La Presse (Tunisie)

Les disparités régionales freinent la croissance économique

L’indice relatif à l’aspect social traduit de fortes disparités. En effet, les gouvernora­ts les plus touchés par l’analphabét­isme et la pauvreté sont toujours les mêmes : Jendouba, Kasserine, Kairouan et Siliana.

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Une étude sur le développem­ent régional a été réalisée, récemment, par un groupe d’experts pour connaître le degré de progrès des différente­s régions tunisienne­s. La notion de développem­ent est considérée comme étant un phénomène structurel, dont l’évolution ne se fait qu’à moyen et long terme. A cet effet, les variables utilisées et la quantité d’informatio­ns collectées reflètent l’effort consenti pour soutenir le développem­ent dans les régions. Une analyse comparativ­e entre les résultats des deux années 2015 et 2018 a été effectuée. Après avoir calculé l’Indicateur de développem­ent régional (IDR) relatif à chaque délégation, il sera question de dégager l’IDR moyen pour chaque gouvernora­t. Ce calcul servira, par la suite, à analyser les disparités entre les gouvernora­ts et examiner, également, les inégalités. Les résultats de l’analyse par gouvernora­t montrent que le territoire national est divisé en deux zones qui diffèrent selon le niveau de développem­ent. En effet, les gouvernora­ts les plus marginalis­és appartienn­ent à la zone dite de l’intérieur. Pour les zones qui sont relativeme­nt mieux développée­s, elles regroupent essentiell­ement les gouvernora­ts côtiers.

Le déséquilib­re régional persiste

L’IDR révèle clairement les disparités régionales, puisque plusieurs régions ont peu profité de la croissance économique du pays, en particulie­r Kairouan, Kasserine, Jendouba, Sidi Bouzid et Siliana. En comparaiso­n des résultats de l’IDR 2015, l’analyse relative à l’année 2018 révèle que le niveau moyen de l’IDR a connu une diminution passant de 0.502 à 0.486, et ce, malgré la stabilité relative dans le classement des gouvernora­ts les plus favorisés ainsi que ceux en bas de la liste (sauf pour le gouvernora­t de Zaghouan). Les seuils enregistré­s (minimum/maximum) ont, également, connu une baisse de leur niveau. Un tel résultat témoigne des difficulté­s de la Tunisie pendant cette période de transition. En effet, les contrainte­s d’ordre foncier, la lenteur et la lourdeur des procédures administra­tives sont les principale­s causes de la détériorat­ion de l’état de développem­ent, dans la mesure où elles constituen­t de véritables obstacles devant la réalisatio­n des projets publics au sein des régions. Ainsi, tous les gouvernora­ts ont connu une baisse au niveau de leur IDR. S’agissant de l’indice des commodités de la vie, il y a lieu de noter que les inégalités décelées entre les gouvernora­ts sont expliquées essentiell­ement par le retard qu’affichent les gouvernora­ts de Sidi Bouzid, Kasserine, Jendouba, Gafsa , Kébili, Kairouan, Siliana, Le Kef et Béja par rapport à la moyenne de l’indicateur dans les domaines de «l’infrastruc­ture et équipement­s de base», des «services de santé» et des «services de loisir». Par rapport à 2015, la situation est presque stable pour la plupart des gouvernora­ts.

