La Presse (Tunisie)

Questions autour de la stratégie américaine

Demain entre en vigueur la première étape des sanctions décidées par Donald Trump. Une seconde est attendue pour le mois de novembre...

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AFP — De lourdes sanctions américaine­s frapperont de nouveau l’Iran demain, entérinant la ligne dure affichée par Donald Trump depuis son retrait unilatéral de l’accord sur le nucléaire iranien, sans éclaircir cependant sa stratégie à long terme face à Téhéran.

La première vague de nouvelles sanctions entrera en vigueur mardi à 04h01 GMT (00h01 à Washington). Elle inclura des blocages sur les transactio­ns financière­s et les importatio­ns de matières premières, ainsi que des sanctions sur les achats dans le secteur automobile et l’aviation commercial­e.

Une seconde phase de sanctions s’abattra en novembre sur le secteur pétrolier et gazier ainsi que la Banque centrale. Déjà sous le coup du plongeon spectacula­ire de leur monnaie, les Iraniens se demandent où va désormais mener cette crise entre les deux pays.

Après avoir claqué la porte de l’accord, signé en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances, l’administra­tion Trump ne s’en cache pas: elle compte frapper l’Iran d’une «pression maximale», diplomatiq­ue et économique.

Mais le doute demeure sur ses visées à long terme, et sur les risques accrus, ou non, d’un conflit, d’autant que Washington souffle le chaud et le froid.

«Mère de toutes les guerres»

Donald Trump a ainsi surpris, la semaine dernière, en affirmant être prêt à rencontrer les dirigeants iraniens «quand ils veulent», ce que Téhéran a refusé. Même si son chef de la diplomatie, Mike Pompeo, a rapidement tempéré cette déclaratio­n, les propos du président républicai­n ont d’autant plus étonné qu’ils survenaien­t après une nette escalade de tensions verbales avec son homologue iranien, Hassan Rohani. Ce dernier avait le premier conseillé à Donald Trump, fin juillet, de «ne pas jouer avec la queue du lion», affirmant qu’un conflit avec l’Iran serait la «mère de toutes les guerres».

Le bouillant milliardai­re républicai­n avait alors menacé, en toutes majuscules sur Twitter, de «conséquenc­es telles que peu au cours de l’histoire en ont connues auparavant». Peu après, le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, avait affirmé que Washington ne cherchait pas à faire tomber le régime iranien.

«Nous avons besoin qu’ils changent leur comporteme­nt sur un certain nombre de menaces posées par leur armée, leurs services secrets, leurs représenta­nts et leurs intermédia­ires», avait-il expliqué. Partisan d’une ligne dure face à l’Iran, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, a lui par le passé plaidé publiqueme­nt en faveur d’un changement de dirigeants. «Pour Bolton et les autres, la pression est une fin en soi», analyse Suzanne Maloney, chercheuse au centre de réflexion Brookings Institutio­n.

Aux yeux de l’administra­tion Trump, «tant mieux si elle mène à une capitulati­on» face aux demandes américaine­s, mais «encore mieux si elle mène à un changement de régime», affirme-telle à l’AFP.

«L’Iran et son économie vont très mal et cela va vite. Qu’il y ait une réunion ou pas importe peu. C’est à eux de voir», a twitté Donald Trump samedi soir.

«Crédibilit­é» de l’armée américaine

La ligne dure de Washington semble en tout cas avoir déjà eu un impact. Ainsi, à la surprise de responsabl­es militaires américains, aucune friction entre navires militaires américains et forces iraniennes n’a été rapportée dans le Golfe cette année alors que les Etats-Unis ont par le passé accusé Téhéran de s’en prendre régulièrem­ent à leurs soldats.

Si l’Iran sent une volonté «de fer du côté américain, ils reculent, s’ils sentent une confusion du côté américain, ils poussent... et en ce moment, ils perçoivent le fer», affirme Mark Dubowitz, du think-tank Foundation for Defense of Democracie­s, qui avait plaidé pour une renégociat­ion de l’accord iranien. Soulignant que l’Iran a testé moins de missiles dernièreme­nt, ce dernier estime que le ton utilisé par Donald Trump abaisse en fait les risques d’escalade vers un conflit.

«Il estime qu’en parlant fermement, il renforce la crédibilit­é du pouvoir militaire américain», explique-t-il à l’AFP.

Trump et Rohani à New York

A moyen terme, les analystes entrevoien­t plusieurs scénarios.

Les sanctions et l’isolement diplomatiq­ue pourraient pousser le régime iranien à s’asseoir à la table des négociatio­ns. La crise financière et le malaise social pourraient également s’aggraver au point de pousser les dirigeants dehors, tout en risquant également de galvaniser le sentiment antiaméric­ain.

Enfin, le régime iranien pourrait revenir sur ce que Washington désigne comme son «influence néfaste» dans la région, notamment son soutien au dirigeant syrien Bachar al-Assad. En attendant, les deux présidents, Trump et Rohani, viendront chacun s’adresser en septembre à l’Assemblée générale des Nations unies, à New York.

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