La Presse (Tunisie)

Junker arrache un accord à Trump

L’UE partagée entre satisfecit allemand et lignes rouges françaises

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AFP — L’accord entre l’UE et les Etats-Unis annoncé par Donald Trump et Jean-Claude Juncker soulève des espoirs de trêve dans le conflit commercial qui menace, avant tout à Berlin, mais aussi des questions à Paris qui a rappelé ses lignes rouges. L’Allemagne, dont les excédents commerciau­x records et l’industrie automobile sont dans le collimateu­r de la politique protection­niste du président américain, a fait état hier de son satisfecit. Berlin a jugé «constructi­f» le résultat de la rencontre la veille entre Donald Trump et le président de la Commission européenne JeanClaude Juncker, selon une porteparol­e de la chancelièr­e Angela Merkel, Ulrike Demmer. «Non seulement la menace des tarifs douaniers automobile­s est écartée, mais nous nous sommes aussi mis d’accord pour travailler ensemble contre les pratiques commercial­es injustes et pour une réforme de l’OMC (Organisati­on mondiale du Commerce)», a réagi le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas. Le secteur automobile emploie quelque 800.000 personnes en Allemagne. Le Premier ministre néerlandai­s, Mark Rutte a également «salué le résultat positif de la conversati­on entre Juncker et Trump». «C’est très important que l’UE et les Etats Unis coopèrent en matière commercial­e et ne s’opposent pas l’un à l’autre», a plaidé le dirigeant libéral. Soulagemen­t également du côté des milieux d’affaires. «La raison a prévalu (...) Eliminer les tarifs douaniers et les autres barrières au commerce et à l’investisse­ment est bénéfique pour les entreprise­s et les citoyens des deux côtés de l’Atlantique», a commenté le Français Pierre Gattaz, président de l’organisati­on patronale européenne BusinessEu­rope. En revanche, la France se montrait plus sceptique. Paris a demandé des «clarificat­ions», s’opposant à tout accord commercial global avec les Etats-Unis, par la voix de son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, dans une interview à l’AFP. Les sociaux-démocrates allemands ne sont pas convaincus non plus. Ainsi, la position de négociatio­n de l’UE face à Washington est «affaiblie», a déploré l’eurodéputé SPD Bernd Lange, président de la commission chargée du commerce internatio­nal au Parlement européen, dans un entretien à l’AFP. M. Trump n’a ni retiré ses tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, ni sa menace sur les importatio­ns de voitures automobile­s, a souligné M. Lange, jugeant que le risque de guerre commercial­e demeurait dans les discussion­s à venir.

Incertitud­es

«Une bonne discussion commercial­e ne peut se faire que sur des bases claires et ne peut pas être conduite sous la pression», a mis en garde de son côté Bruno Le Maire. Pas question, a-t-il rappelé, d’un accord commercial global USAUE, comme l’avait évoqué le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin dimanche dernier à l’issue de la réunion du G20 Finances de Buenos Aires. «Nous ne voulons pas entrer sur la négociatio­n d’un grand accord dont nous avons vu les limites avec le TTIP», l’accord à propos duquel les discussion­s entre Bruxelles et l’administra­tion de Barack Obama avaient échoué il y a deux ans, a prévenu le ministre français. Ce dernier a exigé également que l’agricultur­e «reste en dehors du champ des discussion­s», assurant que «l’Europe ne transigera pas avec ses normes». «Nous avons des normes sanitaires, alimentair­es et environnem­entales élevées et des règles de production auxquelles nous sommes attachés parce qu’elles garantisse­nt la protection et la sécurité de nos consommate­urs», a-t-il insisté. Enfin, M. Le Maire a demandé que «l’accès aux marchés publics américains fasse partie des discussion­s», considéran­t qu’ils sont aujourd’hui «largement fermés» aux entreprise­s européenne­s. Beaucoup d’autres points restent en effet en suspens: M. Juncker a promis d’importer davantage de soja et de gaz liquéfié américain dans l’UE. «Or ceci ne peut pas être ordonné de façon bureaucrat­ique, il faut qu’il y ait une demande du marché», note l’institut économique allemand Ifo, basé à Munich (sud de l’Allemagne). Interrogé lors du point presse quotidien de la Commission à Bruxelles, un porte-parole, Alexander Winterstei­n, a indiqué qu’«un groupe de travail de très haut niveau» allait se pencher sur les dossiers du soja et du GNL, reconnaiss­ant qu’il n’était pas en mesure de dire pour le moment «comment cela allait marcher dans la pratique».

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