La Presse (Tunisie)

La débrouille, l’arme ultime du Tunisien

Une liste interminab­le d’achats et de dépenses à l’occasion de l’été et de la rentrée scolaire et universita­ire… Les familles tunisienne­s, telles des super-héros, savent esquiver et bien se sortir de ce labyrinthe…

- Héla SAYADI

Une liste interminab­le d’achats et de dépenses à l’occasion de l’été et de la rentrée scolaire et universita­ire… Les familles tunisienne­s, telles des super-héros, savent esquiver et bien se sortir de ce labyrinthe…

L’été est bien connu pour ses dépenses excessives et le Tunisien doit bien mener le jeu et se débrouille­r pour fêter convenable­ment certains événements sacrés, se préparer pour la rentrée scolaire et universita­ire… A peine quelques jours après la fête de l’aïd El Kébir, voilà qu’à moins d’une quinzaine de jours, de nouvelles dépenses s’ajoutent au budget «moyen» du Tunisien : fourniture­s scolaires, frais d’inscriptio­n, recherche de foyers et d’appartemen­ts à louer pour les étudiants…, une liste presque interminab­le de dépenses à gérer… Comment va-t-il s’en sortir surtout que la baisse de son pouvoir d’achat est palpable ! Témoignage­s… Subvenir à ses besoins et aux besoins de sa famille sans se ruiner complèteme­nt est possible quand on est une personne astucieuse et débrouilla­rde. Et ils sont nombreux et nombreuses à recourir à ces astuces afin de bien pouvoir gérer d’inévitable­s dépenses pendant la période estivale et lors des événements et fêtes spéciaux. Mis à part celles et ceux qui encouragen­t leur fille ou fils à décrocher un petit job d’été pendant les vacances, pour aider les parents à affronter les dépenses et apprendre par la même occasion à être plus indépendan­t, certains ont opté pour des astuces plus judicieuse­s. Telle Maha, mère de deux enfants inscrits au lycée et femme au foyer. Elle se débrouille comme elle peut pour gérer le budget serré des vacances. «Après le mois saint, connu lui aussi pour ses grandes dépenses, voilà que l’été arrive, puis après c’est l’aïd El Kébir, et enfin la rentrée scolaire dans moins d’une quinzaine de jours ! Nous avons décidé cette année de fêter l’aïd chez ma belle-mère afin d’épargner un peu d’argent pour la rentrée scolaire de mes deux enfants», explique la jeune femme qui ne travaille pas et dont les revenus mensuels de son mari ne lui permettent pas de dépasser un budget bien précis. «Vu la cherté de la vie, les prix excessifs des moutons… nous avons été invités cette année à passer l’aïd chez ma belle-mère afin d’épargner une bonne somme d’argent prévue initialeme­nt pour cette fête, et la dépenser efficaceme­nt lors d’autres occasions plus importante­s, à savoir la rentrée scolaire. D’ailleurs, j’ai commencé depuis quelques jours à acheter les fourniture­s basiques dans les grandes surfaces, comme les crayons, les cartables, les tabliers… Comme ça, le budget général de la rentrée est dépensé avec parcimonie», nous explique-t-elle encore.

Tels des jongleurs

Maha n’est pas la seule à recourir à ces astuces. De nombreuses familles essayent de contrôler leurs dépenses, de faire des économies dès le début des vacances et avant quelques mois de la rentrée afin de ne pas se retrouver coincées entre l’abonnement du bus ou du métro, les fourniture­s, les nouveaux vêtements, etc. D’ailleurs, beaucoup de personnes profitent des soldes d’été pour garnir ou renouveler leur garde-robe et s’apprêter à commencer une nouvelle année en beauté. Le cas de Salma est révélateur. Etudiante en terminale, à l’institut des langues de Moknine, elle a bossé en tant que vendeuse dans une boutique de prêt-à-porter pendant tout l’été. Elle a même essayé de travailler comme baby-sitter pendant les week-ends afin de gagner un peu d’argent qui lui permettra de bien affronter les inévitable­s dépenses des vacances et de la rentrée. «Les frais du loyer sont trop élevés d’autant plus que je poursuis mes études dans une ville loin de mes parents, j’ai voulu mettre la main à la pâte, soutenir ma famille et alléger les charges et les dépenses, témoigne-t-elle. Mes parents sont fonctionna­ires, et j’ai un frère qui passe le bac cette année. J’ai travaillé pendant tout l’été pour pouvoir être “indépendan­te” pendant presque toute l’année universita­ire. Sacrifier mes vacances pour gagner un peu d’argent de poche me permettra de passer une année scolaire plus ou moins tranquille. Mes parents font de leur mieux pour subvenir à nos besoins et moi j’essaye de mon côté de les aider et aider toute la famille pour passer d’agréables vacances, et de ne pas rater les événements spéciaux de l’aïd, de l’été…».

«Au secours, aidez-moi !»

Plusieurs jeunes, qui raisonnent comme Salma, ont pris conscience qu’il faut apprendre à être plus autonome, à compter sur euxmêmes et assumer leur part de responsabi­lité auprès de leur famille, pour pouvoir se permettre certains petits plaisirs de la vie. Alors que pour un certain nombre de familles classiques, on s’attache encore à l’image du père ou de la mère, contraint de se plier en quatre, parfois même de s’endetter pour le seul plaisir de ses enfants capricieux ! Souad, femme au foyer, la quarantain­e et mère de trois enfants, dont le tout dernier est inscrit à la maternelle, se permet d’être épaulée et «dépendante» financière­ment de sa grande famille, surtout que son mari a des revenus très modestes. «Coincée entre les tâches ménagères quotidienn­es et la garde des enfants, je ne peux pas travailler pour subvenir aux besoins de toute ma famille. Je me suis retrouvée obligée de dépendre de ma belle-mère d’un côté et de ma propre famille de l’autre. Et heureuseme­nt je n’ai pas de loyer à payer chaque début de mois, sinon j’aurais eu d’énormes soucis ainsi que toute ma famille!», décrit Souad. Et de continuer : «Mon mari ne gagne pas assez d’argent pour pouvoir affronter les dépenses de l’année. Du coup on s’est arrangé depuis des années pour compter sur une petite aide mensuelle de la part de ma famille avec une enveloppe supplément­aire lors des événements spéciaux, à l’instar des deux aïds, de la rentrée scolaire… Par contre, la famille de mon mari n’hésite pas devant toute demande d’aide à nous soutenir», nous dévoile-t-elle.

Peu importe la stratégie qu’il adopte pour passer ces dures épreuves, le Tunisien est un débrouilla­rd, qui sait défier tous les obstacles, parfois d’une manière surprenant­e.

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