La décadence architecturale en marche
C’est comme si le respect de l’environnement s’est arrêté aux portes de nos villes pour céder la place à l’anarchie architecturale. On ne retrouve les grands boulevards aérés et ornés de palmiers, les jardins publics verdoyants, et les rues propres que dans les cartes postales en noir et blanc qui témoignent de la belle époque des années 70 en Tunisie où les villes avaient une âme, une identité et une architecture moderne en harmonie avec la culture du pays
Hormis la commune de Sidi Bou Saïd, connue pour ses maisons d’un blanc immaculé, les volets bleus et les portes cloutées, la majorité des villes du Grand-Tunis offre un spectacle désolant qui témoigne d’une inacceptable dégradation sur le plan architectural et environnemental. Nos villes n’ont plus d’âme et sont dépourvues d’identité culturelle. Elles ont sombré dans une esthétique rétrograde où les espaces verts se réduisent comme peau de chagrin et n’ont plus droit de cité.
Des stratégies sans lendemain
À défaut d’oeuvrer pour l’amélioration de la qualité architecturale de nos bâtiments et des espaces publics, et en l’absence d’une politique de développement dans le processus de planification urbaine, nos communautés se trouvent confrontées à des difficultés récurrentes et à de nouveaux défis sur fond d’une mauvaise gestion marquée par le non-respect de la loi, ce qui est de nature à pousser les acteurs clés de l’aménagement du territoire à se pencher sérieusement sur la nécessité d’agir de toute urgence en vue de recadrer les politiques urbaines. Sur le plan théorique, on s’en sort toujours bien. La Tunisie a élaboré plusieurs stratégies, dont le «programme stratégique ville durable horizon 2050» dans le but d’assurer aux citoyens une vie décente, mais notre pays fait toujours face au sempiternel problème de la mise en oeuvre de ces stratégies sur fond de manque de moyens et l’absence d’approche inclusive au niveau de la gestion territoriale. En effet, notre pays dispose d’une stratégie de développement durable finalisée en 2013. Cette stratégie a défini 10 axes principaux dont l’instauration d’une économie verte, la gestion de façon durable des ressources naturelles, le développement des villes durables. Mais que de défaillances quand on passe au volet pratique. On se trouve face à plusieurs défis et entraves comme le soulève le ministère des Affaires locales et de l’Environnement qui évoque, à ce titre, l’absence d’infrastructures et de vision intégrée pour la ville, le décalage entre l’état réel et les documents de planification, le manque de valorisation des spécificités des villes, sans compter le niveau de pollution atteint dans certaines villes.
Vétusté des infrastructures publiques
Selon un rapport d’évaluation de la politique d’aménagement du territoire en Tunisie élaboré par la direction générale de l’aménagement du territoire relevant du ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, il ressort que la portée des nombreuses études produites s’avère de fait souvent fortement limitée. Elle est confrontée à l’émergence de nouveaux défis, environnementaux ou socioéconomiques, et aux limites atteintes par certaines politiques mises en oeuvre par le passé avec un certain succès, à l’image des interventions de réhabilitation et d’assainissement des quartiers populaires, dont une partie est dite «d’habitat spontané», et qui se traduisent par des effets tangibles sur la qualité de la vie des habitants mais également par une dynamique d’étalement urbain complexe à gérer. Les villes tunisiennes sont caractérisées par un sous-équipement en services publics, une vétusté des infrastructures techniques, un fort étalement de la tâche urbaine, un faible respect des cahiers des charges (emprises, alignements, hauteurs), et la perte de l’identité caractéristique des différentes régions (les matériaux et techniques utilisés ne font plus référence au patrimoine historique et s’uniformisent anarchiquement), relève de son côté l’Institut tunisien des études stratégiques(Ites) dans une étude réalisée en novembre 2017. La majorité des villes, notamment dans le Grand-Tunis, a perdu sa verdure, son charme d’antan. C’est comme si le respect de l’environnement s’est arrêté aux portes de nos villes pour céder la place à l’anarchie architecturale. On ne retrouve les grands boulevards aérés et ornés de palmiers, les jardins publics verdoyants, et les rues propres que dans les cartes postales en noir et blanc qui témoignent de la belle époque des années 70 en Tunisie où les villes avaient une âme, une identité, et une architecture moderne en harmonie avec la culture du pays.
On a, à maintes reprises, contacté la direction générale de l’aménagement du territoire relevant du ministère de l’Equipement pour mieux cerner le problème et parler des stratégies futures et de défis, mais notre requête est restée lettre morte.