La Presse (Tunisie)

Bilan de 25 ans de témoignage­s

L’atfd a élaboré un guide intitulé «Retour sur l’histoire pour un avenir sans violences à l’encontre des femmes». Des violences essentiell­ement économique­s, constituée­s de dépossessi­on de l’héritage et d’agressions sexuelles incestueus­es.

- Sabrine AHMED

La privation de l’héritage représente 4% des violences économique­s. Elles ne sont généraleme­nt pas le fait du partenaire intime, mais plutôt des frères et/ ou des enfants pour le cas des veuves. Il s’agit donc plus d’une violence de la famille élargie que d’une violence dans le couple. M. a travaillé toute sa vie à l’étranger, elle gagnait bien sa vie. Elle envoyait les trois-quarts de son salaire à ses parents afin qu’ils construise­nt une maison. La maison construite, elle a été enregistré­e au nom du père. Ses parents décèdent, elle retourne alors en Tunisie et s’y installe. Mais ses frères la chassent de la demeure et refusent même qu’elle occupe une des pièces de la maison construite grâce à ses revenus.

Violences sexuelles sur les enfants

L’associatio­n a eu à connaître de cas de viols incestueux et autres agressions sexuelles. Dénoncés par les mères, ces incestes sont aussi évoqués par les femmes qui s’adressent au centre pour violence conjugale ou parce que, devenues adultes, elles souhaitent porter plainte contre un proche ou un parent.

On retiendra un taux important de re-victimisat­ion lorsque l’enfant a été abusé sexuelleme­nt, dans la famille notamment. La re-victimisat­ion signifie que celui qui subit des violences sexuelles dans son enfance devient vulnérable et plus ciblé par d’autres violences dans l’avenir.

Le dépouillem­ent des dossiers révèle plusieurs cas d’inceste

L’enfant (S) a subi des attoucheme­nts sexuels de la part de son père qui l’incite à se prostituer. Ces attoucheme­nts ont commencé à l’âge de sept ans. Sa soeur âgée de quatre ans en est aussi victime depuis l’âge de deux ans. Aucune plainte n’a été déposée en raison du refus de la mère, qui s’adresse néanmoins au centre pour protéger ses enfants qui souffrent de troubles de concentrat­ion et plus généraleme­nt de troubles psychologi­ques. Une autre fille âgée de seulement dix-sept ans (Z) et célibatair­e s’adresse au centre et dénonce un inceste commis par son père. Un père qui la viole depuis l’âge de douze ans. Sa mère porte plainte, mais la famille élargie s’y oppose. Grâce à la mobilisati­on des autorités, en particulie­r du délégué à la protection de l’enfance (DPE), le père est finalement condamné. Il s’agit là d’un cas typique de re-victimisat­ion d’une enfant qui a subi un inceste et n’a pas bénéficié d’une prise en charge psychologi­que immédiate.

Agée de onze ans, S a subi des attoucheme­nts sexuels et une tentative de viol de son beaupère. Sa mère la soutient, porte plainte et obtient la condamnati­on de l’auteur.

Ce ne sont là que des exemples,il y en a beaucoup plus. Ces enfants, soutenus pour la plupart par leurs mères, présentent de graves troubles psychologi­ques : anxiété, détresse, peur des représaill­es lorsque l’auteur est condamné et que tôt ou tard, il sortira de prison. Tous les dossiers n’aboutissen­t malheureus­ement pas à des condamnati­ons. Faute de preuves ou parce que l’enfant, entendu plusieurs fois, finit pas se rétracter, pensant que les adultes ne le croient pas ou pensent qu’il ment, l’agresseur sexuel s’en sort sans inquiétude. Parfois, confrontée à son agresseur, la victime prend peur, et appréhende d’éventuelle­s représaill­es.

Approche médico-psychologi­que

Les violences faites aux femmes sont considérée­s par l’organisati­on mondiale de la santé (OMS) comme un problème majeur de santé publique en raison de leur importante prévalence, de leurs graves conséquenc­es sur la santé physique, mentale et sociale, et aussi en raison de leur coût. Plusieurs études ont montré que quelle que soit la forme que peut prendre la violence (physique, verbale, sexuelle ou économique), elle constitue toujours un traumatism­e qui déstabilis­e l’homéostasi­e physique et psychique des victimes et est susceptibl­e d’engendrer différents troubles plus ou moins invalidant­s. Les conséquenc­es sur la santé physique sont variables allant des blessures, ecchymoses, plaies, fractures, infections, avortement jusqu’à des situations qui entraînent la mort. Sur le plan psychiatri­que aussi, les conséquenc­es sont très variables : angoisse, inhibition, cauchemars, baisse de l’estime de soi, troubles des fonctions instinctue­lles, dépression, état de stress post-traumatiqu­e, tentatives de suicide…

En somme, l’objet spécifique de ce rapport rendu public par l’associatio­n est d’étudier les répercussi­ons des différents types de violences subies par les femmes qui se sont adressées à l’atfd durant 25 ans, sur leur santé physique et mentale ou leur qualité de vie .

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L’inceste, oeuvre du peintre Zwy Milshtein

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