions de dinars, soit le 1/5e du bud- get de l’État. Ces investissements sont-ils rentables ? Que rapportent-ils, en réalité, à l’Etat ? Les dépense-t-on à perte, comme le pensent certains ? Ou, bien au contraire, ces trois secteurs représentent-ils un vrai moteur de croissance grâce à sa force d’entraînement des autres secteurs économiques ?
L’enseignement est rentable
De plus en plus de gens penchent vers cette dernière hypothèse. En effet, on considère que l’enseignement et la formation, loin d’être un lourd fardeau pour les pouvoirs publics, sont, en fait, une vraie locomotive économique. On l’a constaté grâce à des statistiques publiées par l’INC (Institut national de la consommation). Ce dernier reconnaît, chiffres à l’appui, le rôle économique indéniable de ces secteurs. N’a-t-il pas évalué à près de 500 milliards de millimes les dépenses des familles tunisiennes à l’occasion de la rentrée scolaire ? Ce montant n’est pas négligeable bien qu’il ne soit qu’une estimation. Car la réalité peut s’avérer plus importante. C’est, justement, une dynamique qui s’étend sur toute l’année pour alimenter une multiplicité d’activités commerciales, industrielles, culturelles, d’animation et de loisirs. L’enseignement n’est pas uniquement rentable sur le long terme. C’est dans l’immédiat qu’il fait sentir son impact. Le coût unitaire par élève est estimé à 2.646.2 DT pour le cycle préparatoire ou secondaire et à 1.350.7 pour le cycle primaire. Ces chiffres concernent l’année 2016. Toutefois, on omet de mentionner que même les examens et les résultats de fin d’année sont une véritable manne du ciel. Les examens nationaux (Bac, Dfeeb et concours de sixième) coûtent à l’Etat. Ils rapportent aussi lorsqu’on va fêter la réussite de milliers d’élèves ou d’étudiants. Les réjouissances organisées par les proches des lauréats représentent des dépenses assez conséquentes qui vont du simple cadeau au voyage ou à d’autres manifestations culturelles (fête musicale, par exemple). Les ministères concernés consacrent d’énormes sommes pour récompenser les élèves, les diplômés de l’enseignement supérieur ou des centres de formation. Contactés, les deux ministères (éducation et enseignement supérieur) ne nous ont rien fourni à propos des dépenses qu’ils consacreraient pour récompenser les élèves ou étudiants méritants. Cela montre, si besoin est, qu’ils ne portent aucun intérêt à l’encouragement et à l’incitation des jeunes à aller dans la voie de l’excellence. L’octroi de très modestes cadeaux à ces lauréats montre que les autorités administratives considèrent ces événements comme une simple formalité. Les responsables des établissements d’enseignement, eux aussi, en font de même puisqu’il n’y a aucun effort de créativité ou d’innovation. Pour certains, ce serait, même, une corvée de plus.
Il n’en demeure pas moins que le nombre de personnes récompensées s’élèverait à des dizaines de milliers. Si l’on considère qu’au niveau de chaque classe (collèges et lycées) on honore les trois premiers élèves, on compterait plus de 190.000 élèves méritants. En effet, le nombre de classes dans tous les niveaux d’enseignement se situerait autour de 64.745 classes (47.470 dans les écoles primaires et 17.275 dans les collèges et les lycées). A raison de trois élèves par classe, on obtiendrait 194.235 lauréats. Ces derniers bénéficient de cadeaux sous forme de livres (généralement) offerts par leurs établissements. Ces initiatives ne sont pas bien soutenues par la société civile. L’environnement scolaire ne suit pas suffisamment. La valeur de tels cadeaux se situerait entre une dizaine et une vingtaine de dinars par tête. Ce n’est pas mauvais, mais on gagnerait à valoriser, davantage, le mérite grâce à des offres de plus grande valeur pour motiver les lauréats.