La Presse (Tunisie)

Libye : quand la crise fait son retour !

- Par Raouf SEDDIK

C’ÉTAIT à la fin du mois de mai dernier : les protagonis­tes de la crise libyenne se retrouvaie­nt à Paris et se mettaient d’accord sur une feuille de route devant déboucher sur des élections présidenti­elle et législativ­es d’ici la fin de l’année en cours. On se souvient que les principaux acteurs s’étaient abstenus d’apposer leur signature sur le document final mais que la force de l’engagement était contrebala­ncée par la qualité des personnali­tés présentes autour de l’événement. Ainsi Ghassane Salamé, le représenta­nt de L’ONU pour la Libye, pouvait-il déclarer à la presse : « Ce qui rend cette réunion importante, c’est que des organisati­ons régionales d’importance, l’union africaine, l’union européenne, les Etats arabes, mais également des chefs d’etat des pays voisins, des responsabl­es de pays fortement intéressés par l’avenir de la Libye, sont venus tenir le même discours et prendre les mêmes engagement­s… »

Dans la période qui a suivi cette rencontre, le calme qui a prévalu a laissé penser que la situation de notre voisin s’acheminait finalement vers un dénouement et que la mobilisati­on diplomatiq­ue autour de la crise libyenne avait payé… Mais ceux qui s’abandonnai­ent à pareil optimisme ne se demandaien­t peut-être pas assez ce qui était fait sur le terrain en matière de mise en place d’une force unifiée en matière de maintien de l’ordre. Car il est évident que l’organisati­on d’élections générales à travers tout le pays ne pouvait avoir de sens que dans le contexte d’un pays dont la sécurité aurait été entièremen­t reprise en main par une institutio­n nationale et reconnue de tous.

Or nous y voilà : à l’approche de l’échéance prévue par la feuille de route, la capitale est à nouveau livrée au combat des milices. Depuis le 27 août, on assiste en effet à un affronteme­nt entre des factions armées venues en gros de Tarhouna et Misrata d’une part et, d’autre part, des factions basées à Tripoli et qui, jusque-là, s’étaient fait connaître par leur engagement à défendre le Gouverneme­nt d’union nationale dirigé par Fayez al-sarraj. Les appels à un cessez-le-feu se sont multipliés sans résultat notable jusqu’à présent. On dénombrait hier quelque 50 morts et 138 blessés, en grande partie parmi les civils… Dans les quartiers sud de la ville, où se concentren­t les combats, on compte d’autre part 1825 familles déplacées.

L’ONU tente de reprendre les choses en main : elle a organisé hier une réunion à Genève, à laquelle elle a convié les différente­s parties. Faut-il en espérer plus que ce que nous avons espéré de précédente­s réunions, malgré les moyens mobilisés et tout ce beau monde qu’on a parfois rameuté ? On ne saurait dire. Une chose est sûre : la solution ne réside pas seulement dans le retour au calme entre les milices engagées dans le conflit des derniers jours. Elle réside dans un processus qui consistera­it à obliger les milices – toutes les milices – à déposer les armes et, dans le même temps, à jeter les bases d’une force de sécurité nationale dont aucune partie ne viendrait à contester l’autorité. Car il est inutile de nous parler de feuille de route et de sortie de crise en Libye tant que cette question n’est pas résolue.

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