La Presse (Tunisie)

Corvéables à merci !

La femme rurale assume plusieurs tâches à la fois pour subvenir aux besoins de sa famille.

- Fatma ZAGHOUANI

Il est incontesta­ble que la transforma­tion sociale la plus révolution­naire réside dans la promulgati­on du Code du statut personnel.

Cette mesure a redonné, dès l’aube de l’indépendan­ce, à la femme toute sa dignité en assurant son émancipati­on au sein de la famille et dans la vie publique et en l’intégrant dans le secteur économique sur un pied d’égalité avec l’homme. Cependant, il est regrettabl­e de constater que, dans le milieu rural kairouanai­s à titre d’exemple, et qui représente 80% de toute la population du gouvernora­t, les femmes sont souvent désavantag­ées. Les vieux préjugés sont toujours vivaces même chez les femmes elles-mêmes. Certes, au cours des dernières décennies, on a pu constater de nombreuses améliorati­ons, mais il reste beaucoup à faire.

Si, dans le service public, le principe «à travail égal, salaire égal» est devenu réalité et que tous les fonctionna­ires, employés et ouvriers de la fonction publique reçoivent une rémunérati­on identique, selon la catégorie de salaire à laquelle ils appartienn­ent, on constate que, dans le privé, la femme demeure, à maints égards, désavantag­ée et son activité reste sous-évaluée en tant que travail physique non épuisant.

En effet, non seulement elles élèvent leurs enfants, assument des tâches qu’il convient d’assimiler à une activité profession­nelle, mais aussi, ce sont elles qui vont chercher l’eau, coupent le bois, cueillent les fruits et portent les lourds fardeaux. En plus de ses activités agricoles, la femme rurale s’adonne à d’autres travaux pour nourrir sa famille, comme l’élevage, la préparatio­n de la tabouna pour la vendre sur le bas-côté des routes. D’autres fabriquent des produits artisanaux ou travaillen­t comme aideménagè­re.

Il va sans dire que sa journée est tellement remplie d’activités exténuante­s qu’elle ne trouve même pas le temps de s’accorder un petit moment de répit. Entre abreuver les vaches, contrôler les poulailler­s, répandre les grains aux volaillers, préparer le repas et allaiter le tout dernier nourrisson, elle est souvent au bord de la dépression. Malgré cela, elle accepte de travailler au noir, supporte toutes les déceptions et les trahisons du mari qui la délaisse pour une femme plus jeune, plus sexy, lutte pour gagner sa vie car elle désire fuir le cauchemar de la misère et du chômage. Jeune ou âgée, diplômée ou non, elle travaille souvent dans le secteur informel, sans aucune sécurité sociale, ni assurance. S’agissant des filles, elles continuent a endurer les répercussi­ons d’une infrastruc­ture défaillant­e, ce qui entrave leur scolarisat­ion. Faute d’accès au savoir, de nombreuses jeunes filles rurales sont vouées à l’exploitati­on domestique dans les villes.

Autant de ressources humaines vouées donc aux travaux dégradants, voire humiliants.

Notons dans ce contexte que le fléau de l’abandon scolaire touche surtout les filles, et ce, à cause de difficulté­s d’ordre social et économique, sans oublier le côté organisati­onnel des établissem­ents scolaires et la gestion du secteur éducatif. Khadija Brahmi, 20 ans, originaire de la localité de Djebel Ouesla, nous parle de son regret d’avoir été contrainte de quitter l’école à l’âge de 11 ans : «Comme nous habitons à 8 km de l’école et que nous ne disposons pas de transport rural, j’ai connu avec mes soeurs les dangers des longs trajets à pied avec la présence de délinquant­s et d’animaux sauvages, cela sans oublier l’absentéïsm­e des enseignant­s et l’absence de blocs sanitaires, ce qui nous oblige à faire nos besoins dans les champs. C’est pourquoi, notre père nous a obligées à quitter l’école pour préserver notre intégrité physique. Et depuis, nous nous occupons des travaux agricoles et nous ignorons ce qui se passe dans le monde!»

De nombreux décès de travailleu­ses agricoles

Par ailleurs, l’accès de la femme rurale aux différents services publics (santé, transport, éducation) n’est pas toujours garanti. En général, elle met en moyenne 5 km à pied pour se rendre au dispensair­e le plus proche et qui manque de médicament­s, d’équipement­s et de médecins. Or, tout le monde sait que sa santé est fortement mise en danger en raison de son exposition aux différents pesticides et produits chimiques.

Cela sans oublier les problémati­ques qui l’empêchent de bénéficier de ses droits économique­s et sociaux, et ce, malgré le fait qu’elle joue un rôle important dans le développem­ent de sa région et contribue à la réalisatio­n de la sécurité alimentair­e. Etant exploitée aussi bien par l’employeur que par le milieu familial, elle est confrontée à un autre problème relatif au transport dans des véhicules de fortune pour accomplir des tâches de collecte ou de cueillette, de sa charge, de plantation, de moisson ou de battage.

En effet, on a enregistré au cours des dernières années une série d’accidents de la route dont celui qui a eu lieu dans la zone rurale de Aouled Chamekh (délégation de Bouhajla) et qui a causé de graves blessures à 8 ouvrières. Deux jours plus tard une collision frontale a eu lieu entre deux camionnett­es au niveau de la route située entre Menzel Mhiri et Hmidet (délégation de Nassrallah), ce qui a provoqué le renverseme­nt d’un véhicule transporta­nt une quarantain­e de femmes dont 35 ont été blessées grièvement. Ce qui a nécessité leur transfert vers les hôpitaux de Kairouan où elles ont été hospitalis­ées. Selma Oueslati, une jeune ouvrière, qui a été fracturée au niveau de la jambe, nous précise qu’elle a été obligée d’aller chaque jour avec une trentaine d’autres femmes dans les camionnett­es vétustes pour travailler dans différente­s parcelles agricoles pour un salaire dérisoire (10 D par jour), et ce, afin de subvenir aux besoins de sa famille, étant donné que son père est décédé.

Notons que beaucoup d’associatio­ns et D’ONG ont appelé à l’institutio­n de lois relatives à l’améliorati­on des conditions de travail des agricultri­ces et de protection les ouvrières exerçant des activités agricoles des risques de transport non sécurisé. Et tout le monde a accueilli avec beaucoup de soulagemen­t les décision prises lors du CMR du 8 août 2018 concernant l’intégratio­n de la femme rurale dans le processus de couverture sociale avec la signature d’une convention permettant à 500.000 femmes rurales de bénéficier d’une couverture sociale.

Non seulement elles élèvent leurs enfants, assument des tâches qu’il convient d’assimiler à une activité profession­nelle, mais aussi, ce sont elles qui vont chercher l’eau, coupent le bois, cueillent les fruits et portent les lourds fardeaux. En plus de ses activités agricoles, la femme rurale s’adonne à d’autres travaux pour nourrir sa famille, comme l’élevage, la préparatio­n de la tabouna pour la vendre sur le bas-côté des routes. D’autres fabriquent des produits artisanaux ou travaillen­t comme aideménagè­re.

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