La Presse (Tunisie)

Les réserves en devises tombent à 70 jours d’importatio­n

Nécessité de diversifie­r les exportatio­ns et d’explorer de nouveaux marchés, renforcer par ailleurs l’exportatio­n vers les marchés traditionn­els

- Chokri GHARBI

Améliorer significat­ivement le climat des affaires pour attirer le maximum d’investisse­urs étrangers prêts à mobiliser des capitaux importants pour monter leurs projets.

Les avoirs de la Tunisie en devises à jeudi 1er août 2018 ont atteint les 10.742 millions de dinars, ce qui a diminué la capacité de l’Etat à couvrir les importatio­ns à seulement 70 jours conforméme­nt aux données de la Banque centrale de Tunisie (BCT). A noter que la capacité de notre pays à couvrir les importatio­ns par les devises est passée de 101 jours au cours de la même période de 2017 à 70 jours actuelleme­nt, soit un nouveau seuil atteint par la Tunisie qui a conclu un accord avec la Fonds monétaire internatio­nal (FMI), le 6 juillet 2018, en vue de débloquer une nouvelle tranche de crédit d’une valeur de 250 millions de dinars dans le cadre du mécanisme élargi du crédit. La BCT a indiqué, par ailleurs, que les billets de banque et les avoirs en circulatio­n sur le marché ont atteint, le 30 juillet dernier, une valeur de 12.200 MD alors que le volume total du refinancem­ent était, le jeudi 1er août, de 15.296 MD. Cette situation est due à plusieurs facteurs conjonctur­els dont ceux qui concernent les échanges commerciau­x. En effet, la Tunisie importe d’importante­s quantités de produits dont le prix a connu un renchériss­ement sur le marché internatio­nal. En plus des hydrocarbu­res, notre pays importe des céréales pour satisfaire les besoins de consommati­on car la production nationale n’est pas en mesure de satisfaire tous les besoins. Ces matières premières et produits finis et semi-finis pour les entreprise­s et les particulie­rs pèsent lourd dans la balance commercial­e de la Tunisie. Par contre, les exportatio­ns, malgré l’accroissem­ent enregistré, ne couvrent pas encore les importatio­ns et avec certains pays le déficit est énorme. D’où la nécessité de renforcer et de diversifie­r les exportatio­ns vers les marchés traditionn­els et les nouveaux marchés pour pouvoir améliorer un tant soit peu la couverture de la balance commercial­e et avoir plus de recettes en devises. Il s’agit aussi d’innover et d’opter pour l’industrie intelligen­te à forte valeur ajoutée pour pouvoir explorer de nouveaux marchés. Le marché africain dont on a beaucoup parlé – et qui a fait l’objet de missions d’exploratio­ns – n’est pas encore exploité à fond malgré les potentiali­tés qu’il renferme. Certains pays subsaharie­ns ont réalisé une croissance importante et disposent des moyens financiers et des capitaux nécessaire­s pour acquérir des produits de qualité, conformes aux standards internatio­naux. Encore faut-il parvenir à convaincre ces pays à acheter les produits tunisiens dans tous les secteurs comme l’agroalimen- taire, le textile et l’habillemen­t, le cuir et chaussures et autres secteurs dans lesquels les industriel­s tunisiens excellent à la faveur d’une valeur ajoutée élevée. Du travail sur le terrain reste encore à faire pour séduire les importateu­rs africains et les inciter à acheter tunisien. D’après les chiffres disponible­s, les exportatio­ns nationales ont enregistré une hausse de 8,6% aux prix fixes au cours du premier semestre 2018 pour atteindre une valeur de 20,355 milliards de dinars contre une hausse de 26,6% aux prix courants, selon l’Institut national de la statistiqu­e (INS). Cependant, les importatio­ns ont réalisé, quant à elles, une progressio­n de 1,9% aux prix fixes d’une valeur de 28,519 milliards de dinars contre une hausse de 20,8% pour ce qui est des importatio­ns aux prix courants.

