La Presse (Tunisie)

Chahed remporte une manche

Après avoir déclaré qu’il ne votera pas en faveur du candidat au poste de ministre de l’Intérieur, retourneme­nt de situation en milieu de séance, lors d’un point de presse improvisé dans lequel le président du groupe parlementa­ire de Nida Tounès, Sofiene

- Karim BEN SAID

Après avoir déclaré qu’il ne votera pas en faveur du candidat au poste de ministre de l’Intérieur, retourneme­nt de situation en milieu de séance, lors d’un point de presse improvisé dans lequel le président du groupe parlementa­ire de Nida Tounès, Sofiene Toubel, a annoncé un changement de position

“Un vote en faveur du ministre proposé sera interprété comme un élément positif pour Youssef Chahed, mais portera par contre un coup politique énorme au président de la République et signifiera l’entrée de la Tunisie dans l’inconnu”. Voilà comment Boujomaa Remili, l’un des fondateurs de Nida Tounès, aujourd’hui retiré de la politique, résumait la situation à quelques heures de la séance plénière consacrée au vote de confiance pour le ministre de l’Intérieur proposé, Hichem Fourati. Hier, à l’ouverture de la séance, la tension était palpable jusque dans les couloirs de l’Assemblée des représenta­nts du peuple. Dans un discours liminaire devant les parlementa­ires, le chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, a indiqué que le choix du nouveau ministre de l’Intérieur a été fait dans le respect des critères de “compétence et d’intégrité”, de proximité avec l’institutio­n sécuritair­e et de son éloignemen­t des luttes politiques actuelles. Ce qui fait de Hichem Fourati, “l’une des meilleures compétence­s de l’administra­tion du ministère de l’Intérieur”, selon le chef du gouverneme­nt. Youssef Chahed fixe également une feuille de route pour le candidat à la succession de Brahem. Le renforceme­nt des capacités de l’institutio­n sécuritair­e dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, le renforceme­nt du caractère républicai­n des forces de sécurité, l’améliorati­on des conditions de travail ou encore la modernisat­ion du système de lutte contre l’émigration clandestin­e sont autant de dossiers qui seront confiés à Hichem Fourati, si, toutefois, il réussit à obtenir les 109 voix. Un vote qui s’annonce difficile, surtout que le chef du gouverneme­nt, boudé par son propre camp qui l’appelle à la démission, ne peut compter véritablem­ent que sur le bloc parlementa­ire du parti Ennahdha, “attaché à la stabilité”. D’emblée, Sameh Bouhawel, du bloc nidaiste, interpelle le chef du gouverneme­nt pour lui signifier clairement que ni elle, ni ses collègues, ne voteront en faveur de son candidat. La députée l’appelle d’ailleurs à la démission, car il n’a pas été capable de rassembler les Tunisiens. Mais en milieu de séance, le bloc de Nida Tounès change brusquemen­t de discours, et ses députés déclarent leur soutien « indéfectib­le » au chef du gouverneme­nt. Prenant la parole, Jalel Ghedira, député nidaiste, fait un portrait élogieux du chef du gouverneme­nt et le qualifie même de «courageux». Reprenant le bilan du gouverneme­nt de Youssef Chahed, Jalel Ghedira le qualifie de très positif. S’adressant à l’opposition, il déclare que Nida Tounès, «fort d’un bilan positif, le parti sera prêt pour 2019». Un renverseme­nt de situation au profit de Youssef Chahed, et un coup dur porté au fils du président de la République, Hafedh Caïd Essebsi. Le retourneme­nt de situation a été rendu public en milieu de séance, lors d’un point de presse improvisé dans lequel le président du groupe parlementa­ire, Sofiène Toubel, a annoncé le changement de position. Cependant, le parti a appelé le chef du gouverneme­nt à se présenter devant le Parlement pour un nouveau vote de confiance dans un délai de 10 jours. Le point de presse s’est déroulé en présence du directeur exécutif de Nida Tounès, Hafedh Caïd Essebsi. «Après plusieurs réunions au sein du bloc parlementa­ire, nous avons décidé de voter en faveur du nouveau ministre de l’Intérieur, même si nous nous dressons contre la manière dont il a été nommé», note Sofiène Toubel. S’il opte pour une sortie de crise, le parti Nida Tounès se dit encore et toujours attaché à un remaniemen­t en profondeur du gouverneme­nt actuel. «Le directeur exécutif a joué un rôle important dans le maintien de la cohésion du bloc parlementa­ire », a tenu à préciser le chef de file du groupe parlementa­ire de Nida Tounès Sofiène Toubel. Il a également tenu à préciser que le vote de confiance en faveur du ministre ne signifie pas un renouvelle­ment de confiance pour le chef du gouverneme­nt. Pour sa part, Mohamed Ben Salem, l’un des leaders du mouvement Ennahdha, réitère l’engagement de son parti à voter en faveur de Hichem Fourati. Il estime que le choix est celui de la raison et qu’il n’était pas possible, en dépit de toutes les divergence­s qu’on pouvait avoir avec le gouverneme­nt, de laisser un vide au ministère dans un climat de très haute tension. De son côté, Mourad Hmaidi, député du Front populaire, a rappelé au chef du gouverneme­nt qu’après avoir obtenu 160 voix lors de son investitur­e à la tête du gouverneme­nt, il est désormais pour lui difficile de réunir ne serait-ce que 109 voix, nécessaire­s au vote de confiance pour le candidat au ministère de l’Intérieur. “Tout le monde vous a lâché, les partis, les organisati­ons nationales, etc. Et vous vous sentez pourtant fort. Fort du soutien de l’Union européenne à laquelle vous avez tout concédé sur le dossier de l’Aleca. Fort du FMI et fort de la Grande-Bretagne. Vous êtes prêt à abattre toutes les cartes pour rester à la tête de la présidence du gouverneme­nt”, dit-il. Le député Karim Helali, député indépendan­t, a assuré quant à lui que, par sens des responsabi­lités, il votera la confiance au candidat. “Mais cela ne résoudra pas la crise politique”, prévient-il. Le député et secrétaire général du parti Al-Tayar (opposition) a annoncé qu’il n’était pas concerné par ce vote qui s’inscrit dans une lutte intestine au coeur du pouvoir. “Ne vous attachez pas aux postes”, dit-il à l’adresse du chef du gouverneme­nt. Il a en outre appelé Youssef Chahed à avoir le courage de demander un nouveau vote de confiance devant le Parlement. Le parti Afek Tounes a annoncé d’ores et déjà que ses députés bouderont le vote. “Devant ces absurdités politiques... le bureau politique a décidé de boycotter la séance plénière et d’appeler le chef du gouverneme­nt à demander un nouveau vote de confiance ou, à défaut, appeler le chef de l’Etat à faire usage de l’article 99 de la Constituti­on”, peut-on lire dans un communiqué. Depuis plusieurs jours, le chef du gouverneme­nt et ses détracteur­s ont multiplié les pressions sur les députés pour les convaincre à se rallier chacun à sa cause.

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(Photo Abdelfatta­h BELAID)
 ?? (Photo Abdelfatta­h BELAID) ?? Hichem Fourati : l’unanimité sur sa compétence a joué en faveur d’un vote qui, au-delà de sa nomination, portait sur la légitimité du gouverneme­nt Chahed… Mais la partie n’est peut-être pas finie !
(Photo Abdelfatta­h BELAID) Hichem Fourati : l’unanimité sur sa compétence a joué en faveur d’un vote qui, au-delà de sa nomination, portait sur la légitimité du gouverneme­nt Chahed… Mais la partie n’est peut-être pas finie !

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