La Presse (Tunisie)

Au-delà de Nida, le vote divise l’Assemblée

Pour nombre d’observateu­rs, la scène politique devient de plus en plus illisible, les ego de plus en plus démesurés et l’économie de plus en plus fragile

- Karim BEN SAID

Samedi dernier, les choses étaient claires en début de séance, les observateu­rs savaient à peu près qui allait voter pour qui. Nida Tounès, Ennahdha, Machrou Tounès et l’ensemble des autres groupes parlementa­ires de la majorité ou de l’opposition avaient fait part de leurs intentions. Mais comme disent les amateurs du ballon rond, les déclaratio­ns sont une chose et la réalité du terrain en est une autre. En effet, outre Nida Tounès, qui a changé d’avis brusquemen­t en pleine séance plénière en accordant son vote au candidat proposé par le chef du gouverneme­nt, d’autres partis et groupes parlementa­ires ont été fortement impactés par ce qui au départ n’était qu’un conflit entre deux leaders nidaistes: Hafedh Caïd Essebsi et Youssef Chahed. En effet, emboîtant le pas à Nida Tounès, le groupe Machrou Tounès a lui aussi décidé, in extremis, de voter en faveur de Hichem Fourati. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, ce vote contraint une partie du bloc parlementa­ire du groupe Machrou Tounès à publier un communiqué dans lequel ils tiennent absolument à rendre publique leur différence avec la décision initiale de Machrou Tounès. Leila Chettaoui, Marouène Fefel, Houda Slim, Souhaiel Alouini et Sahbi Ben Fraj ont ainsi fait part, après le vote, qu’ils avaient, eux, décidé depuis la veille d’accorder leur confiance au nouveau ministre proposé. A cette date, le bloc Machrou Tounès avait décidé de s’abstenir lors du vote. “Nous avions informé la direction du parti ainsi que la présidence du groupe parlementa­ire de notre intention de ne pas respecter la décision du groupe et du parti”, peut-on lire dans le communiqué. Pour ces députés, il fallait absolument résoudre la question du “vide” à la tête d’un ministère aussi important et aussi sensible que celui de l’Intérieur. “Nous devions montrer ces divergence­s pour que la manière dont les décisions sont prises à l’intérieur du parti changent”, nous explique la députée Leila Chettaoui. La députée et ses quatre autres collègues avaient, lors d’une réunion interne vendredi, rappelé au secrétaire général du parti, Mohsen Marzouk, les détails d’une entrevue entre le chef du gouverneme­nt, Mohsen Marzouk et quelques élus du parti. “Lors de cette entrevue, il y a eu une entente entre les deux hommes, sur la base d’un argumentai­re développé par le chef de l’Etat et auquel nous avons souscrit, note Leila Chettaoui. Nous aurions souhaité qu’il y ait une cohérence dans les prises de position”. Les cinq députés veulent créer un électrocho­c pour obliger la direction du parti à mieux définir les mécanismes de prises de décision pour ne pas se retrouver dans une situation frustrante, comme cela a été le cas samedi dernier. Selon Leila Chettaoui, les députés qui avaient pris la décision de ne pas s’abstenir avaient été menacés d’exclusion. Le vote de confiance samedi a également ébranlé le parti Afek Tounès qui avait, la veille, pris la décision de le boycotter. Une décision qui a déplu à Karim Helali, député de Afek, souvent attaché à ses conviction­s. Samedi, il assiste à la plénière, prend la parole et indique qu’il votera en faveur du candidat. Deux jours plus tard, le député, décide de démissionn­er du bureau politique, estimant que son parti avait eu tort de boycotter le vote. Selon lui, son vote a été guidé par l’intérêt supérieur du pays. Dans ce cafouillag­e total, un bloc sort gagnant et plus uni que jamais, celui d’Ennahdha, qui semble s’exalter de la balkanisat­ion des partis qui lui sont traditionn­ellement opposée. Pour nombre d’observateu­rs, la scène politique devient de plus en plus illisible, les ego de plus en plus démesurés, et l’économie de plus en plus fragile.

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