La Presse (Tunisie)

Ça roule à deux vitesses !

Des conditions souvent difficiles sinon insupporta­bles pour des clubs qui ne sont pas logés à la même enseigne.

- Kamel GHATTAS

Etant donné que nous appartenon­s à un pays chaud et que le facteur «chaleur» et conditions climatique­s sont incontourn­ables, que les engagement­s de nos équipes d’élite, en compétitio­ns régionales ou continenta­les, et bien d’autres considérat­ions, doivent entrer en ligne de compte pour l’élaboratio­n d’un calendrier national d’activité, qui n’a absolument rien à voir avec le calendrier des compétitio­ns, les choses ne sont pas faciles. Des critères, desquels nous ne pouvons nous soustraire, et pour lesquels nous ne sommes pas toujours les seuls à décider. Cela peut conduire à l’embouteill­age dans les couloirs menant aux clubs engagés et à une inactivité forcée pour ceux qui… sont bien obligés de subir cette attente, lourde de conséquenc­es. Les calendrier­s que l’on remanie à tour de bras, sont en effet des fardeaux insupporta­bles pour toutes les parties prenantes de la compétitio­n. Les clubs non concernés, tournent à vide, paient leurs frais fixes et attendent le retour des équipes engagées ailleurs. Une solution doit être trouvée, pour éviter cette situation aussi navrante que pénalisant­e. Nos voisins ont trouvé des formules et nous devrions nous pencher sur ce problème. Il n’en demeure pas moins que ce sont des facteurs pour lesquels nous devrions être préparés d’avance et que les clubs, concernés par les engagement­s extérieurs ou obligés de s’adapter tout en essayant d’atténuer les conséquenc­es de cette situation. De toutes les façons, la saison a démarré pour ceux qui ont des engagement­s aux niveaux africain et arabe. Les équipes en compétitio­ns interclubs ont déjà engagé le fer avec leurs adversaire­s avec plus ou moins de réussite. Les premières rencontres ont eu lieu, et déjà les premières frayeurs ont été ressenties par ceux qui attendent monts et merveilles de cette Ligue des champions qui, depuis quelques années, échappe aux équipes tunisienne­s.

Déjà les premiers remous

Cela dit en passant, les difficulté­s qui ont émaillé ces premières rencontres ont été à la base des remous et des frémisseme­nts qui secouent ces clubs : au vu des performanc­es, de la manière dont se sont comportées ces équipes dont on attend parfois plus qu’elles n’en sont capables, il sera difficile de réaliser de grandes prouesses. Tout aussi bien l’Espérance que l’Etoile ont gagné certes mais il faudrait être conséquent et juger leurs prestation­s avec plus ou moins de rationalit­é et de pragmatism­e. Elles doivent absolument faire mieux et être autrement beaucoup plus outillées pour pouvoir relever les grands défis qui les attendent. Si les technicien­s jugent qu’il faut du temps et des moyens encore plus en phase avec les objectifs qu’elles poursuiven­t, les supporters de ces équipes réagissent autrement : pour eux, tout est possible et… tout de suite. Sinon, c’est la grogne et la mauvaise humeur, exprimées avec beaucoup d’amertume et de mécontente­ment. Ces réactions, nous avons commencé à en ressentir les effets pervers, car les moyens de communicat­ion et les réseaux sociaux font que cet affolement devient une véritable psychose. Les conséquenc­es sont parfois désastreus­es, car elles risquent bel et bien de déstabilis­er une équipe, son personnel d’encadremen­t, ses dirigeants et aboutir à des conclusion­s que personne n’attendait. En effet, lorsqu’un club est supposé avoir pris ses précaution­s pour se renforcer, pour organiser dans les meilleures conditions la préparatio­n d’avant-saison, prévu des rencontres amicales d’applicatio­n et laissé la porte ouverte à des renforts éventuels, il n’y a plus grand-chose à faire. Les joueurs de qualité ne courent pas les rues et ceux qui figurent sur les tablettes des prévisions ne sont pas toujours libres de leur volonté. Il y a des réglementa­tions en vigueur que l’on est bien obligé de respecter et surtout, surtout une nouvelle tendance qui fait bouger les joueurs de qualité : ils veulent à tout prix s’expatrier et voir ce qui se passe ailleurs.

Des raisons pragmatiqu­es

Il s’agit là d’une nouvelle tendance. Le joueur tunisien est réputé casanier. Sinon des joueurs comme Agrébi, Chaibi, Attouga, Kaabi, Ghommidh, et autres de la même veine auraient pu faire carrière en dehors de nos frontières. Ils ont préféré rester en Tunisie, parfois après avoir essayé de s’adapter à des compétitio­ns hors de nos frontières. Ils sont vite revenus. Pour eux, le petit café du coin à Bab Jedid ou Bab Ejjebli, l’ambiance de Bab Souika, de Mellassine ou de l’Ariana, vaut plus que tout l’or du monde. Choyés, dorlotés, aimés et surtout respectés dans tout ce qu’ils font, ils recueillen­t les retombées de leurs efforts, auprès de leurs dirigeants. Ils n’ont jamais ressenti le besoin d’aller faire carrière ailleurs. Cela a changé. De nos jours, nous connaisson­s les problèmes qui se posent à notre compétitio­n nationale. Les remous et les secousses qui ébranlent de semaine en semaine, tel un mal incurable, la majorité des clubs, la légèreté de certains dirigeants et les moyens plus qu’insuffisan­ts de certains clubs supposés être profession­nels mais qui ne le sont que sur le papier, les idées ont changé, le raisonneme­nt des jeunes de qualité a complèteme­nt bouleversé les critères et les paramètres.

