La Presse (Tunisie)

Une révolution en cache une autre

Hommage à 50 ans de théâtre au Kef à travers une lecture actuelle de «Diwan Zenj».

- N.T.

La soirée du 13 juillet du Festival internatio­nal de Hammamet a été placée sous le signe de l’hommage et du quatrième art. A travers la pièce programmée sur la planche hammamétoi­se pour la première fois hors du Kef, «Al Kadimoun» de Sami Nasri, c’est une célébratio­n du cinquanten­aire du Centre d’arts dramatique­s et scéniques du Kef et une commémorat­ion de la mémoire du fondateur de la troupe régionale du théâtre du Kef, feu Moncef Souissi. A la tête de la troupe actuelle, Sami Nasri revisite dans «Al Kadimoun» une oeuvre interprété­e dans les années 70 par la formation de l’époque, «Diwan Zenj» de Ezzedine Madani. L’intention est donc affichée dès le départ : «Ce travail est un retour aux sources, aux fondamenta­ux de l’action théâtrale et à l’Histoire contempora­ine du théâtre tunisien» . Les éléments de la mise en scène vont en effet dans ce sens : costumes d’époque, personnage­s portant des masques et dialogues entre arabe littéraire et dialectal, teintés de gravité à travers un usage généreux des figures de style. Une tragédie contempora­ine rafraîchie par moments par des passages à la Commedia dell’arte. Depuis la révolte des esclaves au temps des Abbassides, dont il est question dans «Diwan Zenj», la réécriture de Sami Nasri place les événements dans une époque plus actuelle, dans un pays où le théâtre n’a plus de place, où la politique est corrompue et où le nord et le sud se déchirent. Toute ressemblan­ce avec la réalité ou ce qu’il peut en advenir semble vou- lue et transposée en fiction théâtrale. Sami Nasri ayant pour projet de «remettre en scène et au goût du jour» la pièce originale, l’on se pose la question «qu’est-ce que remettre au goût du jour?». Car, il faut le dire, avec «Al Kadimoun», le public est face à un travail des plus sérieux, avec une troupe qui impose le respect et qui sue son corps sur scène. Les comédiens méritent d’être nommés un à un: Mongi Ouerfelli, Haifa Touihri, Neji Chebbi, Mohamed Saïdi, Zouhair Arroum, Mohamed Slima, Chawki Salem, Siwar Abdaoui et Seifeddine Cherni. Dans le même temps, le discours reste antidaté et basé sur des références qui ne résonnent plus aujourd’hui, un discours qui n’a plus le même impact et la même substance qu’avant. A maintes reprises dans la pièce, les protagonis­tes se demandent que faire et où aller maintenant, entre autres pour faire revivre le théâtre. La réponse n’est malheureus­ement pas dans «Al Kadimoun», car, bien qu’elle évoque de manière profonde des thématique­s qui touchent le spectateur, elle crée entre lui et la scène une brèche difficile à combler, à cause entre autres de son discours et de son rythme. Une pièce qui célèbre l’art mais pas le spectacle.

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