Le «mezoued» toutes voiles dehors
La saison des mariages s’accompagne chaque année de nuisances sonores intolérables !
Malgré les épreuves des temps et le changement des mentalités, le «mezoued», mine de rien, caracole toujours au hit-parade des noces d’été des Tunisiens. Titulaire incontournable des programmes des fêtes familiales, il jouit encore d’une popularité si extraordinaire qu’il a pu résister à l’invasion continue des différentes modes de la musique des diverses vagues de chanteurs qui, si retentissant fût le tabac qu’elles provoquaient, n’ont pu in fine lui tenir tête. Et cela n’a pas changé depuis les années 70 à nos jours. Il faut le faire ! Mais, en fait, à quoi est due cette longévité? Comment toutes les… coalitions musicales qui se sont formées pour le détrôner n’ont pu faire le poids? A-til une baguette magique qui l’immunise contre la vieillesse et l’usure du temps? Question peut-être banale, mais qui donne matière à réflexion.
Tradition
Il est certain que le «mezoued» tire sa principale force d’une tradition profondément enracinée dans l’histoire du pays. C’est surtout au lendemain de l’Indépendance qu’il a commencé à faire parler de lui pour crever le plafond dans les années 70. Période qui a coïncidé avec la percée fulgurante d’une pléiade de «mzaoudias» tout feu tout flamme tels que Hédi Habbouba, Salah Farzit et Noureddine Kahlaoui. Un trio de choc dont les succès à répétition ont fini par voler la vedette aux superstars de la chanson qui faisaient, à l’époque, cavalier seul dans les fêtes familiales. La suite, on la connaît, puisque le «mezoued» jusque-là sujet tabou interdit même de passage à la télévision allait depuis connaître une envolée spectaculaire traduite notamment par l’éclosion de nouvelles «bêtes de la scène», une médiatisation à outrance et un rayonnement international qui relevait de l’utopie.
L’art du défoulement
Dès lors, l’assise populaire du «mezoued» ne peut être que solide, surtout que financièrement parlant ses noces coûtent trois fois rien. En effet, à l’exception du number one actuel, en l’occurrence Samir Loussif qui se produit, d’ailleurs, rarement dans les salles des fêtes, les familles organisatrices de noces peuvent aisément se rabattre sur les groupes de «mezoued» amateurs qui poussent comme des champignons et qu’on peut faire venir pour toute une soirée, contre un tarif qui varie entre 800 et 1.500 dinars. Soit presque le tiers du pactole qu’exigent les autres vedettes de la chanson. Et dire qu’en dépit de ce tarif maigrichon, le spectacle est garanti. C’est que ces «mzaou- dias» en herbe, l’ambition aidant, sont capables de répéter parfois même avec perfection les plus grands tubes, ceux du moment et ceux du passé. L’ambiance festive qu’ils créent est si électrique que les invités ne résistent généralement jamais à la tentation d’investir la piste de danse. Là où se mêlent jeunes et moins jeunes des deux sexes pour valser, jusqu’à… l’aube sur des rythmes endiablés synonymes de défoulement pour les uns, et d’extase pour les autres.
Nul n’est parfait
Cependant, il y a le revers de la médaille, le «mezoued» n’étant pas, hélas, au-dessus de tout reproche. En effet, il arrive parfois que ses fêtes s’achèvent en queue de poisson en raison des incidents et batailles rangées qu’elles génèrent, par la faute de la présence d’intrus qui, l’état d’ébrieté manifeste aidant, se mettent, souvent, pour des futilités, à échanger des propos orduriers avant d’en venir aux mains. Le pire, comme en témoignent des rapports sécuritaires est que certaines de ces bagarres enregistrent le recours à l’arme blanche, d’où des victimes hospitalisées et des énergumènes arrêtés par la police. Décidément, comme on dit, aucun art n’est parfait.