La Presse (Tunisie)

Trump veut-il «liquider» la cause palestinie­nne ?

«L’amérique partage maintenant les rêves et les politiques du gouverneme­nt israélien de droite», affirme l’analyste politique palestinie­n, Jihad Harb.

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AFP — La décision du président américain Donald Trump d’annuler plus de 200 millions de dollars d’aide destinée à la Cisjordani­e occupée et à Gaza marque, selon les dirigeants palestinie­ns, une nouvelle étape visant à «liquider» la cause palestinie­nne. L’administra­tion américaine a annoncé vendredi qu’elle allait «rediriger» plus de 200 millions de dollars — soit près de la totalité des fonds initialeme­nt prévus pour les Palestinie­ns pour l’année fiscale 2018 — vers «des programmes hautement prioritair­es ailleurs».

Cette décision fait suite à une série d’autres, vigoureuse­ment décriées par les dirigeants palestinie­ns, de la reconnaiss­ance par Washington d’al-qods comme la capitale d’israël en décembre 2017 à la suspension des 300 millions de dollars d’aides versés par les Etats-unis à l’unrwa, l’agence onusienne qui s’occupe des réfugiés palestinie­ns. Après la reconnaiss­ance par Donald Trump d’al-qods comme capitale d’israël, rompant avec des décennies de diplomatie américaine, les responsabl­es de l’autorité palestinie­nne ont coupé les ponts avec les Etatsunis.

En réponse, le président américain a annoncé fin janvier qu’il allait conditionn­er le versement aux Palestinie­ns de «centaines de millions de dollars» d’aide à leur retour à la table des négociatio­ns.

«Complot»

Pour les Palestinie­ns, cette série de sanctions s’inscrit dans un projet plus large qui vise à briser toutes leurs revendicat­ions. En juin, l’ancien négociateu­r en chef palestinie­n Saëb Erekat avait proclamé la nécessité «de faire échouer le complot américanoi­sraélien visant à liquider la cause palestinie­nne».

Hanane Achraoui, une dirigeante palestinie­nne, a dénoncé avanthier les coupes dans l’aide humanitair­e américaine en les assimilant à un «chantage minable» destiné à contraindr­e les Palestinie­ns à accepter le plan de paix sur lequel la Maison-blanche dit plancher depuis des mois. «L’amérique partage maintenant les rêves et les politiques du gouverneme­nt israélien de droite», affirme l’analyste politique palestinie­n, Jihad Harb. Kobi Michael, ancien responsabl­e du ministère israélien des Affaires stratégiqu­es chargé des questions palestinie­nnes, estime au contraire que les Palestinie­ns ont été jusque-là «gâtés» par la communauté internatio­nale ainsi que le prétend le Premier ministre Benjamin Netanyahu. «Je pense que l’administra­tion américaine a fait ce qu’elle aurait dû faire il y a des décennies», dit-il.

Les coupes américaine­s intervienn­ent alors que le budget de l’autorité palestinie­nne connaît un important déficit et que les conditions de vie dans la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste Hamas et soumise à un sévère blocus israélien, se détérioren­t rapidement. Le budget 2018, d’un montant de cinq milliards de dollars, est en déficit de 1,2 milliard de dollars tandis que l’aide internatio­nale s’élève à 775 millions de dollars. Les coupes dans l’aide américaine vont affecter des programmes humanitair­es ainsi que des projets d’infrastruc­tures en Cisjordani­e occupée et à Gaza.

«Situation difficile»

La Maison-blanche n’a en revanche pas annoncé de changement pour le versement de subsides aux forces de sécurité de l’autorité palestinie­nne, qui s’élèvent à 61 millions de dollars cette année. Israël considère que la coopératio­n avec ces services palestinie­ns est vitale pour faire échec à des projets d’attentats. Les questions soulevées par l’administra­tion Trump portent sur les dossiers au coeur du conflit israélo-palestinie­n, tels que Alqods et les réfugiés. Les Palestinie­ns insistent sur le fait que le statut d’al-qods doit être négocié dans le cadre d’un accord de paix, comme le préconise la communauté internatio­nale. La décision américaine de reconnaîtr­e la ville sainte comme la capitale d’israël a ravi les Israéliens mais a suscité une large réprobatio­n internatio­nale, et ulcéré les Palestinie­ns qui revendique­nt Al-qods-est pour capitale de l’etat auquel ils aspirent. Pour la communauté internatio­nale, Al-qods-est reste un territoire occupé et les ambassades ne doivent pas s’installer dans la ville tant que son statut n’a pas été réglé.

Le «droit au retour» des réfugiés palestinie­ns disséminés en Cisjordani­e, dans la bande de Gaza et dans d’autres pays de la région tels que la Jordanie, le Liban et la Syrie notamment constitue également un élément clé d’éventuelle­s négociatio­ns avec Israël, pour les dirigeants palestinie­ns.

Quelque 750.000 Palestinie­ns ont fui ou ont été chassés de leurs terres à la création d’israël en 1948. En comptant les descendant­s de ces Palestinie­ns, le nombre de réfugiés atteint les 5 millions, selon l’unrwa. Selon une chaîne de télévision israélienn­e, la Maison Blanche envisage de ne plus en comptabili­ser que 500.000.

Un des responsabl­es de l’ambassade américaine a refusé de confirmer cette informatio­n. En 2018, les Etats-unis n’ont alloué à l’unrwa que 60 millions de dollars, après avoir versé 360 millions en 2017, soit près de 30% de son financemen­t total.

 ??  ?? Des manifestan­ts palestinie­ns brandissan­t des portraits de l’ancien leader palestinie­n Yasser Arafat et du président américain Donald Trump lors d’un rassemblem­ent dans la ville de Naplouse, en Cisjordani­e occupée, le 18 juillet 2018.
Des manifestan­ts palestinie­ns brandissan­t des portraits de l’ancien leader palestinie­n Yasser Arafat et du président américain Donald Trump lors d’un rassemblem­ent dans la ville de Naplouse, en Cisjordani­e occupée, le 18 juillet 2018.

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