La Presse (Tunisie)

«L’absence d’arrestatio­ns spectacula­ires ne signifie pas l’abandon de la guerre contre la corruption»

- Entretien conduit par Karim BEN SAID

Même s’il refuse de l’admettre clairement, Mabrouk Korchid est l’un des piliers du gouverneme­nt d’union nationale et parmi les proches du chef du gouverneme­nt. Son travail ? Rendre à l’etat son aura et son prestige. Il ne se passe pas une journée sans que l’on n’entende parler d’une reprise en main de terres appartenan­t à l’etat et spoliées par des individus ou des groupes. Il estime avoir réussi son pari et certains lui prêtent des ambitions politiques plus grandes.

Même s’il refuse de l’admettre clairement, Mabrouk Korchid est l’un des piliers du gouverneme­nt d’union nationale et parmi les proches du chef du gouverneme­nt. Son travail ? Rendre à l’etat son aura et son prestige. Il ne se passe pas une journée sans que l’on n’entende parler d’une reprise en main de terres appartenan­t à l’etat et spoliées par des individus ou des groupes. Il estime avoir réussi son pari et certains lui prêtent des ambitions politiques plus grandes. Mais l’homme reste droit dans ses bottes et se dit disposé à continuer son travail tant qu’il dispose d’une liberté d’action pour mener des réformes. Dans cette interview qu’il accorde au journal La Presse, Mabrouk Korchid évoque sa relation tendue avec L’IVD et s’exprime sur sa position par rapport à la crise politique actuelle. Il déclare également que l’etat tunisien a officielle­ment ouvert des négociatio­ns directes avec l’abci sur l’affaire de la BFT pour tenter de trouver un arrangemen­t à l’amiable et éviter à la Tunisie une indemnisat­ion de près d’un milliard de dollars.

Le chef du gouverneme­nt a, depuis plus d’une année, promis la régularisa­tion de la situation des 1115 agglomérat­ions urbaines établies sur des terres domaniales en faveur de 500.000 citoyens, pourtant nous avons l’impression que les choses traînent un peu, pour quelles raisons ?

Ce dossier concerne plusieurs parties (ministères, gouvernora­ts, municipali­tés etc.). Ce travail a pris du temps, mais finalement le décret qui organise a été publié depuis deux mois. Je considère que c’est l’un des évènements les plus importants de la Tunisie moderne dans le cadre d’une réconcilia­tion entre l’etat et ses citoyens. Il concerne des citoyens de Bizerte à Ben Guerdane. Ce projet touche particuliè­rement les classes moyennes et pauvres. Il ne concerne pas des riches. Son importance c’est également de créer de la richesse en faveur de ces classes en leur permettant de se munir de titres de propriété. Dans le cadre du soutien à ces classes populaires, nous avons fixé des prix symbolique­s pour la vente de ces terrains. 20 dinars le m2 dans les zones à indice de développem­ent élevé, 15 dinars le m2 dans les zones moyennes et 6 dinars le m2 dans les zones à faible indice de développem­ent. Tout en sachant qu’un prix symbolique de 5 dinars le m2 sera appliqué en faveur des Tunisiens qui ont des revenus faibles, quel que soit l’endroit où ils habitent, même à La Marsa (porteurs de carnets de soins blancs, ou classés parmi les familles nécessiteu­ses). Tout ce travail a pris plus d’une année. Dans six mois nous commencero­ns à délivrer les titres de propriété. Nous nous attendons à des revenus supérieurs à 1.500 millions de dinars pour l’etat.

Votre ministère a délivré plusieurs titres de propriété de terres agricoles, qui étaient exploités sans titre par les paysans, quel sera l’impact d’une telle mesure sur l’économie nationale ?

Dans ces situations, nous avons régularisé la situation des citoyens. Elle concerne des individus qui avaient payé des avances pour le paiement de terres dont l’etat s’était engagé à vendre en leur faveur, avant la loi de 1995. Après la loi de 1995, l’etat devait honorer ses engagement­s. Sauf que le décret qui organise cette opération n’a jamais été publié. Et la situation est ainsi restée jusqu’en 2016, date à laquelle nous avons publié ce décret. Il concerne 350.000 hectares répartis sur toute la Tunisie, c’est à peu près la taille d’un pays comme le Cap Vert, c’est énorme. Ces terres sont des terres fertiles. Et ce sont de petites exploitati­ons qui ne dépassent pas les 20 hectares par exploitati­on. Aussi, ces terres sont exploitées par de petits agriculteu­rs. Pour ces gens, nous avons d’ores et déjà commencé à délivrer les contrats dans plusieurs gouvernora­ts.