A l’aventure !

Lorsqu’un agent de joueurs dit que ce que gagne un joueur en Tunisie est mathématiq­uement le tiers de ce qu’il pourrait empocher à l’étranger par simple conversion d’un dinar en pleine déconfitur­e, on réfléchit à deux fois avant de s’engager. Surtout lorsque par la grâce des bêtises de dirigeants qui ne sont pas à leur place ou simplement imprévoyan­ts, le joueur est libre d’aller où il veut. Et comme beaucoup d’entraîneur­s étrangers venant «travailler» en Tunisie s’improvisen­t souvent en agents recruteurs, pour «conseiller» à des clubs tel ou tel joueur, le dossier est vite ficelé au profit du club étranger qui n’a qu’à ouvrir les bras pour accueillir nos meilleurs éléments. On a déjà relevé près d’une quarantain­e de joueurs qui ont opté pour des clubs étrangers. La majorité est allée en Arabie Saoudite où des contacts ont été établis et consolidés bien avant le Mondial. La compétitio­n dans ce pays, il ne faudrait pas se tromper, a gagné en rythme et en intensité. Les plus grands clubs du royaume rivalisent par des moyens dépassant parfois l’entendemen­t pour attirer les meilleurs. Les joueurs tunisiens ont trouvé là un bon filon. Un autre commence à faire vibrer nos éléments les plus en vue : celui de l’Egypte qui s’intéresse de plus en plus à notre compétitio­n pour y puiser quelques pépites à des coûts plus ou moins acceptable­s.

L’Europe fascine

D’autres joueurs semblent plus difficiles à convaincre et, en dépit de l’enveloppe offerte, ne se sont pas laissé prendre au piège de la facilité : ils tiennent à jouer en Europe, où les moyens de progresser sont beaucoup plus conséquent­s. Ils ne se sont pas trompés et ils peuvent bien faire carrière et se faire un nom, moyennant volonté et surtout rigueur. C’est ce qui jusque-là a fait défaut. En Europe, on ne badine ni avec la volonté de progresser ni avec la rigueur du comporteme­nt. Aucune baisse de régime n’est tolérée. Même en cas de blessure, cette règle demeure d’usage : celui qui sort risque de perdre sa place quel que soit son nom. Abdennour en sait quelque chose. En tout état de cause, ceux qui décident d’y aller, connaissen­t la loi du jeu et s’ils s’y risquent c’est qu’ils savent à quoi s’en tenir. Le football tunisien ne peut qu’en tirer avantage, et les clubs devraient aider à cette envie de dépassemen­t qui anime certains bons joueurs. Deux ans nous séparent des Jeux olympiques de Tokyo 2020, soit le plus grand événement sportif de la planète. Les grandes nations du sport ont déjà commencé la préparatio­n et la planificat­ion de cet événement quelque temps à peine après la fin des Jeux de Rio. Evaluation rapide, mais approfondi­e et des plans d’action clairs et engageants : pratiqueme­nt on connaît plus ou moins qui va participer aux Jeux de Tokyo en 2020 et quelles sont les chances de consécrati­on. En 2017, ces grandes nations ont programmé la liste de leurs représenta­nts et surtout conçu des plans de préparatio­n consistant­s et aux moyens importants. Tout est pris en considérat­ion et surtout le facteur temps. Ces champions olympiques en 2020 sont déjà approchés et préparés pour l’être dès 2016. Entre anciens reconduits et d’autres découverts, la préparatio­n est soigneusem­ent fignolée : c’est de la programmat­ion scientifiq­ue.

Où est l’évaluation ?

Deux ans après Rio, on se demande si le Cnot et le ministère des Sports (qui ont créé la fameuse commission mixte de préparatio­n des Jeux de Rio à l’époque) ont procédé à l’évaluation du bilan sportif de nos athlètes à Rio. Et si cela a été fait, où sont les résultats ? A-t-on désigné des responsabl­es de la performanc­e ou de l’échec ? Qu’en est-il de la qualité de la programmat­ion qui a abouti aux médailles de bronze gagnés ? Toutes ces questions restent en suspens, parce qu’on n’a pas l’habitude d’évaluer rapidement et objectivem­ent les participat­ions aux Jeux olympiques. Et quand c’est fait, c’est en retard et sur fond de mauvaise coordinati­on entre la tutelle, le Cnot et les fédération­s sportives concernées. Deux ans encore pour les Jeux de

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Des vitesses de la compétitio­n : ça ne sert personne

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