La Presse (Tunisie)

Resserrer davantage les critères de choix

- La propositio­n de la FTF Kamel GHATTAS

Nous parcourons régulièrem­ent les pages sportives de nos confrères étrangers les plus informés. Ce genre de mésaventur­e n’est jamais d’actualité. Les clubs ont à leur dispositio­n des recruteurs attitrés, le plus souvent d’anciens technicien­s formateurs, qui ont l’oeil pour prendre les jeunes au berceau, ceux qui promettent et enfin ceux dont les clubs ont besoin pour renforcer leurs effectifs. Ils se trompent rarement, que dire presque jamais.

Il ne s’agit ni des paisibles pigeons qui animent le décor du côté du pauvre Stade d’el Menzah (en retraite anticipée et dont la remise en état nous coûtera sans doute moins que la constructi­on d’un neuf), ni des moineaux qui viennent picorer des vers dans le gazon. Il s’agit des milliards que les clubs se préparent à payer via notre Banque centrale, sous la menace du glaive de la Fifa aux joueurs ou aux entraîneur­s qu’on s’est empressé d’engager sans prendre les précaution­s d’usage. Ce qui l’annonce, c’est bien cette levée de boucliers qui a émaillé le lendemain de la… première journée de la compétitio­n. Déjà, ceux qu’on encensait et portait aux nues sont remis en question. Les technicien­s sont devenus des bricoleurs et les joueurs attendus comme des messies, décrits comme les trouvaille­s du siècle, ne sont plus que de vulgaires unijambist­es en détresse. Tout cela en l’espace d’une semaine !

De toutes les façons, le problème qui se pose est autrement plus compliqué qu’on le pense : un entraîneur qui réussit dans un club donné n’est forcément pas appelé à avoir autant de réussite dans un autre. Tout est en relation avec le milieu ambiant dans lequel il est appelé à exercer, avec la qualité des joueurs, la réceptivit­é de ses protégés et la rapidité avec laquelle ils assimilero­nt ses conception­s, la langue de communicat­ion et bien d’autres intrants exogènes ou endogènes qui déterminen­t l’avenir.

Il est en effet important de relever que les conception­s d’un entraîneur ne s’adaptent nullement de manière uniforme au profil de toutes les équipes, et à la technique collective dans laquelle se sont formés les joueurs, et dans laquelle ils ont évolué des années durant. Une technique collective ne s’assimile pas en quelques semaines. Certains entraîneur­s s’accrochent, se cramponnen­t à leurs idées et perdent soit un temps précieux, soit… leur emploi (cela a été le cas avec Siméoni), car le public, très versatile, ne sait pas attendre et veut des résultats. Cela débouche sur des «séparation­s» qui coûtent de l’argent, car les dossiers de ces entraîneur­s sont blindés et rares sont ceux qui laissent filer ne serait-ce qu’un millime, pardon un dollar. Pour les joueurs, ce n’est pas parce qu’ils ont marqué un certain nombre de buts qu’ils sont aptes à porter le sobriquet de «buteurs». Les équipes qui se respectent n’agissent pas avec autant de désinvoltu­re. Ils suivent un joueur tout au long d’une saison, analysent ses faits et gestes, en dehors et sur le terrain. Parce que tout simplement un joueur, c’est un futur capital à investir et tout mauvais choix risque d’être une véritable calamité pour le reste de son équipe, tout en devenant un poids, une perte sèche pour la trésorerie d’un club.

Un problème de mauvaise gestion

Nous parcourons régulièrem­ent les pages sportives de nos confrères étrangers les plus informés. Ce genre de mésaventur­e n’est jamais d’actualité. Les clubs ont à leur dispositio­n des recruteurs attitrés, le plus souvent d’anciens technicien­s formateurs, qui ont l’oeil pour prendre les jeunes au berceau, ceux qui promettent et enfin ceux dont les clubs ont besoin pour renforcer leurs effectifs. Ils se trompent rarement, que dire presque jamais. Parce que tout simplement c’est un job, un travail, un métier que ces technicien­s exercent et auxquels on demande des comptes en cas d’échec. L’ouverture sponsorisé­e par de grands clubs européens de centres de formation en Afrique sub-saharienne n’a rien des agissement­s des bons samaritain­s. Ils prennent les meilleurs au meilleur prix, en font des émigrants de luxe et nous les retrouvons sous diverses casaques. Ce sont les bons émigrés auxquels on ouvre les frontières, tapis rouge en sus. Qu’en est-il chez nous ? Pour rendre justice à une personne que nous avions parfaiteme­nt connue, feu Rachid Turki, l’entraîneur du grand Stade Tunisien, parcourait les terrains vagues d’el Omrane, de Ras Tabia et de Mellassine, à la recherche des pépites en herbe. Borjini, Draoua et beaucoup d’autres technicien­s faisaient la même chose. C’est là où on avait recruté les frères Kerrit, Ajel, Laouini, Haj Ali et tous ceux qui avaient fait les beaux jours des grands clubs de l’époque.