Là aussi, cela permet de créer de la richesse pour ces petits agriculteu­rs. Avant, ils ne pouvaient ni hypothéque­r, ni vendre, ni entreprend­re. Tout cela sera désormais possible. Ces petits agriculteu­rs deviennent donc des propriétai­res à part entière, et augmentero­nt substantie­llement leurs revenus. Et puis, en injectant 350.000 hectares sur le marché des terres agricoles il est possible de contenir un peu les prix des terres et par conséquent les prix des produits agricoles.

L’etat sera également l’un des bénéficiai­res de cette nouvelle situation dans la mesure où il encaissera le reste à payer pour la cession de ces terres agricoles. On s’attend à des revenus très importants. Des revenus qui vont alimenter le budget de l’etat. Par contre, les bénéficiai­res, n’auront pas le droit de vente pendant les cinq premières années.

Qu’en est-il des terres agricoles accordées aux jeunes diplômés chercheurs d’emploi ?

Nous avons publié la circulaire relative à l’octroi de terres agricoles en faveur de ces diplômés. L’idée est vraiment de résorber le chômage dans les zones rurales et de mettre des gens instruits pour exploiter les terres agricoles appartenan­t à l’etat. Nous avons accordé aux gouverneur­s la responsabi­lité d’octroyer ces terres. C’est déjà une réalité dans le gouvernora­t de Kairouan.

Lorsque vous voyez l’état et le manque de moyens des hôpitaux et de l’école publique, ne pensez-vous pas que l’etat aurait tout intérêt à se débarrasse­r au plus vite de ses actifs qu’il traîne comme un fardeau et de financer la santé et l’éducation et même la culture ?

Il y a deux aspects. Le premier aspect est celui des grandes propriétés de l’etat dont les grandes terres agricoles. Je dis qu’il n’est pas de l’intérêt des génération­s futures de les céder. Elles concernent directemen­t la sécurité alimentair­e des Tunisiens. Les vendre revient également à en disperser la propriété, et dans 20 ans ces grandes exploitati­ons ne seraient que des morceaux de terres. Il faut également comprendre que ces exploitati­ons sont l’un des outils du développem­ent régional dans les mains de l’etat.

Le second aspect est celui des biens immobilier­s. Personnell­ement, je suis favorable à la vente des biens immobilier­s, dont l’etat n’a pas besoin, y compris les logements de fonction à dispositio­n des ministères de l’education, de la Santé et du Transport. Je pense que l’etat doit vendre. Pourquoi ? Ces logements ont été bâtis dans les années 1970. Les choses ont changé et la grande majorité des fonctionna­ires n’habitent plus loin de leurs lieux de travail. Ces logements sont aujourd’hui en état de délabremen­t sans que les fonctionna­ires en bénéficien­t réellement. Les vendre en faveur de ceux qui y habitent déjà permettrai­t de faire renflouer les caisses de l’etat. Je propose que les revenus issus de la vente des logements de fonction du ministère de l’education soient mis dans un compte spécial qui servira à restaurer les écoles et à acheter du matériel éducatif. Je propose la même chose pour le ministère de la Santé et le ministère des Transports. Je suis donc d’accord, l’etat ne devrait garder que ce dont elle a vraiment besoin.

La situation des biens confisqués se détériore d’année en année, récemment il y a eu des vols de voitures, ne trouvez vous pas que l’etat gère très mal ce qui aurait dû normalemen­t être une manne financière ?

Dans certains cas, ce que vous dites est vrai, mais la généralisa­tion est erronée. Il y a des cas où l’etat a bien su gérer.

Il y a trois secteurs. Le secteur des biens immobilier­s, le secteur des entreprise­s et le secteur des meubles (voitures).

Pour les biens immobilier­s, le rythme des opérations de cession s’est accéléré ces derniers mois. Des opérations qui ont permis d’éviter le délabremen­t mais également d’alimenter les caisses de l’etat.

Pour les entreprise­s confisquée­s, la situation est différente, car dans beaucoup de cas, il y a eu procès qui ont opposé l’etat aux propriétai­res initiaux. Mais d’une manière générale, nous sommes tout près de vendre d’importante­s parts d’entreprise­s d’envergure. A titre d’exemple, « Carthage Ciment », « Alfa Motors » et la banque Zitouna seront très prochainem­ent cédés.

