La Presse (Tunisie)

Chawki Gueddes exprime ses réserves

- W.N.

«Il est aberrant que les déclaratio­ns soient publiées. Divulguer les biens des responsabl­es serait violer leur vie privée. Il aurait été plus correct de permettre à toute personne intéressée de consulter ces déclaratio­ns en se déplaçant auprès de l’instance, mais pas de les étaler sur internet au vu de tout le monde», selon Chawki Gueddes, président de l’Instance nationale de protection des données personnell­es

«Il est aberrant que les déclaratio­ns soient publiées. Divulguer les biens des responsabl­es serait violer leur vie privée. Il aurait été plus correct de permettre à toute personne intéressée de consulter ces déclaratio­ns en se déplaçant auprès de l’instance, mais pas de les étaler sur internet au vu de tout le monde», selon Chawki Gueddes, président de l’Instance nationale de protection des données personnell­es La loi sur la déclaratio­n du patrimoine, la lutte contre l’enrichisse­ment illicite et le conflit d’intérêts dans le secteur public a été adoptée, mardi dernier, avec 126 voix pour et une seule abstention. Connue sous le nom « Min ayna laka hedha ?», elle a été exigée par beaucoup d’organisati­ons et d’associatio­ns afin d’endiguer la corruption et ouvrir la voie à plus de transparen­ce dans les affaires publiques. Cependant, loin d’avoir provoqué une satisfacti­on unanime, elle a suscité l’ire du président de l’Instance nationale de protection des données personnell­es, Chawki Gadess, qui a fustigé les différente­s irrégulari­tés et lacunes dans la loi «qui menacent la protection des données personnell­es», estime t-il. Contacté par La Presse, le président de l’instance, Chawki Gaddess, a exprimé son mécontente­ment du peu de garantie accordée aux données personnell­es dans ladite loi. « Il est aberrant que les déclaratio­ns soient publiées. Divulguer les biens des responsabl­es serait violer leur vie privée. Il aurait été plus correct de permettre à toute personne intéressée de consulter ces déclaratio­ns en se déplaçant auprès de l’instance, mais pas de les étaler sur internet au vu de tout le monde». M. Gueddes a notamment fustigé l’aspect discrimina­toire et injuste, selon ses dires, que revêt cette loi. « Pourquoi la loi soumet-elle 7 personnes seulement, des 37 concernées, à la publicatio­n de leur patrimoine ? C’est injuste ! La loi devrait soumettre toutes les personnes concernées sinon aucune. Je ne vois pas la raison qu’un député par exemple se voit obligé de publier ses biens, et pas le gouverneur de la Banque centrale». Pour M. Chawki Gueddes, l’obligation, pour l’Instance de lutte contre la corruption d’abord et l’Instance de la bonne gouvernanc­e ensuite, de publier les déclaratio­ns de patrimoine de sept catégories de personnes seulement, dont le président de la République, le chef du gouverneme­nt, le président du Parlement, les députés et les présidents des instances constituti­onnelles est une mesure « exagérée « et «non fondée». En outre, le président de l’instance a critiqué l’obligation de déclaratio­n des conjoint(e)s, qui, selon lui, n’a pas à être assimilé(e) aux obligation­s de la personne concernée. «Le ou la conjoint(e) a son propre patrimoine. Je trouve que c’est une autre aberration qui se rapporte à cette loi. Pourquoi doit-il ou doit-elle déclarer autant que son conjoint(e), qui, lui ou elle, a une obligation par rapport à sa fonction ? ». Il a notamment précisé que les enfants doivent déclarer leurs patrimoine­s tant que l’un des parents est concerné par cette loi, du fait qu’ils soient encore mineurs et sous sa tutelle.

Peu de moyens pour un beau texte

M. Gueddes semble peu optimiste quant à la capacité de l’Instance nationale de lutte contre la corruption à gérer tout ce flux d’informatio­ns et de déclaratio­ns, vu le peu de moyens dont elle dispose. « On parle de milliers de responsabl­es et fonctionna­ires qui devront faire leurs déclaratio­ns. Et à chaque fois, ils devront la modifier ou en refaire une autre. Il y aura tellement de données qu’elles tueront l’informatio­n », s’est-il indigné, en dénonçant le manque d’applicabil­ité que cette loi aura. « Nous finirons par l’oublier, comme beaucoup d’autres lois.. ».

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