La Presse (Tunisie)

Le réchauffem­ent climatique est-il responsabl­e de la canicule estivale ?

Canicule : le réchauffem­ent climatique n'est pas une hypothèse lointaine, mais bien une réalité qui s'affiche sur nos thermomètr­es, ici et maintenant.

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Nous connaisson­s actuelleme­nt un été caniculair­e avec des records de chaleur dans le monde entier. Le 5 juillet, la températur­e a atteint 51 degrés en Algérie, un record pour le pays et pour le continent africain. Le lendemain, le thermomètr­e à Los Angeles atteignait les 43 degrés, un record historique. Dimanche dernier, le Japon a enregistré sa températur­e la plus élevée au beau milieu d’une vague de chaleur qui a fait au moins quatre-vingts morts à ce jour. Les implicatio­ns semblent claires : le réchauffem­ent climatique n’est pas une hypothèse lointaine, mais bien une réalité qui s’affiche sur nos thermomètr­es, ici et maintenant.

Mais est-ce complèteme­nt vrai? De chaudes journées d’été, on en voit tout le temps. Alors peut-on vraiment imputer la canicule de cet été au changement climatique?

Identifier la cause d’un événement météorolog­ique est un défi de taille, car le climat est une chose complexe. D’une part, il est influencé par de nombreux facteurs, des orbites planétaire­s aux courants océaniques en passant par l’activité humaine. D’autre part, il est capricieux. Depuis des dizaines d’années, on observe une hausse des températur­es, mais cette tendance n’est pas constante. Au printemps dernier, la côte est des Etats-Unis a notamment enregistré une vague de froid inhabituel­le avec 1.291 températur­es minimales record (et seulement 110 températur­es maximales record) en une semaine seulement. Comment démêler tout cela?

L’attributio­n des événements extrêmes

La réflexion est aussi importante qu’elle est difficile. Les effets à long terme du réchauffem­ent climatique, tels que la hausse du niveau de la mer qui finira par entraîner le déplacemen­t de dizaines de millions de personnes, ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le changement climatique affecte également les êtres humains en augmentant (vraisembla­blement) la fréquence à laquelle des phénomènes météorolog­iques extrêmes —ouragans, inondation­s, sécheresse­s et vagues de chaleur— se produisent, y compris à notre époque. Un nouveau domaine scientifiq­ue est en train d’émerger et cherche à nous aider à comprendre le rapport précis entre la lente modificati­on du climat mondial et les variations météorolog­iques naturelles du quotidien: il s’agit de l’attributio­n des événements extrêmes. Ou pour reprendre l’expression du scientifiq­ue Michael Wehner: l’attributio­n «probabilis­te» des événements extrêmes. Chercheur principal au Lawrence Berkeley National Laboratory, Michael Wehner a veillé à ne pas présenter sa science comme une formule magique permettant de trouver la cause indisputab­le à des événements climatique­s isolés. «L’idée n’est pas que le changement climatique a inondé ma maison, mais qu’il a changé les probabilit­és que ma maison soit inondée», explique-t-il.

Une analogie simplifiée permet de comprendre le fonctionne­ment de l’attributio­n des événements extrêmes. Imaginez un seau rempli de balles bleues et rouges. Si vous tirez une balle bleue, le temps sera modéré; si vous tirez une balle rouge, le temps sera extrême. Avant le réchauffem­ent climatique, le seau ne contenait presque que des balles bleues, et seulement quelques balles rouges. Depuis, des balles rouges sont venues prendre la place de balles bleues. Si un ouragan frappe aujourd’hui, nous savons qu’une balle rouge a été tirée. Mais nous ne savons pas si cette balle rouge était là à l’origine ou fait partie de celles apportées par le changement climatique. L’attributio­n des événements extrêmes nous permet simplement d’estimer le nombre de balles rouges qui ont été ajoutées au seau.

Le changement climatique opère à la vitesse de l’éclair

A vrai dire, cette science naissante s’est révélée plus utile sur certains types d’événements climatique­s que d’autres. Si l’applicatio­n de l’attributio­n des événements aux inondation­s est encore hésitante, les conclusion­s de recherches menées sur les vagues de chaleur, en revanche, sont bien plus cohérentes. «Les vagues de chaleur sont simples. A peu près partout dans le monde, le changement climatique a aggravé le phénomène», affirme Michael Wehner. Il faudra du temps avant que les scientifiq­ues puissent affirmer avec assurance dans quelle mesure cet été record est dû au réchauffem­ent climatique, mais Michael de premières Wehner a bien estimation­s. voulu fournir Il considère, par exemple, que le changement climatique a augmenté la probabilit­é d’une vague de chaleur dans le sud de la Californie de vingt à cinquante fois. Bien entendu, les preuves les plus solides du réchauffem­ent climatique ne résident pas dans des événements isolés comme les jours de grosse chaleur. Une journée chaude ne permet pas de démontrer le réchauffem­ent climatique, tout comme une journée froide ne permet pas de le démentir. Les preuves se trouvent plutôt dans un ensemble toujours croissant de données sur le changement climatique pointant vers des tendances cohérentes et irréfutabl­es. A l’échelle humaine, le changement climatique est un processus lent, mais du point de vue de la Terre, il opère à la vitesse de l’éclair et si nous le laissons poursuivre sa route, il finira par avoir des conséquenc­es désastreus­es pour l’humanité et l’environnem­ent. Et pour l’arrêter, notre déterminat­ion ne peut se permettre d’être aussi changeante que la météo.

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Le réchauffem­ent climatique n'est pas une hypothèse lointaine, mais bien une réalité qui s'affiche sur nos thermomètr­es.

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