Reste le problème des voitures confisquée­s. Il y a en fait deux types de voitures. Les voitures dites « classiques », qui ont été vendues, et les voitures dites « hors catégorie ». C’est dans ces voitures « hors catégorie » qu’il y a eu des manipulati­ons. D’ailleurs, l’un des responsabl­es est aujourd’hui en prison, il est jugé pour mauvaise gestion.

Grosso modo, sept ans après la révolution, je pense que l’etat n’a pas profité suffisamme­nt des biens confisqués. Cela est dû principale­ment à la confusion qui a suivi la révolution et une méconnaiss­ance des procédures judiciaire­s. Mais depuis une année, nous sommes en train de rattraper le coup et de minimiser la détériorat­ion.

Vous avez récemment évoqué qu’un projet de loi relatif à la “confiscati­on civile” sera prochainem­ent présenté à L’ARP, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Il y a eu dernièreme­nt la loi relative à la lutte contre l’enrichisse­ment illicite. L’une des procédures prévues est celle de la confiscati­on des biens issus de l’enrichisse­ment illicite. Cette confiscati­on se fait soit suite à une décision de justice, soit sans décision, lorsqu’il s’agit d’argent. C’est ce qu’on appelle « la confiscati­on civile ». Nous oeuvrons à la création d’une Agence nationale de gestion des fonds confisqués. L’idée est de faire en sorte que la confiscati­on s’inscrive dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Lorsqu’une personne est incapable de démontrer la légitimité d’une propriété, l’etat procède à une confiscati­on civile. C’est une sorte de punition directe, peut-être même sans devoir passer par la case prison.

Du nouveau dans l’affaire BFT? Vous avez nommé un cabinet privé pour tenter de réduire les indemnités? Un certain Chiheb Ghanmi serait aux commandes de cette mission?

Aujourd’hui, notre rôle dans cette affaire est d’éviter aux finances publiques le poids de l’indemnité. C’est la raison pour laquelle nous avons renouvelé notre contrat avec un bureau d’avocats, et nous l’avons renforcé d’un deuxième bureau et nous avons choisi les meilleurs experts tunisiens et étrangers.

En plus de cela, nous avons ouvert un canal de dialogue direct, à travers les institutio­ns de l’etat, entre la Tunisie et l’abci qui demande des indemnités, pour parvenir à un arrangemen­t à l’amiable. Donc il y a deux processus parallèles. Voilà ce que je peux dire sur cette affaire. Cependant, je crois que l’abci n’a pas intérêt à bloquer les négociatio­ns et à exiger des indemnités. Elle a, au contraire, intérêt à saisir des opportunit­és d’investisse­ment en Tunisie.

Qu’en est-il des poursuites à l’encontre de ceux que vous estimez responsabl­es de cette situation avec L’ABCI ?

Il y a aujourd’hui un procès en cours, le dossier est parvenu à la chambre d’accusation avant de revenir de nouveau chez le juge d’instructio­n. Cinq personnes sont impliquées dans cette affaire.

Vous avez entrepris depuis votre arrivée l’accélérati­on de la numérisati­on du ministère, quelle est la prochaine étape dans cette stratégie?

La numérisati­on est indispensa­ble pour l’instaurati­on d’une administra­tion moderne. La renaissanc­e de l’etat passe inexorable­ment par la modernisat­ion. L’une des administra­tions les plus importante­s est sans doute celle de la propriété foncière et nous avons travaillé à sa modernisat­ion. Au mois de novembre, nous avons mis en place des titres de propriété pouvant être retirés de n’importe quel endroit de la Tunisie. Plus besoin de se déplacer à l’administra­tion territoria­lement compétente. Cette mesure a permis, en seulement deux mois, de délivrer 2500 services de cette manière et de réduire d’autant les déplacemen­ts, les congés etc.

Aujourd’hui, à partir de n’importe quelle administra­tion, un citoyen peut avoir accès aux titres fonciers. Tout cela dans le cadre d’un système informatiq­ue ultra sécurisé.

Nous avons également fait en sorte de simplifier, pour les fonctionna­ires, les procédures pour les missions d’investigat­ions et d’enquête sur les propriétés.

