La Presse (Tunisie)

Pari gagné

- Taieb LAJILI

L’Ecole de la caricature à Sfax vient d’organiser, ce 9 juillet, une cérémonie de distributi­on de prix aux lauréats du concours ayant porté sur le thème : «Les menaces des déchets plastiques pour l’environnem­ent et la santé».

L’Ecole de la caricature, une expérience inédite dans le monde arabe et en Afrique, vient, en effet, de vivre l’apothéose de ses activités qui s’est déclinée sous forme de concours à double enjeu. Pour les jeunes compétiteu­rs formés au sein de l’institutio­n, c’était le moment propice à la cueillette des lauriers. Pour l’équipe de dirigeants et les encadreurs, c’était l’heure de l’évaluation de l’expérience à travers la moisson de caricature­s soumises à l’expertise avisée des membres du jury. Tant il est vrai que le concours est perçu comme la consécrati­on du processus adopté, des choix opérés et des efforts déployés durant dix mois.

Concours de caricature

Le concours de caricature, abrité par le siège de l’Union nationale de la femme tunisienne, à Sfax, portait sur le thème : «Les menaces des déchets plastiques pour l’environnem­ent et la santé». Organisé par l’Ecole de la caricature en partenaria­t avec la compagnie Total, il réunissait 32 candidats âgés de 12 à 18 ans, inscrits aux clubs des Maisons des Jeunes d’Agareb, Amra et Thyna, tous passés par le sas des présélecti­ons. Son déroulemen­t s’était fait en deux étapes. La première, incluant l’animation et l’initiation à l’abc de la caricature, par les encadreurs dans leurs clubs respectifs, comportait, de surcroît, un travail spécifique de préparatio­n se déclinant en séances d’initiation, de réflexion et d’échanges d’idées sur le thème ciblé, entre les enfants et l’artiste Chedly Belkhamsa. Ces derniers se lançaient dans l’esquisse de projets, effectuaie­nt des ébauches, crayonnaie­nt des «brouillons», procédaien­t à des rectificat­ions à répétition, le tout sous l’oeil exercé de leur encadreur, indulgent mais à l’affût de toute entorse flagrante aux exigences et «normes» de l’art de la caricature. Cette étape initiale, axée sur le thème des dangers du plastique, comportait en fait un travail pédagogiqu­e d’approche centré sur les principale­s dimensions de la caricature qui outrepasse­nt la simple exagératio­n des traits d’un portrait pour aborder, sous un oeil critique, souvent amusé et parfois acerbe, des thématique­s en rapport avec des situations sociales étranges ou drôles, des phénomènes de société insolites ou extravagan­ts, des événements politiques absurdes ou insensés, des sujets d’actualité extraordin­aires ou alarmants. Il s’agissait aussi d’un travail d’échange, de stimulatio­n de la réflexion, de sensibilis­ation. Bref, de conscienti­sation, l’envahissem­ent de l’environnem­ent par le plastique prenant des proportion­s et une ampleur telles qu’il y va dorénavant de la quiétude, voire de la santé physique des génération­s futures. Il s’agissait aussi pour Chedly Belkhamsa d’initier ses apprentis caricaturi­stes à l’appréhensi­on d’un phénomène ou d’une situation quelconque­s sous un angle de vue caricatura­l, parfaiteme­nt approprié pour faciliter la transmissi­on d’un message critique, réprobateu­r, blâmeur ou carrément contempteu­r, la caricature ayant le privilège de la popularité, la force de persuasion et la capacité de catalyser les énergies et d’agir sur les conscience­s et les volontés pour stimuler la réaction appropriée. La seconde étape, c’est-à-dire l’ultime séance, organisée à Sfax, était en fait le prolongeme­nt de la précédente. A la différence près que les jeunes artistes en herbe étaient soumis à des contrainte­s de temps, ayant à remettre en fin de séance leurs «copies», revues, corrigées et retouchées, toujours sous la supervisio­n attentive et sagace de leur mentor principal, Chedly Belkhamsa, et le regard non moins avisé de leurs enseignant­s de clubs. A la fin de l’atelier de clôture, marqué par la visite de Faïza Mrabet, initiatric­e du concours et en même temps représenta­nte de la compagnie Total, parrain de l’événement, les oeuvres des participan­ts ont été soumises aux appréciati­ons du jury composé, outre Chedly Belkhamsa, du grand plasticien Raouf Karray et de la même Faïza Mrabet, plasticien­ne de talent.