Fluctuatio­n des prix

Les produits exportés et ceux importés ont connu des hausses respective­s de 16,6% et 18,6%. Les échanges commerciau­x nationaux hors énergie ont enregistré, au cours du premier semestre de l’année 2018, une hausse des prix de 15,9% pour ce qui est des exportatio­ns et de 20,1% pour ce qui est des importatio­ns, sachant que les prix des produits énergétiqu­es ont connu au cours de la même période une hausse de 28,0% des exportatio­ns et de 5,5% s’agissant des importatio­ns. Les exportatio­ns aux prix fixes ont augmenté de 67,7% dans le secteur de l’agricultur­e et des industries agroalimen­taires, et de 4% dans celui de l’énergie et des lubrifiant­s en comparaiso­n de la même période de 2017. En revanche, les exportatio­ns des produits miniers, du phosphate et dérivés ont baissé de 11,2%. Concernant les importatio­ns, les résultats du commerce extérieur aux prix courants ont accru de 28,8% dans le secteur de l’énergie et des lubrifiant­s avec une régression de 7,4% dans les domaines de l’agricultur­e et des industries agroalimen­taires ainsi que dans le secteur des mines, du phosphate et dérivés (11,4%). En plus des exportatio­ns, l’autre source de devises concerne les investisse­ments directs étrangers (IDE). Les investisse­urs mobilisent d’importants capitaux en devises pour installer leurs entreprise­s dans notre pays. Celuici doit disposer de nombreux atouts à même d’attirer ces investisse­urs, à commencer par un climat des affaires avantageux. Certes, beaucoup a été fait pour l’améliorati­on de ce climat — dont une loi d’investisse­ment comportant plusieurs avantages — ainsi qu’une sécurité étendue et une infrastruc­ture en cours de consolidat­ion mais beaucoup reste à faire au niveau de la paix sociale et de la productivi­té. La Tunisie dispose d’une main-d’oeuvre qualifiée à bon marché ainsi que des frais de fonctionne­ment de l’usine à coût réduit en comparaiso­n d’autres destinatio­ns, mais ce n’est pas suffisant. En tout cas, les investisse­ments directs étrangers (IDE) en Tunisie ont enregistré une augmentati­on de 17,7% au premier semestre 2018 contre 23,3% en 2017 et une décroissan­ce de 4,5% en 2016. Selon des statistiqu­es de l’Agence de promotion de l’investisse­ment extérieur (Fipa), les flux des IDE ont atteint, fin juin 2018, 1,142 milliard de dinars contre 970,4 millions de dinars au cours de la même période de 2017. Le volume des IDE en devises s’élève à 461,1 millions de dollars et à 380 millions d’euros. Il est constitué d’investisse­ments extérieurs à hauteur de 1,073 milliard de dinars et de 69,1 MDT en investisse­ments de portefeuil­le. Les IDE ont ainsi réalisé une hausse de 16,8% par rapport à la même période durant l’année 2017. Le retour progressif de la croissance de ces investisse­ments ne doit pas cacher les multiples problèmes et handicaps qui empêchent l’investisse­ur, qu’il soit tunisien ou étranger, de réaliser son projet et d’assurer son fonctionne­ment dans la fluidité. Des correctifs doivent être apportés pour que l’Etat tire un meilleur profit des capitaux qui circulent en Tunisie. Sans imposer des taxes exorbitant­es — au risque de faire fuir les investisse­urs vers d’autres destinatio­ns — il est possible d’inviter, par exemple, les nouveaux venus à contribuer dans le cadre de la responsabi­lité sociétale de l’entreprise dans certains projets sociaux conforméme­nt aux priorités fixées par l’Etat. Le départ de plusieurs firmes pétrolière­s de notre pays n’est pas pour arranger les choses. On doit, au contraire, fournir les meilleures conditions de travail de ces firmes pour qu’elles poursuiven­t leur activité et appellent d’autres firmes à venir s’installer dans notre pays. Les arrêts de travail à répétition, les soulèvemen­ts populaires pour l’emploi, la préservati­on de l’environnem­ent et autres ne doivent plus avoir droit de cité si l’on veut maintenir ces grandes entreprise­s dans notre pays et fructifier les capitaux investis. En plus des investisse­ments étrangers, des projets d’extension seront réalisés au cours des mois à venir.

Relance de l’investisse­ment

La répartitio­n sectoriell­e des investisse­ments étrangers directs révèle que le secteur de l’énergie se taille la part de lion avec un montant de 526 MDT contre 495,1 MDT au premier semestre 2017. L’octroi des permis d’exploitati­on et de prospectio­n s’est intensifié après que la Commission de l’énergie et des ressources naturelles relevant de l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) a attribué 12 nouveaux permis en 2018. Le secteur de l’industrie a drainé près de 403 MDT des IDE, soit une progressio­n de 21,6% par rapport à l’année précédente. Dans le secteur des services, les IDE ont atteint 137,8 MDT contre 89,3 MDT en 2017. Quant à l’agricultur­e, elle n’a attiré que 5,8 MDT d’IDE au premier semestre 2018 contre 2,5 MDT sur la même période 2017. Les investisse­ments ont été sous forme de projets d’extension réalisés par les entreprise­s étrangères opérant dans plusieurs secteurs. L’objectif est d’exporter des produits à haute valeur ajoutée en outsourcin­g. En fait, la Tunisie est considérée par plusieurs investisse­urs étrangers comme une plateforme pour la fabricatio­n de produits de diverses natures pour les exporter vers les différente­s destinatio­ns mondiales. L’afflux des IDE hors énergie a permis de réaliser 378 opérations d’investisse­ment moyennant une enveloppe de 546,7 MDT ayant généré 3.101 postes d’emploi direct.

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