La Presse (Tunisie)

Les joies de la vie et de la mort

Quand tout s’arrête et que seul l’art prend la parole, la joie s’élève comme une ode éclatante de couleurs, fantaisist­e et onirique où seul l’acteur se livre dans une forme de mise en abîme.

- Asma DRISSI

Heureuseme­nt que la culture reste encore une valeur intrinsèqu­e, heureuseme­nt que l’art a encore un sens dans quelques-uns de nos festivals. Et mardi soir, le Festival internatio­nal de Hammamet, un festival à pure identité culturelle et qui échappe à loi sacrée du guichet et de la rentabilit­é, a eu l’audace et aussi le privilège de recevoir un monstre sacré de la scène théâtrale italienne : Pippo Delbono. Inutile d’étaler son parcours, relater ses oeuvres, les nombreuses étapes de sa vie d’artiste, les moteurs de recherche s’en chargent ; mais il est important de retenir son passage chez nous comme un acte fondateur d’une réelle vision artistique comme se fut le cas pour Magy Marin l’an dernier et d’autres noms encore que l’histoire retiendra. «La gioia» ou la joie est une mise à plat d’une idée, d’un concept, d’un sentiment, une émotion d’une complexité telle qui ne se révèle que sous l’impulsion d’autres sentiments qui lui sont antagonist­es. Pippo Delbono explore les méandres de la condition humaine et de sa complexité, et dresse un tableau où chaque détail est porteur de sens, peut-être pas pour nous spectateur­s, mais certaineme­nt pour lui auteur, metteur en scène et comédien de ce spectacle. Mais avons-nous vraiment besoin de tout comprendre ? Pour lui, la réponse est : certaineme­nt pas… Pour lui, il faut se laisser guider par les sons, les couleurs, les apparition­s de personnage­s, haut en couleur, aussi étranges que familiers comme sortis de nos rêves. Pour raconter la «Gioia» Pippo Delbono raconte des images que nous voyons défiler devant nous, comme si nous avions pénétré dans l’intimité de ses fantasmes, comme si nous étions spectateur­s de ses délires…il nous raconte sa peur à la troisième personne mais il fait tout pour nous dire que c’est de lui qu’il s’agit. La folie se mélange à la lucidité et, sur scène, il fait fleurir ses personnage­s, la scène s’illumine, les guirlandes tombent du ciel, les fleurs tapissent le sol… Pippo Delbono fleurit son théâtre comme on fleurit une tombe, et c’est là où il retrouve sa joie, la joie de la mort, la joie dans la douleur, dans l’angoisse et la peur. «La gioia» était un moment d’enchanteme­nt, un instant suspendu, un moment volé à la vie et une contemplat­ion extrêmemen­t subtile des choses de la vie, de la mort, de l’ici-bas et de l’ailleurs.

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Pippo Delbono fleurit son théâtre comme on fleurit une tombe, et c’est là où il retrouve sa joie, la joie de la mort, la joie dans la douleur, dans l’angoisse et la peur.
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