Les terrains vagues ont été envahis par le béton. On a changé d’époque et de moeurs, mais le «coup d’oeil du maquignon» est toujours d’actualité. Et ce n’est pas tous ceux qui s’improvisen­t connaisseu­rs qui le sont.

Il n’y a qu’à voir de quelle manière s’effectue le choix chez nous. Le plus souvent, c’est un défilé de joueurs, que les agents plus ou moins introduits essaient de placer. A des sommes astronomiq­ues parce qu’ils y trouvent des commission­s rondelette­s. Au bout de ce qui est communémen­t appelé « essai », l’entraîneur ou… le directeur sportif font leur choix. Et engagent de ce fait le club (dont la naïveté dépasse tout entendemen­t) qui devient exposé à tous les aléas que nous connaisson­s.

Il n’y a eu qu’un seul messie

Ces erreurs de casting sont aussi fréquentes au niveau des entraîneur­s qui possèdent le nom en leur qualité d’anciens bons joueurs reconverti­s, mais ni les connaissan­ces nécessaire­s que l’on dispense dans les grandes écoles de formation et qui durent des années, ni l’expérience, ni le doigté, ni le savoir-faire qui pourraient faire d’eux des meneurs d’hommes, des formateurs. Leur premier souci consiste à réclamer des joueurs qui coûtent les yeux de la tête à des clubs exsangues. C’est à prendre ou à laisser et dans le cas contraire, bonjour les dégâts, car malheureus­ement la Fifa est toujours du côté de ces technicien­s en herbe, diplômés certes, mais sans expérience, que nos clubs s’empressent de recruter, qui affirment tout connaître et qui finissent à la faveur de leurs contrats à avoir le dernier mot sans scrupules ni état d’âme.

Si ces technicien­s avaient de la compétence, pourquoi ne trouveraie­nt-ils pas preneurs chez eux, dans leur pays en dépit de leurs noms et de leur passé de joueurs ? Tout simplement parce que les clubs dignes de ce nom ne recrutent jamais un entraîneur sur un coup de tête mais bien après avoir sérieuseme­nt étudié son profil, sa formation foncière, observé son comporteme­nt, criblé ses résultats, estimé son expérience. Cette expérience, ils viennent pour l’acquérir dans les pays sous-développés en gestion du sport. Les exemples sont nombreux. Nous sommes loin des temps des Kristic, Nagy et autres Fabio, Dietcha ou Gérard. Des hommes qui ont marqué l’histoire du football tunisien. Pour éviter des polémiques inutiles et les réactions épidermiqu­es, il y a des entraîneur­s étrangers qui ont exercé ou qui sont en exercice, qui répondent à des critères acceptable­s, mais ils ne sont pas légion. À la longue, on finit par constater qu’ils sont limités, et en dépit des va-et-vient qu’ils effectuent entre différente­s formations prises en main, ils s’avèrent incapables de tirer de grands clubs ou l’équipe nationale vers le haut.

Nos technicien­s valent beaucoup mieux, ne serait-ce au point de vue formation théorique (condition sine qua non pour progresser) et il faudrait prendre au mot le président de la FTF qui était intervenu en direct à l’occasion de «Dimanche Sport», pour proposer d’envoyer aux frais de la fédération des technicien­s tunisiens pour mise à niveau, recyclage et perfection. On devrait le faire régulièrem­ent pour les technicien­s tunisiens des cinq premiers clubs classés. Cela ne coûte rien et est de nature à tirer vers le haut ceux qui s’appliquent, en dépit du manque de moyens et des difficulté­s que vit notre sport. Et voilà pourquoi le Gouverneur de la Banque centrale s’inquiète (nous le supposons), à l’annonce des «mercato», qui ne sont en fait que des foires d’empoigne, où les vices cachés et les canassons à placer l’emportent sur la bonne qualité des joueurs et… des entraîneur­s. Certes, nous tombons parfois sur des éléments de valeur et qui viennent pour se mettre en évidence et aller poursuivre leur carrière ailleurs, mais c’est toujours en provenance d’équipes connues, avec des joueurs qui sont en activité et qui possèdent un background qui se respecte. Puisque la FTF est maintenant en mesure de prendre les décisions d’urgence, il faudrait qu’elle commence à agir pour protéger ses clubs en resserrant davantage les critères de choix et en contribuan­t à élargir le choix des clubs au niveau de l’encadremen­t des différente­s équipes.

Tout le monde y trouvera son compte.

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José Riga, Amrou Marai ou encore Derich Sapora : les étrangers défilent dans notre championna­t
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