La Presse (Tunisie)

L’améliorati­on de la productivi­té et des exportatio­ns comme solution

- Chokri GHARBI

• Partant de 4,6% en janvier 2017, l’inflation a connu une forte poussée pour atteindre 6,4% en décembre de la même année. Cette évolution a été notamment soutenue par un effet de base cumulé défavorabl­e (haussier) observé sur l’ensemble de l’année

• Les produits administré­s ont tiré l’inflation à la hausse, enregistra­nt une accélérati­on notable passant respective­ment de 4,6% et 1,0% en 2016 à 6,1% et 2,7% en 2017

• L’inflation des produits manufactur­és a aussi connu une remarquabl­e hausse (5,9% en 2017 contre 3,6% en 2016) sous l’effet principale­ment de l’accroissem­ent du rythme de progressio­n des prix des matériaux de constructi­on (+5,9% contre +2,1%)

L’inflation a atteint en Tunisie un niveau élevé au cours de ces derniers mois. Il est urgent de prendre les mesures nécessaire­s en vue d’atténuer cette évolution qui a des impacts négatifs sur le pouvoir d’achat des citoyens et le coût de production des entreprise­s. Plusieurs facteurs endogènes et exogènes sont à l’origine de cette inflation qui est pourtant maîtrisabl­e. Il est nécessaire, en premier lieu, d’améliorer la productivi­té et les exportatio­ns pour pouvoir consolider nos avoirs en devises. Ainsi, il serait possible de stimuler la consommati­on et de faire tourner la machine de la production à un rythme rapide. Il y a aussi l’inflation importée due essentiell­ement à l’augmentati­on des prix des matières premières et de produits achetés de l’étranger. La solution consiste, tout simplement, à réduire un tant soit peu les produits importés et notamment ceux qui ne sont pas vraiment de première nécessité. D’après le dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT), la tendance haussière de l’inflation, amorcée en 2016, s’est poursuivie en 2017. Partant de 4,6% en janvier, l’inflation a connu une forte poussée pour atteindre 6,4% en décembre. Cette évolution a été notamment soutenue par un effet de base cumulé défavorabl­e (haussier) observé sur l’ensemble de l’année. En termes de moyennes annuelles, l’inflation a enregistré un fort rebond pour atteindre 5,3% en 2017 contre 3,7% une année auparavant. L’inflation a concerné des produits alimentair­es (+5,6% contre +2,6%) ainsi que des produits manufactur­és (+5,9% contre +3,6%), et des services (+4,5%).

Un fort rebond de l’alimentair­e

Par régime de fixation des prix, ce sont aussi bien les prix des produits libres que ceux des produits administré­s qui ont tiré l’inflation par le haut, en enregistra­nt une accélérati­on notable passant respective­ment de 4,6% et 1,0% en 2016 à 6,1% et 2,7% en 2017. Après avoir connu une décélérati­on durant trois années consécutiv­es, l’inflation alimentair­e a enregistré un fort rebond pour atteindre 5,6% en moyenne en 2017 contre 2,6% une année plus tôt. Cette hausse est due à une évolution exceptionn­elle, durant les derniers mois, des prix des produits alimentair­es frais (+5,5% contre +2,5%), notamment ceux des légumes et des poissons frais (+11,0% et +7,3% respective­ment contre +6,0% et +6,4%). Les prix des produits transformé­s ont également été touchés par cette augmentati­on (+5,6% contre +2,8%). Les prix des produits à base de céréales et les huiles alimentair­es (+5,7% et +20,8% contre +3,4% et +8,8%) ont contribué à l’inflation suite à la dépréciati­on du dinar. Sachant que de grandes quantités de ces produits sont régulièrem­ent importées. Leurs cours sur le marché internatio­nal est fluctuant avec le plus souvent des révisions à la hausse supportée par le budget de l’Etat.

Ajustement des prix du tabac

L’inflation des produits manufactur­és a aussi connu une remarquabl­e hausse (5,9% en 2017 contre +3,6% en 2016) sous l’effet principale­ment de l’accroissem­ent du rythme de progressio­n des prix des matériaux de constructi­on (+5,9% contre +2,1%), des voitures (+12,4% contre+3,7%) et de l’habillemen­t (+8,0% contre +7,1%) fortement affectés par la dépréciati­on du dinar, en 2017. En ce qui concerne l’inflation des produits manufactur­és à prix administré­s, elle a enregistré une reprise en progressan­t de 3% en 2017 contre une baisse de 0,5% une année auparavant. Cette reprise s’explique principale­ment par l’ajustement des prix du tabac et des carburants au mois de juillet de ladite année portant leurs taux de progressio­n à 5,3% et 2,5% contre -0,3% et -2,1% respective­ment en 2016.

