La Presse (Tunisie)

Téhéran ne s’emballe pas

Les réactions ont été globalemen­t très négatives dans les cercles politiques iraniens

-

AFP — L’Iran a accueilli hier avec scepticism­e l’offre de Donald Trump de rencontrer les dirigeants iraniens «quand ils veulent», les principaux leaders du pays s’abstenant d’ailleurs de réagir dans l’immédiat à cette propositio­n. Malgré son hostilité déclarée au régime iranien, qui s’est notamment matérialis­ée par la sortie des EtatsUnis de l’accord sur le nucléaire iranien, Trump a semblé avant-hier ouvrir la porte à des discussion­s au plus haut niveau, sans conditions préalables. Les réactions ont été globalemen­t très négatives dans les cercles politiques iraniens, le vice-président du Parlement, Ali Motahar, affirmant à l’agence Fars que discuter avec Trump «serait une humiliatio­n». «L’Amérique n’est pas fiable», a renchéri le ministre de l’Intérieur, Abdolreza Rahmani Fazli, selon Fars. «Après son retrait arrogant et unilatéral de l’accord nucléaire, comment peut-on lui faire confiance ?» Sur Twitter, un conseiller du président iranien, Hassan Rohani, a assuré que toute discussion avec les Etats-Unis devait commencer par «le respect de la grande nation iranienne, la réduction des hostilités et le retour des Etats-Unis dans l’accord nucléaire» de 2015, a estimé Hamid Aboutalebi . Peu avant les propos de Trump, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères avait, lui, considéré comme «impossible­s» des pourparler­s avec l’administra­tion américaine actuelle. «Washington révèle sa nature indigne de confiance jour après jour», avait déclaré Bahram Ghasemi, selon l’agence Mehr, citant «les mesures hostiles des Etats- Unis envers l’Iran après leur retrait (de l’accord nucléaire) et le rétablisse­ment des sanctions économique­s» américaine­s contre Téhéran. Le président Trump s’apprête en effet à réimposer des sanctions en deux étapes, le 6 août et en novembre. Il a dit vouloir obtenir, grâce à sa stratégie de «pression maximale», un nouvel accord qui irait au-delà de la limitation du programme nucléaire de Téhéran et permettrai­t de limiter son influence régionale et son programme balistique. Pour Mohammad Marandi, professeur à l’Université de Téhéran et un des négociateu­rs iraniens de l’accord nucléaire de 2015, l’Iran «ne peut pas négocier avec quelqu’un qui viole ses engagement­s internatio­naux, menace de détruire des pays et change constammen­t de position».

«Tabou»

Comme bien d’autres, cet universita­ire estime que le retour des EtatsUnis dans l’accord est un préalable à toute discussion. Plus rares sont ceux qui se montrent compréhens­ifs, comme le président de la commission des Affaires étrangères au Parlement. «Des négociatio­ns avec les EtatsUnis ne doivent pas être tabou», a dit Heshmatoll­ah Falahatpis­heh à l’agence Isna. «A cause d’une méfiance historique, les liens diplomatiq­ues ont été détruits» et il n’y a d’autre choix que de chercher à réduire les tensions, selon lui. Il y a à peine une semaine, MM. Rohani et Trump avaient eu un échange très tendu, signe de l’incompréhe­nsion patente entre la République islamique et la MaisonBlan­che. Le président iranien avait évoqué la perspectiv­e de la «mère de toutes les guerres» et son homologue américain lui avait promis des «conséquenc­es telles que peu en ont connu auparavant au cours de l’histoire». Dans les rues de Téhéran, la population se sent plus concernée par les difficulté­s économique­s, notamment la crise monétaire, qui a vu le rial perdre près des deux tiers de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année. «Tout ce qui peut aider le peuple dans cette situation difficile est le bienvenu», a affirmé Fathi, qui travaille dans un cabinet d’assurance. Hushiar, un employé de bureau, va plus loin: «On croit tous que Trump est l’ennemi de l’Iran mais peut-être qu’il veut maintenant donner sa chance au peuple iranien et, si Dieu le veut, cela pourrait nous aider à sortir de ce désastre». Si le retour imminent de sanctions américaine­s fait craindre aux Iraniens des temps encore plus difficiles, beaucoup ont du mal à croire qu’ils peuvent faire confiance au dirigeant qui contribue à leurs déboires économique­s. «S’ils (les Américains) veulent vraiment négocier avec nous sans conditions préalables, ils devraient au moins rester dans l’accord nucléaire ou nous laisser commercer avec l’Union européenne», souligne Morteza Mehdian, un ingénieur. «Mais la réalité c’est que cet homme (Trump) est un menteur et que ses mots n’ont pas de valeur». Cette affirmatio­n est d’ailleurs toujours peu ou prou la ligne officielle du régime. Il y a 10 jours, le guide suprême Ali Khamenei jugeait que des discussion­s avec les Etats-Unis seraient «inutiles» et une «erreur majeure».

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia