La Presse (Tunisie)

« Il faut, maintenant, accélérer la cadence »

SIMON C.O’MEALLY, SPÉCIALIST­E PRINCIPAL DE LA GOUVERNANC­E ET DE LA GESTION DU SECTEUR PUBLIC AU SEIN DE LA BANQUE MONDIALE

- M.S.

Avant d’engager les démarches du projet «Open Data», il y a une étude qui a été faite par la Banque mondiale qui dresse l’état des lieux de la gouvernanc­e en Tunisie, en matière d’ouverture des données. Quels sont les principaux résultats de cette étude ?

Le projet «Open Data» est un projet élaboré dans le cadre du programme de partenaria­t pour un gouverneme­nt ouvert, auquel la Tunisie s’est inscrite en 2012 pour mettre sur pied une administra­tion transparen­te, inclusive et moderne qui sied à la nouvelle donne socioécono­mique et qui répond aux exigences du nouveau contrat social. Ce programme bénéficie de l’assistance technique de la Banque mondiale qui fournit des experts internatio­naux pionniers en la matière. L’étude, en effet, s’appelle en anglais «Open Data Readiness Assessment». Elle dresse l’état des lieux de l’administra­tion tunisienne en matière d’ouverture de données, en soulevant les points forts qu’il faut consolider et les points faibles à pallier. Ce que nous avons constaté, c’est que la Tunisie a enregistré des avancées considérab­les, notamment en adoptant la loi organique relative au droit d’accès aux données. Sur le plan législatif, la Tunisie dispose de l’un des meilleurs cadres juridiques à l’échelle mondiale. Aussi, nous avons relevé l’avancée dans la mise en oeuvre du projet Open Data, avec la mise sur pied de l’instance d’accès aux données et le lancement du programme des formations pour sensibilis­er les fonctionna­ires sur l’importance de la transparen­ce de l’administra­tion. Cela dit, il reste beaucoup à faire, notamment en matière d’applicatio­n technique. Un travail colossal doit être effectué pour dresser un inventaire, établir une base de données triées par secteur qui sera diffusée en ligne. Mais, également, il faudra consolider la volonté au niveau de la sphère politique pour instaurer une administra­tion moderne et transparen­te.

Sommes-nous encore à la phase initiale ?

A vrai dire, je pense que la Tunisie a dépassé la phase du démarrage. Durant ces sept dernières années, un travail énorme a été fait. L’adoption de la loi organique relative au droit d’accès aux données est une étape décisive et qui nécessite beaucoup d’efforts. Et la Tunisie a réussi cette étape, en rédigeant une des meilleures lois au monde. Aussi, des consultati­ons auprès des divers ministères sont réalisées, des objectifs en la matière ont été fixés. L’on a commencé à mettre en place des systèmes et des requêtes. Nous avons remarqué que le nombre de requêtes a augmenté de manière significat­ive après 2015. La manière avec laquelle l’administra­tion est en train de répondre à ces requêtes s’est également améliorée. Donc, en substance, on peut dire que les fondements pour un gouverneme­nt ouvert ont été mis sur les rails. Maintenant, il faut continuer, voire accélérer, la cadence de la mise en place, pour qu’il y ait un impact palpable et visible sur les citoyens et que le travail porte ses fruits.

Vous voulez dire que la culture de l’ouverture des données n’est pas encore ancrée dans le milieu administra­tif.

Il est notoire que l’instaurati­on d’un Etat transparen­t est un processus long et difficile. Ce n’est pas forcément un parcours linéaire, c’est valable pour tous les pays. Il est vrai que pour la Tunisie, cela demande plus d’efforts et plus de travail, vu la transition démocratiq­ue par laquelle le pays est en train de passer. Le fait que l’administra­tion tunisienne passe, après des décennies de fermeture, d’une administra­tion structurée suivant une bureaucrat­ie mécaniste, à une administra­tion ouverte, nécessite forcément un travail imposant. En 2011 et 2012, une forte réticence de la part des administra­teurs et des politiques a été observée, en ce qui concerne l’ouverture des données. Actuelleme­nt, cette attitude a beaucoup changé. Et il est également impression­nant de voir des directions et des unités, à l’instar de l’unité de l’administra­tion électroniq­ue à la présidence du gouverneme­nt, qui travaillen­t et qui poussent vers ce changement de mentalité. D’ailleurs, c’est pour cette raison que nous avons préconisé des sessions de formation pour sensibilis­er les fonctionna­ires de l’impact socioécono­mique de l’ouverture des données et la diffusion de l’informatio­n. Je pense qu’il faut être plus optimiste pour la Tunisie, parce qu’il y a un véritable changement qui est en train de se faire.

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