La Presse (Tunisie)

Imran Khan revendique la victoire

Les projection­s officieuse­s et partielles des médias donnaient hier son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), vainqueur avec au moins 119 sièges de députés, loin devant son rival, le parti PML-N

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AFP — L’ex-champion de cricket et homme politique Imran Khan a revendiqué hier la victoire de son parti aux élections législativ­es de la veille au Pakistan, marquées par un climat très tendu et des accusation­s de fraude, et dont les résultats se font toujours attendre. «Nous avons réussi. On nous a donné un mandat», a déclaré Imran Khan lors d’une interventi­on télévisée en direct depuis son quartier général de Bani Gala, à quelques kilomètres d’Islamabad. Les résultats officiels du scrutin n’avaient pas encore été communiqué­s hier soir par la Commission électorale pakistanai­se (ECP). Ils devraient l’être dans les 24 heures, a-t-elle indiqué. Malgré cela, des centaines de ses partisans, souvent jeunes, avaient célébré dès avant-hier soir sa victoire attendue en dansant et chantant dans les rues. Imran Khan «a motivé la jeunesse», s’enthousias­mait Fahad Hussain, 21 ans. M. Khan, qui a promis l’avènement d’un «nouveau Pakistan», est soupçonné d’avoir bénéficié de l’appui en sous-main de la puissante armée dans sa quête du pouvoir. Les projection­s officieuse­s et partielles des médias donnaient hier son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), vainqueur avec au moins 119 sièges de députés, loin devant son rival, le parti PML-N. Une majorité de 137 sièges est nécessaire à la formation d’un gouverneme­nt. Le dépouillem­ent des bulletins a pris énormément de retard en raison de «problèmes techniques» liés à l’utilisatio­n d’un nouveau logiciel électoral, a justifié la Commission. «Ces élections ne sont pas entachées. (...) Elles sont à 100% justes et transparen­tes», s’est défendu le directeur de l’ECP, Sardar Muhammad Raza. Ces problèmes ont alimenté de nombreuses accusation­s de fraude de la part des autres partis en lice, notamment le PML-N, qui a fait savoir dès avant-hier soir qu’il «rejetait intégralem­ent les résultats (...) du fait d’irrégu- larités manifestes et massives». Son dirigeant Shahbaz Sharif, frère de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif, emprisonné pour corruption, a dénoncé «des fraudes si flagrantes que tout le monde s’est mis à pleurer». D’autres partis politiques, comme le PPP de Bilawal Bhutto-Zardari, ont également fait état de manipulati­ons. M. Khan a balayé ces critiques, estimant que les élections d’avant- hier étaient « les plus justes et les plus transparen­tes à s’être jamais tenues au Pakistan » . « Il n’y a pas de victimisat­ion politique» à faire valoir, a-t-il lancé. La controvers­e fait suite à une campagne déjà considérée par certains observateu­rs comme l’une des plus «sales» de l’histoire du pays en raison de nombreuses manipulati­ons présumées, et marquée par une visibilité accrue des partis religieux extrémiste­s.

Instabilit­é ?

Pour les analystes, cette série d’événements fait planer une ombre sur la légitimité du scrutin et risque d’ouvrir la voie à une nouvelle période d’instabilit­é. «Les accusation­s de fraude et de tricherie aux élections vont certaineme­nt gêner Imran Khan si lui et son parti prennent effectivem­ent le pouvoir. Il est difficile de dire que vous avez un mandat fort lorsque votre marge de victoire suscite des suspicions d’irrégulari­tés de la part de l’Etat», a noté Michael Kugelman, analyste du Centre Wilson à Washington. «Peu importe comment il sera géré, le climat post- électoral immédiat sera assez tendu » , a-t-il estimé. L’analyste pakistanai­s Shuja Nawaz juge aussi que «si les parties continuent de crier à la fraude et se tournent massivemen­t vers l’ECP et les tribunaux, le processus électoral pourrait être retardé. Conjugué à de grandes manifestat­ions, cela pourrait conduire à une crise». Un autre expe r t , Hussain Haqqani, note que «personne ne peut gouverner efficaceme­nt lorsque la moitié du pays croit que vous avez été installé suite à une manipulati­on de l’armée et de la justice plutôt que par le vote du peuple».

Séducteur

Souvent présenté comme un séducteur impénitent en Occident, Imran Khan se montre sous un jour bien plus conservate­ur et dévot au Pakistan, où il a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille et promet un «Etat providence islamique». Il a également promis dans son discours de travailler à des « relations équilibrée­s » avec les Etats-Unis et s’est dit prêt à discuter de l’épineux conflit du Cachemire avec l’Inde. Ses politiques «se focalisero­nt sur le développem­ent humain», a- t- il ajouté, promettant de «donner l’éducation à tous les enfants» quand «25% d’entre eux sont hors des écoles» et de tenter «d’élever les 45% de la population considérés comme défavorisé­s». Son ex-femme Jemima Goldsmith, fille du magnat financier franco-britanniqu­e Jimmy Goldsmith, a salué hier «une incroyable leçon de ténacité» après des « humiliatio­ns, des obstacles et des sacrifices » . «Le défi maintenant est de se souvenir pourquoi il est entré en politique au tout début», a-telle ajouté.

Les élections d’avant-hier constituai­ent un cas rare de transition démocratiq­ue d’un gouverneme­nt civil à un autre dans ce jeune pays au passé ponctué de coups d’Etat militaires. Le Pakistan, puissance nucléaire, a été dirigé par son armée pendant près de la moitié de ses 71 ans d’histoire. Quelque 800.000 militaires et policiers avaient été déployés pour assurer la sécurité du vote. Malgré cela, plusieurs attaques ont endeuillé le scrutin dont un attentat suicide revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) qui a fait au moins 31 morts et 70 blessés à Quetta, au Baloutchis­tan (sud-ouest).

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