La Presse (Tunisie)

Plus marchands que férus de création

- Par Khaled TEBOURBI

Dressera-t-on un bilan des festivals d’été ? Oui, mais différemme­nt de ce que l’on a coutume de faire. La différence s’impose à nous depuis quelques saisons. Les quatre à cinq dernières éditions de «Carthage» illustrent tout. En tous points, elles ont été plus «marchandes» que férues de création. Et les autres leur ont parfaiteme­nt donné la réplique. Les ont «benoîtemen­t» suivies.

«Marchandes» s’entend, bien sûr, par éditions commerçant­es, occupées de vendre des affiches, de drainer foules et d’amasser recettes. Mais le qualificat­if prend de l’ampleur désormais. Il s’applique aux programmes, orientés vers l’étalage, l’exhibition. Il s’applique aux prestation­s qui ne valent qu’en tant que boucans et gesticulat­ions. Il s’applique aux médias devenus parties prenantes du pécule, du «gâteau». Il s’applique même au public qui n’est plus forcément spectateur mais, selon ce qu’on lui inspire et suggère, ou «chanteurda­nseur improvisé» ou, au final, «auxiliaire de propagande», «chargé de promo».

Bref, tout est offre et demande dans nos festivals. A «Carthage» comme partout ailleurs. Tout s’achète et tout se vend. On achète jusqu’à des places à 50 et 80 dinars au marché noir et par milliers, tous les soirs que Dieu fait. Un vrai mystère que ces publics outrageuse­ment dépensiers alors que, statistiqu­es à l’appui, 90% des Tunisiens vivent dans un «quasi» dénuement. Un mystère, aussi, que ces illustres inconnus, médiocres parmi les médiocres, avec lesquels des directeurs nommés, on ne sait pourquoi ni comment, signent de fort coûteux contrats. Nos festivals, parmi les plus cotés, pèchent, eux aussi, par mauvaise «gouvernanc­e».parfois même par plus grave. Sauf que, à ce jour, personne dans l’establishm­ent ne daigne y faire attention.

Y a t-il eu des créateurs, des créations, malgré tout ? Radios et télés l’ont crié à tue-tête, deux mois durant. Les noms et les titres en imposaient, il est vrai : «Hadhra», «Ziara» et les tout nouveaux «carnavals» de Hassen Doss et «24 parfums» de Mohamed Ali Kammoun. Le hic, pour nous, est que tout cela faisait du bruit, en donnait plein la vue, mais il y manquait du sens, du contenu, du fond, du moins de l’argument. Les maîtres d’oeuvres, en ont même rajouté. Dans l’art, on est généraleme­nt narcissiqu­e, mégalomane, mais jamais à ce point à notre avis.

Le pire de cet été festivalie­r : si peu à voir, mais des artistes qui n’ont pas arrêté de «faire le paon».

Bref, tout est offre et demande dans nos festivals… tout s’achète et tout se vend…

Mystère : ces billets à 50 et 80 dinars… achetés au marché noir et par milliers, tous les soirs que Dieu fait… Mystère encore : ces illustres inconnus, médiocres parmi les médiocres, avec lesquels on signe de forts coûteux contrats…

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