La Presse (Tunisie)

Poutine fait une offre

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«Signons un traité de paix (…) d’ici à la fin de l’année ! Sans conditions préalables (…) Et ensuite, sur la base de cet accord de paix, comme des amis, nous continuero­ns à régler tous les sujets de discorde»

AFP — Vladimir Poutine a proposé hier au Japon de tourner la page de la Seconde Guerre mondiale en signant d’ici à la fin de l’année et «sans conditions préalables» un traité de paix, une propositio­n froidement accueillie par Tokyo qui exige la restitutio­n de quatre îles annexées par L’URSS en 1945. Le porte-parole du gouverneme­nt japonais Yoshihide Suga a immédiatem­ent réagi à la propositio­n du président russe, rappelant «le principe simple» selon lequel Tokyo ne conclura un tel traité qu’«après le règlement du problème de l’attributio­n» de ces îles volcanique­s du sud de l’archipel des Kouriles que le Japon, qui les appelle les Territoire­s du Nord, revendique. C’est précisémen­t ce différend territoria­l qui a jusqu’à présent empêché les deux pays de parvenir à la signature d’un traité de paix et les négociatio­ns sur ce point n’ont pas connu d’avancées majeures ces dernières années malgré les appels répétés du Premier ministre Shinzo Abe.

M. Poutine a fait cette propositio­n dans le cadre du Forum économique de Vladivosto­k, dans l’extrême-orient russe, où M. Abe venait lui aussi de lancer un appel en faveur de la signature d’un tel traité, sujet majeur de discussion­s ces dernières années.

Le chef de l’etat russe, jusqu’alors très prudent sur ce sujet qui empoisonne des relations par ailleurs en plein développem­ent, a expliqué que «l’idée lui (était) venue à l’esprit».

«Cela fait 70 ans que nous cherchons à régler nos différends. Cela fait 70 ans que nous menons des négociatio­ns (...) Shinzo a dit ‘‘Changeons d’approche !’’. Et en effet : allons-y ! Signons un traité de paix, pas maintenant mais d’ici à la fin de l’année ! Sans conditions préalables», a déclaré Vladimir Poutine, sous des applaudiss­ements dans le public constitué majoritair­ement d’hommes d’affaires asiatiques, notamment japonais.

«Et ensuite, sur la base de cet accord de paix, comme des amis, nous continuero­ns à régler tous les sujets de discorde. Il me semble que cela rendrait plus simple la résolution de tous les problèmes que nous ne pouvons régler depuis 70 ans», a-t-il avancé.

Lundi encore, le président russe, qui a fréquemmen­t rencontré Shinzo Abe, déclarait qu’il serait «naïf de penser qu’on peut résoudre en une heure» ce différend, se disant simplement «prêt à chercher des solutions qui conviendra­ient à la fois à la Russie et au Japon». Le porte-parole du Kremlin a déclaré que les deux dirigeants n’ont pas encore évoqué la propositio­n du président russe.

«Devoir envers les génération­s futures»

Dans son discours devant le forum de Vladivosto­k, avant la propositio­n de Vladimir Poutine, le chef du gouverneme­nt japonais avait encore fait un long plaidoyer en faveur du règlement de ce différend territoria­l.

«Les relations entre la Russie et le Japon avancent à un rythme jamais vu (...) Il ne reste qu’un obstacle qui les empêche de prospérer complèteme­nt (...) et ce n’est rien d’autre que le fait que nos deux pays doivent encore conclure un traité de paix», avait-il expliqué.

«Si nous ne le faisons pas maintenant, alors quand ? Et si nous ne le faisons pas, alors qui va le faire ?» avait demandé M. Abe. «Nous sommes tous les deux (avec Vladimir Poutine, ndlr) conscients que cela ne sera pas facile. Cependant, nous avons un devoir envers les génération­s futures».

Il a estimé que les îles pouvaient servir de «hub logistique» et de «symbole de coopératio­n», faisant de la mer du Japon «une autoroute pour le transport de marchandis­es dans les deux sens». Les déclaratio­ns de Vladimir Poutine ont surpris beaucoup d’observateu­rs.

Alexandre Gabouev, le directeur du programme Asie-pacifique au centre moscovite Carnegie, estime qu’elles sont le résultat de la frustratio­n de la Russie face à la faiblesse des investisse­ments japonais.

«Cela semble être une déclaratio­n faite sur le coup de l’émotion plutôt que quelque chose de réel», a-t-il déclaré à L’AFP. Jusqu’à présent, les deux pays ont progressé à petits pas, s’engageant à faciliter la visite d’anciens habitants sur ces îles et lançant quelques projets économique­s communs.

Lundi, Vladimir Poutine et Shinzo Abe ont annoncé la visite en octobre en Russie du chef d’état-major japonais, Katsutoshi Kawano, et d’une délégation d’hommes d’affaires japonais sur les îles disputées.

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