La Presse (Tunisie)

L’accès à l’informatio­n, encore et toujours

- Par Soufiane BEN FARHAT

ON ne le répétera jamais assez, la rétention de l’informatio­n signifie l’occultatio­n de droits fondamenta­ux. Et pour cause. Le conseil de l’Instance nationale d’accès à l’informatio­n a décidé hier que le président du Haut comité des droits de l’Homme et des libertés fondamenta­les doit remettre une copie papier de la liste définitive des martyrs et blessés de la révolution. Il s’agit de répondre à une requête d’un demandeur d’accès à l’informatio­n.

Le communiqué du conseil de l’instance est clair. Il instruit que le retard dans la publicatio­n de cette liste au Journal officiel de la République Tunisienne ne doit guère entraver le droit d’accès à ce document. Il est utile de savoir également que le décret 515 de 2013 impose ladite publicatio­n au Jort.

La question revêt deux significat­ions fondamenta­les. En fait, on a remarqué, depuis peu, un retour de vieilles pratiques muselant le droit à l’informatio­n et l’inaliénabl­e droit d’y accéder, un droit constituti­onnel qui plus est.

Cela confirme que la bataille en faveur des libertés fondamenta­les, individuel­les et collective­s, est toujours de mise. L’entrave à la liberté de l’informatio­n, qui constitue pour ainsi dire le portail des libertés en général, ne peut que mettre en péril la souveraine­té des règles de l’Etat de droit et de la règle de droit en général.

Il est vrai aussi que l’exercice de la liberté de l’informatio­n n’est guère sans ambages et anicroche par moments. Mais une informatio­n libre des chicanes et qui s’autorégule face à ses éventuels excès vaut toujours mieux qu’une informatio­n muselée ou mise au pas par les autorités ou par les groupes d’intérêts privés.

Sur un autre plan, la question de la liste définitive des martyrs et blessés de la révolution demeure toujours de mise elle aussi. Cela traîne depuis de longues années, avec tous les travers, les sacrifices, les souffrance­s et les frustratio­ns qui s’y rattachent. Et pourtant, des vies ont été brisées, des destins gâchés, des familles mises en pièces. Et cela concerne des milliers de personnes. Le nécessaire travail de deuil est hypothéqué, au bon gré des calculs de politique politicien­ne, des intérêts partisans ou de la fameuse raison d’Etat. Tout le monde souscrit nominaleme­nt à l’impératif de publier la liste définitive des martyrs et blessés de la révolution, mais rien n’est fait pour en concrétise­r la teneur.

Dans cette optique, la décision du conseil de l’Instance nationale d’accès à l’informatio­n arrive à point nommé pour battre le rappel des droits et des obligation­s, par-delà les astuces légales et autres manoeuvres de coulisses de divers clans et coteries.

En ces temps navrants de luttes au couteau au sommet de l’Etat, il est sans nul doute nécessaire de ramener le débat des questions fondamenta­les. L’échec réitéré de la mise en place de la Cour constituti­onnelle témoigne de l’indigence de la classe politique de la place. Elle est plus encline à se disputer les dividendes et les dignités qu’à assurer le plein jeu des institutio­ns souveraine­s de l’Etat de droit. Ce qui maintient le spectre du despotisme, de l’arbitraire et des injustices à la lisière du système supposé être réellement démocratiq­ue.

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