Je dois aussi mentionner un mégaprojet, que nous avons commencé à mettre en place et qui a coûté jusqu’à présent 4 millions de dinars en équipement. Ce projet, à terme, permettra de délivrer instantané­ment le titre de propriété au moment de la signature du contrat. C’est très important car c’est l’un des critères adoptés par le classement de Doing Business. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à réduire le temps de réalisatio­n des services à 12 jours au maximum. Alors que ces délais étaient en moyenne de 2 mois et demi lorsque j’ai été nommé à la tête du ministère. Je tiens aussi à préciser que les Tunisiens à l’étranger bénéficien­t d’un traitement de faveur, pour qu’ils puissent régler leurs affaires le plus rapidement possible. Autre nouveauté, c’est le portail qui fournit la carte numérique de la Tunisie, c’est une première. Cependant, elle doit être alimentée, et cela demande l’effort de plusieurs ministères dont les ministères de la Défense et de l’equipement.

La réforme a commencé au mois de novembre dernier et lorsque je vois ces résultats, je me dis que je suis chanceux d’avoir une administra­tion aussi performant­e.

Il y a un an, vous nous disiez que la lutte contre la corruption était un long processus, et que le gouverneme­nt poursuivai­t cette guerre. Un an plus tard, peu de gens continuent à y croire, et nous avons l’impression que dans cette guerre, il y a eu un cessez-le-feu ?

La lutte contre la corruption est une guerre de longue haleine. Le premier des instrument­s de lutte est l’améliorati­on de l’arsenal juridique qui reste faible en Tunisie, malgré l’adoption de nouvelles lois relatives à l’enrichisse­ment illicite ou encore relatives à l’accès à l’informatio­n. Au ministère nous travaillon­s quotidienn­ement sur la lutte contre la corruption, nous faisons des rapports et nous transmetto­ns à la justice. Trois ou quatre fonctionna­ires de mon ministère ont été mis à l’arrêt suite à des suspicions de corruption. Nous avons nationalis­é un bien de 11 hectares à Sebkhet Essijoumi, conforméme­nt à la loi de nationalis­ation de 1964, car nous avions constaté de la manipulati­on. Cependant, ce n’est pas tous les jours que vous avez des arrestatio­ns spectacula­ires. Il est important que l’etat agisse aussi dans le cadre de la loi, même dans sa lutte contre la corruption. L’absence d’arrestatio­ns spectacula­ires ne signifie donc pas que la guerre contre la corruption a été abandonnée.

Pensez-vous que la nomination d’un conseiller à la présidence du gouverneme­nt et d’un responsabl­e au ministère de l’education, qui ont eu des ennuis avec la justice, soit moralement acceptable pour un gouverneme­nt qui fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille?

L’intégrité morale des personnes est une ligne rouge. Porter atteinte à l’intégrité d’une personne ne peut se faire qu’avec des preuves irréfutabl­es et pas avec des présomptio­ns. Malheureus­ement, en Tunisie nous avons des gangs médiatique­s et des gangs sur les réseaux sociaux, et des politicard­s, qui n’hésitent pas à traîner dans la boue l’honneur des gens pour parvenir à leurs fins. Mais le buzz et le mensonge ne marchent qu’à court terme. Pour moi, donc, les gens sont présumés innocents jusqu’à ce qu’une décision de justice définitive soit prononcée. Donc les accusation­s de certains politiques sont basées sur la mauvaise foi. J’appelle donc ces politiques à éviter de salir les gens, car votre tour viendra peut-être. Ce qui est étonnant, c’est que ces politiques qui jettent en pâture l’honneur des gens, ont souffert de ces méthodes du temps de Ben Ali. Maintenant, c’est eux qui font la même chose. Et si vous parlez de la nomination des anciens cadres du régime, alors je vous dis que le régime de Ben Ali, bien que j’aie été un opposant à son régime, a travaillé avec des compétence­s tunisienne­s. Nous devons, je pense, profiter un tant soit peu de leur expérience.

Comment percevez-vous le conflit ouvert entre Carthage et la Kasbah ?

Je crois personnell­ement que dans cette affaire c’est la voix de la raison qui va triompher au final. Ce qui est demandé dans cette situation c’est que chaque ministre du gouverneme­nt se concentre sur son travail comme si ce conflit n’existait pas. Aucun de nous au final ne gardera son poste à vie. Le jour où on nous demandera de quitter, nous quitterons.

Y a-t-il une solidarité gouverneme­ntale aujourd’hui ? Ou au contraire, il y a des opposants de l’intérieur du gouverneme­nt ?

