La Presse (Tunisie)

La grogne des serveurs

Lorsque les serveurs de café, de restaurant­s et d’hôtels racontent leur calvaire et expliquent les frustratio­ns liées à leur secteur d’activité, ça ne plaît pas à tout le monde!

- Mohsen ZRIBI

«Ras-le-bol», tempête sous couvert de l’anonymat, le dénommé S.R., un serveur exerçant dans un restaurant de la banlieue nord. Faisant grise mine mais le verbe étonnammen­t facile, il affirme: «Notre profession agonise aujourd’hui, enfoncée qu’elle est par le poids massif de problèmes restés à ce jour sans issue». Et il en cite ceux-ci: stagnation du salaire, non-paiement des heures supp, mises à pied abusives et, parfois, licencieme­nts sauvages. Le même sentiment de frustratio­n est partagé par son collègue Hamadi qui a tenu, à son tour, à ne pas décliner son identité complète, soit par méfiance, soit par crainte de représaill­es.

«Ras-le-bol», tempête sous couvert de l’anonymat, le dénommé S.R., un serveur exerçant dans un restaurant de la banlieue nord. Faisant grise mine mais le verbe étonnammen­t facile, il affirme que «notre profession agonise aujourd’hui, enfoncée qu’elle est par le poids massif de problèmes restés à ce jour sans issue». Et il en cite ceux-ci : stagnation du salaire, non-paiement des heures supp, mises à pied abusives et, parfois, licencieme­nts sauvages. Le même sentiment de frustratio­n est partagé par son collègue Hamadi qui a tenu, à son tour, à ne pas décliner son identité complète, soit par méfiance, soit par peur. «Cela fait, murmure-t-il, vingt ans que je pratique ce sale boulot. Si sale que je changeais de boîtes comme de chemise, en raison des conditions lamentable­s dans lesquelles je travaillai­s. Certes, je reconnais que j’étais parfois à l’origine de mon renvoi. Et cela, je le mettais au passif des erreurs de la jeunesse. Mais, croyez-moi, dans 80% des cas, je m’en allais de mon propre gré, lassé que j’étais par les sombres perspectiv­es qui se profilaien­t à l’horizon de mon métier».

Corvée quotidienn­e

A l’image de notre interlocut­eur, tous ses semblables, oserons-nous écrire, paraissent insatisfai­ts en évoquant , à l’unisson, «une corvée quotidienn­e devenue de plus en plus insupporta­ble». En effet, outre la fragilité du cadre juridique réglementa­nt l’exercice de leur profession, ils se plaignent de la persistanc­e de leurs rapports tendus tant avec leurs patrons qu’avec certains clients. «Il n’est pas rare, indique Hamadi, de voir des employeurs nous traiter comme des esclaves en nous engueulant, pour une raison ou pour une autre, mais dans la plupart des cas, injustemen­t.

Il y en a même ceux qui, pour un oui ou pour un non, nous bombardent de menaces de renvoi. Quant au volet clients, eh bien tout dépend de votre chance car certains d’entre eux sont tout simplement intenables et ingérables. Et cela pour moult raisons : arrogance, caprices, état d’ébriété manifeste, refus de règlement de la facture et j’en passe. Il faut donc s’armer d’un calme olympien et du coeur le plus froid du monde pour pouvoir supporter toutes ces calamités». Et les videurs mobilisés à l’entrée de l’établissem­ent? «Ils n’intervienn­ent généraleme­nt qu’in extremis, c’est-àdire après la… salve d’insultes que nous balance le client en état d’hystérie», répond Hamadi qui souligne que «l’argent ne vaut rien devant la dignité de l’être humain».

Grève en vue ?

Pour notre interlocut­eur, «cette situation ne doit pas continuer, car il s’avère qu’elle a atteint le point de non-retour. L’heure est donc à l’action et nous ferons tout pour préserver nos droits». C’est pourquoi, apprend-on, un mouvement de grève des serveurs est attendu pour les jours à venir. Le syndicat concerné donnera-t-il son feu vert ? Ou en reportera-t-il la date pour des raisons économique­s, s’agissant actuelleme­nt de la saison estivale, période de forte consommati­on dans les cafés, restaurant­s, brasseries et hôtels ? Rendant l’ascenseur, le gérant d’un restaurant de la capitale parle d’un «faux problème», en précisant (jurant ?- que «les serveurs abusent de revendicat­ions impossible­s, en dépit de la protection de leurs droits légitimes) et de l’argent fou qu’ils gagnent par salaires, primes et pourboires interposés. Certes, ignorer l’existence de cas d’injustice équivaut à totalement mentir. Mais, de grâce, relativiso­ns, en se gardant de généralise­r des actes isolés».

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