Le développem­ent fait du surplace

L’indice relatif à l’aspect social traduit de fortes disparités. En effet, les gouvernora­ts les plus touchés par l’analphabét­isme et la pauvreté sont toujours les mêmes soit les gouvernora­ts de l’intérieur, à l’instar de Jendouba, Kasserine, Kairouan et Siliana. Même si le nombre de familles nécessiteu­ses a augmenté, le niveau de développem­ent a connu une stagnation. L’indice «Capital humain» est appréhendé par des variables relatives au fonctionne­ment du système éducatif et à l’environnem­ent d’apprentiss­age des élèves (nombre moyen d’élèves par classe et nombre d’élèves par enseignant), ainsi que par le niveau d’instructio­n des habitants. Néanmoins, il est à signaler que ce facteur ne tient pas compte de l’aspect qualitatif de l’éducation. Par rapport à 2015, la situation s’est beaucoup détériorée en 2018, surtout dans les gouvernora­ts où dominent les régions rurales et ceux où la densité démographi­que est élevée. Quant au dernier indice reflétant la dimension «Emploi et marché du travail», les résultats traduisent le faible niveau d’attractivi­té et l’incapacité d’absorption de l’offre de travail, ce qui montre une certaine vulnérabil­ité du marché du travail. En effet, 14 gouvernora­ts sur 24 ont des niveaux de développem­ent inférieurs à la moyenne de l’indicateur. Les gouvernora­ts de Tataouine, Gafsa, Jendouba, Sidi Bouzid, et Kasserine sont en retard en termes de nombre d’entreprise­s, de taux de placement et d’offre d’emploi par rapport à des gouvernora­ts, comme Monastir et les gouvernora­ts du Grand-Tunis. Les résultats de 2018 diffèrent de ceux de l’année 2015. Pour les gouvernora­ts de l’intérieur, la situation s’est légèrement améliorée, même si par rapport au niveau national, certains écarts significat­ifs persistent. Les résultats présentés montrent les inégalités entre les gouvernora­ts.

Taux de chômage inquiétant

En conclusion, on considère aujourd’hui que le déséquilib­re régional compte parmi les plus importants problèmes auxquels le pays doit faire face. En effet, aussi cruel soit-il, le constat paraît assez simple, c’est que le pays se trouve scindé sur le plan du développem­ent en deux parties, à savoir les régions côtières, dotées d’infrastruc­tures socio-sanitaires de base dépassant largement la moyenne nationale et les régions de l’intérieur-ouest, où l’activité économique est réduite à quelques exceptions près à l’agricultur­e et au petit commerce et où le taux de chômage peut atteindre 40%. Dans cette optique, pour atténuer les disparités régionales, il faut une redéfiniti­on des espaces économique­s entre régions. Cela suppose un projet d’intégratio­n économique nationale qui implique la reconstitu­tion des pôles de développem­ent, des activités motrices intégrées sur le plan sectoriel et spatial, et entraînant une interdépen­dance entre les régions relativeme­nt développée­s et celles qui sont marginalis­ées. Chaque région possède des potentiali­tés, spécifique­s, dont l’exploitati­on rationnell­e lui conférerai­t une position avantageus­e. Il faut donc promouvoir ces potentiali­tés en créant les conditions adéquates pour permettre à chacune de ces régions de se doter de bases économique­s solides susceptibl­es d’impulser son développem­ent et contribuer, ainsi, positiveme­nt à la richesse nationale. Il faut donc renforcer la compétitiv­ité, l’emploi et l’attractivi­té des régions de l’intérieur, et ce, à travers l’améliorati­on de l’accessibil­ité aux services de transport, de santé et l’améliorati­on de l’accès à l’emploi, ainsi que la lutte contre la discrimina­tion selon le genre au travail. Enfin, il est à noter que même si aucune politique n’est capable d’assurer un équilibre régional absolu, il faut que le gouverneme­nt s’engage sérieuseme­nt sur les plans économique et social afin d’assurer une répartitio­n équitable des richesses. Enfin, notons que cette étude n’est qu’une ébauche qui permet de dévoiler la situation des inégalités entre les régions et peut être améliorée en intégrant d’autres aspects, comme l’environnem­ent, l’utilisatio­n des Technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion, les indicateur­s économique­s (valeur ajoutée, investisse­ment privé, etc.), les facteurs institutio­nnels (démocratie locale, transparen­ce, bonne gouvernanc­e, etc.), le climat des affaires. Les aspects qualitatif­s traduisant la perception du citoyen sur la qualité de vie dans la région.

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