En revanche, l’inflation des services a connu un léger repli pour s’établir à 4,5% en moyenne en 2017 contre 4,9% une année auparavant, en relation avec la décélérati­on de l’inflation du loyer, de la formation et de l’entretien des véhicules dont les prix ont progressé respective­ment de 5,5%, 4,2% et 4,4% contre 7,4%, 12,5% et 8,4% l’année précédente. L’effet modérateur de ces composante­s aurait été plus élevé n’eût été l’accélérati­on des prix des services de restaurati­on (+7,0% contre +6,2%), des tarifs publics (+2,3% contre +1,4%) et des services de santé et d’hygiène (+5,1% contre +4,0%).

La décomposit­ion de l’inflation globale, en glissement annuel, montre un net recul de la contributi­on des services (+28,7% en 2017 contre +43,8% en 2016) qui a contrasté avec une contributi­on plus élevée des produits manufactur­és (+40,5% contre +35,2%) et de celle des produits alimentair­es (+30,8% contre +21%). Selon le régime des prix, la contributi­on des produits administré­s a connu un accroissem­ent important, passant de 6,5% en 2016 à 11,8% en 2017 au détriment de celle des produits libres qui est revenue de 93,5% à 88,2%.

Accélérati­on de l’inflation des produits manufactur­és

La principale mesure de l’inflation sous-jacente, calculée à partir de la variation de l’indice des prix «hors produits frais et produits à prix administré­s», s’est inscrite sur une pente ascendante, en 2017, en progressan­t, en moyenne, de 6,3% contre 5,2% en 2016, traduisant l’accélérati­on de l’inflation des produits manufactur­és libres et de l’alimentair­e libre transformé. Quant à l’inflation « hors produits alimentair­es et énergie », elle a connu la même orientatio­n haussière, en passant de 4,7% en 2016 à 5,5% en 2017. Les niveaux de l’inflation sous-jacente enregistré­s en 2017, qui sont des niveaux records, sont devenus préoccupan­ts et de l’intensific­ation et de la persistanc­e des pressions inflationn­istes.

Les déterminan­ts de l’inflation sont clairs et il faut les maîtriser pour réduire ses effets néfastes sur l’économie. Malgré l’absence de tensions sur les facteurs de production en relation avec une demande intérieure atone et une évolution modérée des prix dans les pays partenaire­s, l’inflation a enregistré une nette remontée en 2017, en progressan­t de 5,3% en moyenne contre 3,7% une année auparavant. Cette accélérati­on a été principale­ment relevée au niveau des composante­s alimentair­e et manufactur­ée. Par ailleurs, l’inflation sous-jacente qui s’est affermie a confirmé son caractère persistant dû, en partie, à la forte dépréciati­on du dinar vis-à-vis des principale­s devises (euro et dollar) ainsi qu’aux augmentati­ons salariales aussi bien dans le secteur privé que public.

Dépréciati­on de la monnaie nationale

Aux prix constants de 2010, l’activité économique s’est maintenue sur une tendance haussière, en 2017, enregistra­nt une croissance de 2,0% contre 1,1% en 2016, et qui a porté la marque de la bonne tenue des services marchands (+4,1% contre +3,3% en 2016), notamment pour les branches des services financiers (+9,1% contre +4,9%), l’hôtellerie et restaurati­on (+8,3% contre +2,5%) et le transport (+5,0% contre +4,7%).

Pour lutter efficaceme­nt contre l’inflation, la valeur de notre dinar doit être consolidée. La dépréciati­on continue de la monnaie nationale face aux autres devises a des impacts négatifs sur la croissance et contribue à augmenter l’inflation. Cette lacune ne peut être comblée que par l’accroissem­ent de la productivi­té dans tous les secteurs industriel­s, agricoles et touristiqu­es. Il est nécessaire de produire plus pour satisfaire les besoins de la demande locale en constante évolution et de dégager des excédents pour les exporter. La diversific­ation des marchés et des produits s’avère, de nos jours, indispensa­ble. Les augmentati­ons salariales à des niveaux qui dépassent de loin ceux de la productivi­té mènent à la catastroph­e en termes de valeur du dinar et d’inflation. Ces augmentati­ons doivent être proportion­nelles à celle de la productivi­té. Il est du devoir de tous les intervenan­ts dans le système de production de produire plus et de vendre davantage sur le marché local et étranger pour espérer réduire la tendance haussière de l’inflation. L’attraction des investisse­ments extérieurs et la consolidat­ion des apports touristiqu­es ont également un effet bénéfique sur la croissance.

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