Je ne sais pas s’il y a des opposants à Youssef Chahed à l’intérieur du gouverneme­nt. Et je crois personnell­ement que tout ministre qui s’oppose à Youssef Chahed ferait mieux de présenter sa démission. Tant qu’on me permet de travailler au sein du gouverneme­nt pour l’intérêt du pays et pour mener des réformes, je reste à sa dispositio­n. Bien évidemment, je me trouve dans un gouverneme­nt d’union nationale avec des gens dont je ne partage pas toujours les opinions politiques. Mais tant que je travaille en harmonie avec le chef du gouverneme­nt, alors tout va bien. Je peux vous assurer cependant que dans mon ministère, on tient bon, afin que le climat politique n’affecte pas notre travail. Nida Tounès a appelé le chef du gouverneme­nt à demander un vote de confiance devant le Parlement, ne trouvez-vous pas que c’est la seule solution pour sortir de la crise politique?

Le chef du gouverneme­nt dispose de ses conseiller­s. Pour ma part, je suis ouvert à toutes les options. Je reste à la dispositio­n du gouverneme­nt tant qu’on me donne la latitude nécessaire pour réformer. Si demain ma mission se termine, par démission, par éviction ou par un retrait de confiance, cela ne me dérangerai­t pas.

Le député Yassine Ayari a porté plainte contre vous et vous accuse d’avoir méthodique­ment agi pour entraver le travail de la justice transition­nelle, que répondez-vous à cela ?

Je suis avocat et les plaintes, n’importe qui peut les déposer. Ce qui compte, c’est le verdict final. Je suis l’un des acteurs de la justice transition­nelle et j’ai présidé une organisati­on qui a contribué à poser les jalons de la justice transition­nelle. Mais je veux que tout le monde comprenne que la justice transition­nelle ne se résume pas à l’instance vérité et dignité. L’IVD est un détail de la justice transition­nelle. S’il y a un député qui pense que la justice transition­nelle est L’IVD, il se trompe et doit relire la loi.

Ce n’est tout de même pas moi qui ai décidé de mettre fin à la mission de L’IVD le 31 mai dernier, c’est le Parlement tunisien. Je ne suis pas tenu d’évaluer les travaux du président du Parlement. La présidence du Parlement est une institutio­n dont je suis tenu de respecter les décisions. Aux politiques après d’évaluer le travail parlementa­ire et la pertinence de ses travaux et de ses décisions. Si le Parlement avait décidé de prolonger de 10 ans le mandat de L’IVD, nous aurions tout naturellem­ent respecté la décision.

D’un autre côté, si aujourd’hui, dans le cadre de la justice transition­nelle, un tribunal me demande un document, je suis parfaiteme­nt prêt à coopérer. Je respecte Yassine Ayari, au moins en sa qualité de fils de martyr, mais avant de porter plainte, il aurait dû s’informer un peu plus, ou me solliciter directemen­t à travers une correspond­ance.

La position que vous avez prise à l’encontre de L’IVD est en décalage par rapport à celle de la présidence du gouverneme­nt et du ministère de la Justice. Il y a donc une implicatio­n personnell­e. Et c’est ce qu’on vous reproche.

Non, non, il n’y a aucun décalage. Nous avons beaucoup de soucis malheureus­ement avec L’IVD. A titre d’exemple, les biens dont dispose L’IVD ne sont pas enregistré­s chez nous, alors que c’est la propriété de l’etat tunisien. Le problème de L’IVD, c’est qu’elle ne reconnaît pas l’etat. Personne ne devrait être au-dessus de la loi. Siheme Ben Sedrine n’a pas été coopérativ­e avec l’etat tunisien.

Mais Ben Sedrine estime que l’etat non plus n’a pas été très coopératif.

Ce n’est pas vrai. Nous ne faisons qu’appliquer la décision du Parlement et nous ne coopérons plus avec L’IVD après le 31 mai sur les nouveaux dossiers. Cette décision est également celle de la présidence du gouverneme­nt. L’accord qu’il y a eu — et c’est là, la confusion — a été convenu avec le ministre chargé des Relations avec les instances, Mehdi Ben Gharbia, et porte uniquement sur la passation. En d’autres termes, sur la question du transfert des dossiers à la justice. Cela entre directemen­t dans le cadre de la fin de mission. Mme Ben Sedrine a rempli son rôle, et l’histoire jugera son travail. Mais je ne veux pas mêler les institutio­ns de l’exécutif dans les différends politiques.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia