Luttes de clans paralysantes
LE temps est poisseux, l’atmosphère est lourde et viciée. Pourtant c’est bien de politique plutôt que de météo qu’il s’agit. Rencontrés partout, les Tunisiens étalent leur sentiment de lancinant étouffement et de profonde angoisse au grand jour. Et pour cause. Les luttes de clans et de coteries au sommet de l’etat battent leur plein, depuis des mois. Les charges des uns contre les autres sont légion. À coups de révélations supposées fracassantes, relayées le plus souvent dans les réseaux sociaux par milices électroniques antagoniques interposées. La scène politique s’apparente à une véritable foire d’empoigne. Les coups bas fusent de partout. Sans égard à l’éthique, la déontologie et autres règles premières de décence et de bienséance.
Le pire c’est que cela a débordé sur deux enceintes jusqu’ici épargnées un tant soit peu par les sordides règlements de compte siciliens de naguère. D’abord, les institutions souveraines de l’etat. Présidences -de la République et du gouvernement- et Parlement s’étripent au grand jour. La cohérence et l’efficience même de la majorité gouvernementale en supportent les contrecoups pervers. D’autant plus que les luttes de chapelle n’en finissent pas de diviser les ministres, secrétaires d’etat et autres sociétaires de la désormais fragile coalition au pouvoir.
En même temps, cette cruelle lutte viciée, au scalpel, a investi les couloirs de l’administration centrale et régionale. À telle enseigne qu’il y règne désormais une certaine frayeur, les protagonistes campant volontiers l’attitude tranchée de ceux qui croient mordicus «si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi». Et bien de hauts responsables s’abstiennent de prendre toute initiative de peur d’être pris à partie dans les interstices de la guérilla de chaque instant qu’assurent les clans antagoniques.
Bien évidemment, chaque clan campe volontiers la victime et crie au loup. Mais, reconnaissons-le, ils y vont tous avec la même hargne, le même esprit borné et sectaire, la même attitude isolationniste. Les actions égalent les réactions dans une spirale effrénée, toujours plus serrée et étouffante.
Il y a, depuis peu sur notre place politique, délires de grandeur et mégalomanies obsessionnelles. «Un chef, c’est fait pour cheffer» avait dit un jour Jacques Chirac. Mais à trop vouloir cheffer, on finit par oublier les valeurs de la République, la racine même du mot République -res publica- en référant à un État gouverné selon le bien du peuple.
La scène politique s’apparente à une véritable foire d’empoigne. Les coups bas fusent de partout. sans égard à l’éthique, la déontologie et autres règles premières de décence et de bienséance...