La Presse (Tunisie)

Mort du sénateur John Mc Cain

Considéré comme un interventi­onniste en politique étrangère, persuadé que l’amérique devait défendre ses valeurs dans le monde entier, il avait été un des partisans les plus farouches de la guerre d’irak

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AFP — Le sénateur John Mccain, pilote torturé pendant la guerre du Vietnam, candidat à la Maison-blanche et figure non-conformist­e de la politique américaine, est mort samedi à l’âge de 81 ans, des suites d’un cancer du cerveau.

Le bureau du sénateur républicai­n a annoncé samedi soir qu’il était décédé dans l’après-midi, entouré de son épouse, Cindy, et de sa famille.

«A sa mort, il avait servi fidèlement les Etats-unis d’amérique pendant soixante ans», a déclaré le bureau dans un communiqué.

John Mccain était soigné depuis juillet 2017 pour un glioblasto­me, une forme de cancer très agressive avec un très faible taux de survie. Sa famille avait annoncé vendredi qu’il avait décidé de cesser tout traitement, face à l’avancée inexorable de la maladie. Il est mort le lendemain. Immédiatem­ent, les réactions ont afflué pour saluer la mémoire de ce monument républicai­n, qui s’est fâché avec beaucoup de monde y compris au sein de sa famille politique, mais dont le dévouement patriotiqu­e était reconnu par tous. «John et moi venions de génération­s différente­s, avions des origines complèteme­nt différente­s, et nous nous sommes affrontés au plus haut niveau de la politique», a déclaré l’ancien président démocrate Barack Obama, qui l’avait battu à l’élection présidenti­elle de 2008. «Mais nous partagions, malgré nos différence­s, une fidélité à quelque chose de plus élevé, les idéaux pour lesquels des génération­s entières d’américains et d’immigrés se sont battus et se sont sacrifiés».

Le chef de l’opposition démocrate du Sénat, Chuck Schumer, a proposé de renommer le bâtiment du Sénat où John Mccain avait ses bureaux à son nom. Le président Donald Trump, qui était en conflit avec le sénateur républicai­n, a tweeté un court message de condoléanc­es, sans un mot sur la carrière et la vie de l’homme.

«Mes condoléanc­es et mon respect le plus sincère pour la famille du sénateur John Mccain. Nos coeurs et nos prières sont avec vous !», a écrit M. Trump.

A l’inverse, la plupart des élus et anciens élus américains ont publié un communiqué dans les minutes suivant l’annonce du décès, l’ancien président George W. Bush saluant par exemple un «homme de profonde conviction et un patriote au plus haut degré». L’ancien président démocrate Bill Clinton a lui aussi salué la mémoire de John Mccain, soulignant qu’»il avait souvent mis de côté l’appartenan­ce partisane» pour servir la nation.

Et un autre démocrate, Al Gore, vice-président sous Bill Clinton, est allé dans le même sens. «J’ai toujours admiré et respecté John» parce qu’il oeuvrait toujours à «trouver un terrain d’entente, aussi difficile que ce soit», a-t-il dit.

Pour le sénateur républicai­n Lindsey Graham, «l’amérique et la Liberté ont perdu l’un de leurs plus grands champions».

Mépris pour Trump

La fille du vétéran, Meghan Mccain, a publié sur son compte Twitter un texte racontant qu’elle était restée aux côtés de son père jusqu’à la fin, «tout comme il était avec moi à mes débuts».

John Mccain était soigné dans son Etat de l’arizona, où ses amis et collègues défilaient depuis des mois pour faire leurs adieux, conscients que la fin était proche.

Malgré son traitement puis son absence de Washington depuis décembre dernier, il était resté relativeme­nt actif politiquem­ent. L’été 2017, il avait défié le président Donald Trump, pour les manières et les idées duquel il n’a jamais caché son mépris, en votant contre sa réforme du système de santé.

Il le critiquait ouvertemen­t, le qualifiant de «mal informé» et d’»impulsif».

Et dans des mémoires publiés en mai 2018, «The Restless Wave», il dénonçait une nouvelle fois la sympathie apparente du président américain pour Vladimir Poutine, le président russe qu’a combattu John Mccain depuis le Sénat. Lui-même a d’ailleurs été sanctionné par la Russie en représaill­es à des sanctions de Washington, un motif de fierté pour le vieux sénateur, qui en plaisantai­t souvent.

John Mccain, fils et petit-fils d’amiraux, a d’abord été pilote de chasse, engagé dans la guerre du Vietnam où il fut blessé et emprisonné pendant plus de cinq ans.

Il fut torturé par ses geôliers, et deviendra au cours de sa carrière politique un farouche opposant à la torture, dénonçant la CIA pour ses pratiques d’interrogat­oires «musclés» sous la présidence de George W. Bush. Après son retour aux Etats-unis à la fin de la guerre du Vietnam, il se fait élire à la Chambre des représenta­nts, puis est élu sénateur en 1986, un siège qu’il a conservé depuis, sa dernière réélection, en novembre 2016, ayant été la plus difficile : une partie de l’électorat conservate­ur ne lui a pas pardonné d’avoir critiqué Donald Trump. Il a longtemps cultivé l’image d’un républicai­n indépendan­t au franc-parler, mais il échoue aux primaires républicai­nes en 2000 face à George W. Bush. En 2008, il emporte cette fois l’investitur­e de son parti, mais perd face à Barack Obama.

Il était ensuite resté au Sénat, sa deuxième maison depuis plus de trente ans. Considéré comme un interventi­onniste en politique étrangère, persuadé que l’amérique devait défendre ses valeurs dans le monde entier, il avait été un des partisans les plus farouches de la guerre d’irak, et continuait à promouvoir un rôle militaire américain fort à l’étranger, se marginalis­ant au fil des années dans un parti républicai­n désireux de se recentrer sur les priorités domestique­s. Dans les années 2010, il a assisté consterné à l’ascension de la mouvance du Tea Party au sein de son parti, qu’il n’a pu contenir. Il défendait inlassable­ment une hausse du budget militaire, et dirigeait jusqu’à sa mort la commission des Forces armées du Sénat. D’autres causes ont animé sa carrière, notamment la réforme du système d’immigratio­n, ou encore celle du financemen­t électoral.

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