Déboires et misères des oubliées de la croissance
En dépit des différentes mesures et lois promulguées en sa faveur, la femme rurale vit dans des conditions difficiles et précaires
On l’a toujours dit et répété : «L’exemple vient toujours de la femme». C’est un adage encore vivace qui illustre, on ne peut plus, tous les sacrifices consentis par les femmes qui pour rendre leurs foyers gais, qui pour venir en soutien matériel à leurs ménages, ou encore pour garantir une bonne éducation à leurs enfants.
C’est qu’en fait, au-delà du clivage qui véhicule les rapports des deux mondes rural et urbain, c’est toujours la femme rurale qui se trouve confrontée aux tâches les plus dures dans sa vie, partant de l’ensemble des obligations familiales, sociales et éducatives dont elle est en charge sa vie durant. Et pourtant, en dépit des différentes lois promulguées en faveur de la femme tunisienne, la femme rurale demeure incontestablement sujette à tous les mépris et autres difficultés de la vie qui consacrent les écarts d’inégalité entre le monde urbain et le monde rural dans notre pays.
Au regard de la réalité toujours cruelle du monde rural avec toutes les contraintes coercitives qui commencent par l’entretien du ménage, le confort de l’éducation des enfants dans la mesure du possible, le dévouement envers un mari parfois capricieux et l’exercice de tâches ingrates dans les champs où elle effecute les transactions les plus délicates du travail, en l’occurrence, le travail de la terre, l’entretien des bêtes, l’arrosage des cultures, le tout conjugué aux activités ménagères de tous les jours, au point qu’il ne lui reste que peu de temps pour s’occuper d’elle-même, naturellement quand elle aura accompli toutes les tâches requises.
Comportement injuste
C’est, en tout cas, ce qui ressort de toutes les statistiques relatives au travail de la terre, à la violence contre la femme, aux calculs des revenus et à l’entretien des ménages où la femme rurale est souvent indiquée comme étant la plus grande oubliée de la croissance. C’est dire à quel point sa situation sociale est difficile et nettement au-dessous des attentes requises.
Rien qu’à regarder les champs dans les régions du Nordouest, et même ailleurs, pour constater cette activité fébrile dont fait la preuve femme pour travailler la terre, récolter les fruits, cueillir les tomates ou les piments, prendre soin des cultures maraîchères ou encore surveiller et traire les vaches, le tout à ses risques et périls, sans assurance maladie, ni prime de transport ou de rendement et encore moins de salaire égal à celui de l’homme. Une simple escapade dans les champs de tomates à Jendouba, Siliana ou encore Kairouan, pour ne citer que ces trois régions, montre un comportement injuste généralisé à l’égard de la femme dont la condition est plus que misérable. Et même si l’on a inscrit, comme obligation, la femme rurale dans tous les projets de développement intégré, sa part du gâteau demeure dérisoire, car seules quelques activités sont dispensatrices de bienfaits pour la femme, rurale active dans plusieurs secteurs (cuniculture, élevage ovin et bovin laitier). Face à cette situation de précarité, le milieu associatif s’est élevé pour stopper cette misère dont souffre la femme rurale et a constitué nombre d’associations de la femme rurale à Jendouba et au Kef et d’associations des femmes artisanes, et ce, dans le but de favoriser un meilleur climat de promotion sociale et financière de l’élément féminin et de promouvoir le travail et de l’humaniser de manière à rompre avec cet état des lieux très douloureux de l’activité féminine en particulier dans le secteur agricole où avec les nouvelles décisions du gouvernement, l’on espère une véritable resurgence de la situation de la femme dans le monde rural et un rétablissement de tous les droits en faveur de la gent féminine, en lui fournissant les conditions appropriées pour son transport, sa couverture sociale et un salaire à la mesure des efforts, sans négliger le congé payé, le congé de maladie ou de maternité. Mais ce qui est perceptible, c’est que le chemin du salut est encore long dans ce domaine en ce que la femme rurale a toujours été déconsidérée et déclassée et elle le demeurera encore davantage le temps de changer les mentalités et les attitudes envers cette catégorie de notre société.