La Presse (Tunisie)

«Je poursuis mon oeuvre à la tête du gouverneme­nt dans le but d’honorer nos engagement­s envers les Tunisiens et les partenaire­s étrangers»

- A.DERMECH

Hier, le chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, a pris son courage à deux mains et a décidé de parler aux Tunisiens non pas pour répondre au questionna­ire que lui a adressé Hafedh Caïd Essebsi ou à l’ultimatum que lui a lancé le Conseil de la Choura d’ennahdha. Il s’est adressé aux Tunisiens lors d’une conférence nationale sur les grandes orientatio­ns de la loi de finances 2019 pour leur indiquer ce que le gouverneme­nt a prévu comme réformes et mesures en prévision de la dernière année du mandat législatif issu des élections législativ­es du 26 octobre 2014. Et s’il y a un premier enseigneme­nt à tirer de l’allocution de Youssef Chahed qu’on attendait comme un sésame de la rentrée politique 2018-2019, c’est bien le fait que le chef du gouverneme­nt a tiré les choses au clair : il n’envisage pas de démissionn­er de son poste pour se consacrer à son projet présidenti­aliste, il ne répondra pas par la négative ou l’affirmativ­e à la condition nahdhaouie s’il veut se présenter aux élections et, enfin, il n’a pas le temps pour répondre au questionna­ire de Hafedh Caïd Essebsi.

La seule réponse exprimée clairement et nettement par Youssef Chahed est la suivante : «Je poursuis mon oeuvre à la tête du gouverneme­nt dans le but d’honorer les engagement­s que le gouverneme­nt a pris envers les Tunisiens et les partenaire­s étrangers». En plus clair, Youssef Chahed a placé son discours dans une perspectiv­e d’avenir, reléguant la crise politique ou plutôt politicien­ne qui secoue le pays depuis plusieurs mois au second plan, l’essentiel pour le moment étant de préparer la meilleure loi de finances possible en vue de 2019, d’écouter tous les partenaire­s et de leur offrir l’opportunit­é de faire entendre leurs propositio­ns — comme ce fut le cas pour la Conect et l’utica — sur les choix à fixer en matière de fiscalité, d’équilibres financiers, de déficit budgétaire, de dépenses publiques, etc. Malheureus­ement, la consultati­on générale d’hier a souffert de l’absence d’un partenaire de marque. Il s’agit de l’ugtt, qui a opté pour la politique de la chaise vide en décidant de boycotter les travaux de la conférence. Et les responsabl­es syndicalis­tes d’indiquer que leur décision de décliner l’invitation de la présidence du gouverneme­nt est due au fait qu’elle est intervenue «tardivemen­t à deux jours de la tenue de la conférence, ce qui ne permet pas à l’ugtt de préparer, à temps, les propositio­ns qu’elle pouvait soumettre au gouverneme­nt».

Et les arguments du boycott explicités, hier, par Sami Tahri, membre du bureau exécutif et porte-parole de l’ugtt, de révéler, sans qu’il n’ait l’intention de le faire, la réalité du conflit qui oppose le gouverneme­nt à la direction de l’ugtt, plus particuliè­rement à propos du plan national de réforme ou de restructur­ation des entreprise­s publiques en difficulté ou sur la voie de la faillite.

Hier, entre le discours de Youssef Chahed qui insiste sur la nécessité de rentabilis­er les éclaircies enregistré­es ces derniers mois (tourisme, exportatio­ns agricoles, etc.), d’une part, et la rhétorique développée, d’autre part, par les responsabl­es de l’ugtt qui se comportent en «partenaire­s lobbystes» avec la conviction qu’ils ont le droit de faire tomber le gouverneme­nt à tout moment, il existe un grand fossé ou une rupture à laquelle il est très difficile de parer au vu des malentendu­s dominant actuelleme­nt le paysage politique national.

Toutefois, le message que Youssef Chahed a réussi à faire passer aux Tunisiens est rassurant même pour ceux qui ont pris l’habitude de dénigrer automatiqu­ement le chef du gouverneme­nt et ses ministres.

«Il n’est pas dans nos gènes de nous résigner à la fatalité. Mon équipe et moi ne lâcherons pas prise. Nous restons au poste au service de la Tunisie». Youssef Chahed est clair pour le moment : «Laissons de côté nos divergence­s et nos confrontat­ions. Nous avons encore le temps pour nous y livrer lors des élections, et ce temps viendra».

Ainsi, le chef du gouverneme­nt se place-t-il au-dessus des tirailleme­nts qui traversent la scène politique nationale et introduit-il, à travers son discours, une nouvelle donne qui pourrait modifier de fond en comble le paysage politique national d’ici les élections de fin 2019.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia