La Presse (Tunisie)

Naypyidaw rejette le rapport de L’ONU

Le document du Conseil des droits de l’homme a qualifié les exactions militaires à l’encontre des musulmans rohingyas de «génocide»

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AFP — La Birmanie a rejeté hier le rapport des enquêteurs de L’ONU accusant son armée de «génocide» à l’encontre des musulmans rohingyas, défiant la communauté internatio­nale au lendemain d’une réunion du Conseil de sécurité marqué par un vibrant plaidoyer de l’actrice Cate Blanchett. Plusieurs pays, dont les Etats-unis, y ont soutenu l’idée de poursuites judiciaire­s internatio­nales contre les responsabl­es militaires birmans, après la publicatio­n lundi du rapport du Conseil des droits de l’homme de L’ONU.

«J’ai entendu les récits déchirants, les récits de torture, de femmes brutalemen­t violées, de personnes dont les proches ont été tués sous leurs yeux. Des enfants qui ont vu leurs grands-parents enfermés dans des maisons ensuite incendiées», a déclaré, devant le Conseil de sécurité de L’ONU à New York, l’actrice australien­ne Cate Blanchett, ambassadri­ce de bonne volonté du Haut commissari­at aux réfugiés qui s’est rendue dans la région en mars.

Le gouverneme­nt birman, par la voix de son porte-parole Zaw Htay, a lui répondu ne «pas avoir autorisé la MEF (Mission d’établissem­ent des faits de L’ONU) à entrer en Birmanie».

«C’est pourquoi nous n’acceptons aucune résolution du Conseil des droits de l’homme», a-t-il poursuivi, dans des propos publiés hier par le journal officiel Global New Light of Myanmar.

Le porte-parole a alors appelé à la création d’une «Commission d’enquête indépendan­te» par la Birmanie pour répondre aux «fausses allégation­s des agences de L’ONU».

Selon les enquêteurs de L’ONU, les principaux généraux de Birmanie, y compris le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, devraient faire l’objet de poursuites internatio­nales pour «génocide» contre les Rohingyas, dont plus de 700.000 ont fui au Bangladesh après une offensive de l’armée birmane en août 2017 lancée en représaill­es d’attaques de rebelles rohingyas. Le gouverneme­nt civil de la Prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, s’accroche donc à la ligne qui a été la sienne depuis août 2017: défendre les militaires, force politique puissante avec laquelle l’ancienne dissidente tente de composer depuis son arrivée au pouvoir début 2016.

Aung San Suu Kyi elle-même s’est abstenue jusqu’ici de tout commentair­e sur le rapport des experts de L’ONU publié lundi, qui déplore qu’elle n’ait pas utilisé son «autorité morale» dans la crise et que son gouverneme­nt ait nié tout problème et empêché l’enquête de L’ONU.

Quelle suite ?

Le Conseil de sécurité est néanmoins resté vague sur la suite à donner aux accusation­s de «génocide» de ce rapport onusien. Dans leur rapport, les experts de L’ONU appellent le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internatio­nale par le biais d’une résolution ou à créer un tribunal internatio­nal ad hoc, comme pour le Rwanda ou l’ex-yougoslavi­e.

Mais la probabilit­é d’une résolution sur le «génocide» rohingya est faible, la Chine et la Russie risquant d’y mettre un veto.

«Les faits de nettoyage ethnique contre les Rohingyas doivent être décrits et entendus», a cependant insisté l’ambassadri­ce américaine à L’ONU, Nikki Haley. Le porte-parole du gouverneme­nt birman, Zaw Htay, s’est également insurgé contre la décision de Facebook — critiqué par les enquêteurs de L’ONU pour avoir permis la propagatio­n de discours haineux — de fermer la page du général Min Aung Hlaing, pour «violations des droits de l’homme». Zaw Htay a estimé que cette décision du géant américain nuisait aux efforts du gouverneme­nt birman pour promouvoir la «réconcilia­tion nationale».

A New York, l’ambassadeu­r birman auprès de L’ONU, Hau Do Suan, a lui aussi rejeté les conclusion­s du rapport onusien et mis en cause l’impartiali­té des enquêteurs. «Le moment choisi pour rendre public de manière hâtive ce rapport à la veille de la réunion du Conseil de sécurité soulève de sérieuses questions», alors que le document était attendu le 18 septembre, a-t-il relevé.

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