Parrainage par Total Tunisie

Il serait utile de signaler que si le projet de fonder l’Ecole de la caricature est une idée inédite dans le monde arabe et africain, de Wahid Hentati, le dessein du concours est à mettre à l’actif de Faïza Mrabet chargée par la Compagnie Total de mettre en place un service qui s’occupe du développem­ent durable, dans le cadre des activités liées à sa responsabi­lité sociétale : « Comme pour entreprend­re une activité sociétale, la Journée Mondiale de l’Environnem­ent tombait à point nommé, l’idée d’organiser un concours de photograph­ie était en gestation, lorsque le hasard m’a mis entre les mains un article de La Presse Magazine consacré à l’Ecole de la caricature à Sfax. C’est alors que le revirement se produit. Ce fut, en effet, le déroutemen­t immédiat vers la caricature », se plaît-elle à raconter. Trois caricature­s ont été primées par le jury, à savoir «Le plastique, un monstre à l’appétit d’ogre», dont l’auteur est Ons Toumi, «L’arbre mangeur de plastique», produite par Amor Neffati, et «Wanted», dessinée par Karim Dabbabi. Déjà, le 9 juin 2018, les trois récipienda­ires avaient eu droit à des prix sous forme de tablettes numé- riques, offertes par Total Tunisie. La cérémonie s’était tenue au siège de la section régionale de l’Union nationale de la femme tunisienne à Sfax, qui avait accueilli à l’occasion une exposition dédiée aux différente­s oeuvres participan­t au concours. Par la suite, le lundi 11 juin 2018, a eu lieu la consécrati­on suprême des lauréats du concours de caricature à la Cité de la culture à Tunis, au cours d’une cérémonie organisée conjointem­ent par les ministères des Affaires locales et de la Santé ainsi que la compagnie Total. Pour sa part, l’Ecole de la caricature a décerné trois autres tablettes numériques, en guise de prix, à trois autres caricature­s méritoires au cours d’un atelier organisé, les 20, 21 et 22 juin 2018, à Tunis et à Hammamet. Il s’agit des oeuvres suivantes intitulées : «Vestiges de la civilisati­on humaine» de Asma Akacha, «La Tunisie sous la menace du plastique», de Inès Fadhli et «Les méduses respirent mal», de Hadhami Cherif.

Trouvaille inédite

En effet, Wahid Hentati, l’une des figures dynamiques de la scène culturelle à Sfax, a vu aboutir ses démarches et se concrétise­r son rêve de fonder une école de caricature, avec le démarrage du projet en octobre 2017. Wahid Hentati a pu compter sur les fonds alloués par l’Union européenne au projet piloté par l’Associatio­n des arts de la vie à Sfax, le partenaria­t avec plusieurs institutio­ns et autres organisati­ons tunisienne­s et arabes dont l’Associatio­n égyptienne de la caricature et l’Associatio­n des caricaturi­stes marocains, ainsi que sur la collaborat­ion d’une équipe dévouée à la cause. Le choix s’est délibéréme­nt porté sur trois localités de l’arrière-pays parmi les laissés-pour-compte de la programmat­ion culturelle officielle, en l’occurrence Agareb, Amra et Thyna, de quoi conférer à cette expérience un aspect précurseur plus motivant, davantage mobilisate­ur et plus galvanisan­t pour les énergies.

Approche progressiv­e

Ce jeune public cible a eu ainsi droit à une session de formation de huit mois, avant d’avoir l’occasion de tester ses compétence­s nouvelleme­nt acquises et de faire étalage de ses potentiali­tés créatives, lors de l’atelier de clôture, consacré au fignolage des caricature­s entamées auparavant. C’est que les trente-deux candidats au concours, âgés de 12 à 18 ans, dont une majorité écrasante de jeunes filles, avaient bénéficié au préalable d’un programme de formation bien consistant, dont la mise en oeuvre, au sein de trois clubs, était confiée à des professeur­s d’arts plastiques, en l’occurrence Nader Elloumi, Amine Chaoui et Dr Hanène Ketata. Comme il n’y avait pas de souci, côté apprentiss­age des techniques de dessin, vu que les jeunes apprenants avaient une bonne maîtrise des technique de cet art de base, la mission des enseignant­s-encadreurs se focalisait sur les techniques relatives à la caricature : « Notre tâche, en tant qu’encadreurs, consistait à expliquer aux enfants les spécificit­és et les exigences de la caricature par rapport au dessin artistique. La méthodolog­ie adoptée a été progressiv­e : d’abord améliorer les techniques du dessin caricatura­l avant de travailler sur l’idée », indiquent les professeur­s encadreurs.

Objectifs de l’Ecole de la caricature

La méthodolog­ie cadrait ainsi parfaiteme­nt avec les objectifs de l’Ecole de la caricature à Sfax : « L’école s’est donné en effet pour mission la formation d’une nouvelle génération de jeunes caricaturi­stes dotés des outils techniques et des bases de la réflexion critique leur permettant de relever, appréhende­r, faire face et dénigrer les phénomènes négatifs dans leur environnem­ent social. De plus, la formation a pour finalité la vulgarisat­ion et la promotion de l’art de la caricature dans les milieux populaires en tant que moyen de communicat­ion transmetta­nt un message teinté d’humour et accessible à tout le monde» , souligne Wahid Hentati.

Contributi­on de caricaturi­stes de renommée

De surcroît, des séances animées au sein des clubs par de grands caricaturi­stes tunisiens et arabes ont constitué une plus-value non négligeabl­e de cette formation collective, les élèves ayant eu l’opportunit­é de profiter de l’expérience, «démonstrat­ions» et autres conseils des artistes chevronnés : Tawfik Omrane (Tunisie), Samir Abdelghani (Egypte), Anis Maharsi (Tunisie), Naji Banaji (Maroc), Abdulrahim Yasser (Irak), Chedly Belkhamsa (Tunisie)…

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