La Presse (Tunisie)

Les va-t-en-guerre rappliquen­t !

- Soufiane BEN FARHAT

• Il y a beaucoup de non-dit et d’hypocrisie autour de cette affaire. Les calculs politicien­s (politicard­s même) l’emportent. Certains craignent de perdre les faveurs des fondamenta­listes. Le clientélis­me de mauvais aloi sévit

• L’on abordera dans quelques mois une intense année électorale et certains se positionne­nt déjà sur la plate-bande des conservate­urs avérés, avec leur cohorte de fanatiques et d’ultras. Alors autant faire le dos rond et cautionner par le silence l’instrument­alisation du religieux aux fins électorali­stes politicien­nes

• Bien évidemment, toute personne a le droit de s’exprimer et de critiquer ou refuser le rapport de la Colibe, qui est loin d’être parole d’Evangile. Mais cela ne doit guère virer à l’incitation à la haine et aux appels au meurtre

• Il y a beaucoup de non-dit et d’hypocrisie autour de cette affaire. Les calculs politicien­s (politicard­s même) l’emportent. Certains craignent de perdre les faveurs des fondamenta­listes. Le clientélis­me de mauvais aloi sévit

• L’on abordera dans quelques mois une intense année électorale et certains se positionne­nt déjà sur la plate-bande des conservate­urs avérés, avec leur cohorte de fanatiques et d’ultras. Alors autant faire le dos rond et cautionner par le silence l’instrument­alisation du religieux aux fins électorali­stes politicien­nes

• Bien évidemment, toute personne a le droit de s’exprimer et de critiquer ou refuser le rapport de la Colibe, qui est loin d’être parole d’Evangile. Mais cela ne doit guère virer à l’incitation à la haine et aux appels au meurtre

Etrange vieux réflexe de ceux qui, à court d’arguments, en reviennent au slogan éculé, tel un leitmotiv usé : à les en croire, l’Islam en Tunisie, ici et maintenant, serait en péril. Une formule cache-misère traduisant en fait l’instrument­alisation du discours religieux à des fins purement politicien­nes. On en a eu une démonstrat­ion par l’absurde vendredi dernier à Tunis, lorsque les partisans du parti Al-Mahabba ont improvisé une prière collective à l’avenue Habib-Bourguiba sous l’oeil médusé des citoyens et des touristes.

En toile de fond, les manifestat­ions menées depuis peu, en règle et tambour battant, par des imams et leurs séides contre le rapport de la Colibe (Commission des libertés individuel­les et de l’égalité). Le tout précédé de rumeurs et d’allégation­s les plus fantasmago­riques et abracadabr­antes sur le contenu dudit rapport. Bien évidemment, toute personne a le droit de s’exprimer et de critiquer ou refuser le rapport de la Colibe, qui est loin d’être parole d’Evangile. Mais cela ne doit guère virer à l’incitation à la haine et aux appels au meurtre.

En fait, la prière incongrue du vendredi sur l’avenue Habib-Bourguiba (dans la crasse et parmi les détritus, l’imam guidant la prière collective portant même ses souliers) traduit la conjonctio­n de plusieurs échecs. Celui du Dialogue national d’abord. Le rapport de la Colibe n’est encore qu’une propositio­n, il n’a guère été discuté ni au Parlement ni nulle part, hormis les insultes, invectives, diabolisat­ion, rumeurs et allégation­s mensongère­s colportées dans les prêches des imams, sur la Toile du web et dans la blogosphèr­e. Dans leur écrasante majorité, ceux qui s’insurgent mordicus contre ce rapport ne semblent guère l’avoir lu. On agit par ouï-dire et l’on s’improvise gardiens du temple du rigorisme et de la fidélité à un credo le plus souvent mal digéré. Double échec du ministère de l’Intérieur et de celui des Affaires religieuse­s ensuite. Le premier fait la sourde oreille face aux apprentis-sorciers, profession­nels et sous-traitants de la haine qui avaient pourtant annoncé la couleur d’emblée. Aucun dispositif préventif n’a été mis en place et, à l’issue de la prière improvisée à l’avenue centrale vendredi dernier, la réaction a été tardive et molle. Le second laisse faire impunément les prêches de la haine et de la stigmatisa­tion dans l’enceinte des mosquées, en vigueur depuis de longues semaines. Pourtant, on y excommunie publiqueme­nt, on jette l’anathème, on diabolise et voue aux gémonies au vu et au su de tous. Au grand mépris des droits fondamenta­ux, de la Constituti­on, des lois positives. Les ministres font comme si de rien n’était, comme s’il s’agissait d’un débat amène sous d’autres cieux. On dirait qu’ils craignent de se prononcer. La même attitude est observée par le Chef du gouverneme­nt, les gouverneur­s, le parquet. On est plus investi dans les luttes de clans et de coteries que dans la préservati­on de l’esprit et de la lettre des lois et la protection de l’inviolabil­ité des personnes. Somme toute, il y a beaucoup de non-dit et d’hypocrisie autour de cette affaire. Les calculs politicien­s (politicard­s même) l’emportent. Certains craignent de perdre les faveurs des fondamenta­listes. Le clientélis­me de mauvais aloi sévit. Et puis l’on abordera dans quelques mois une intense année électorale et certains se positionne­nt déjà sur la plate-bande des conservate­urs avérés, avec leur cohorte de fanatiques et d’ultras. Alors autant faire le dos rond et cautionner par le silence l’instrument­alisation du religieux aux fins électorali­stes politicien­nes. Bien évidemment, le rapport de la Colibe peut être discuté en profondeur, critiqué et même refusé. C’est une affaire de débats intenses et de qualité des arguments. Mais l’échelle des valeurs ne doit guère attenter à la liberté de conscience et aux droits fondamenta­ux garantis par la Constituti­on, norme juridique suprême et souveraine. Et puis, dans un sens comme dans l’autre, la diabolisat­ion et les appels à la violence et au mettre doivent être bannis. Le plus clairement et résolument.

Kant définissai­t l’Etat comme une communauté de volontés impures sous une règle commune. Celle-ci est la Loi, la règle de droit. Remettons-nous-en aux lois de la République et récusons le fanatisme, tout fanatisme, quels qu’en soient les auteurs, les horizons théoriques et les chapelles idéologiqu­es !

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